25/10/2007
Déchaînés sur la scène…
Il s’en passe de belles à la Comédie-Française ! On ne se contente plus des classiques, ni même des « entrées au répertoire », voilà qu’on nous donne du « cabaret » ! Oh ! Pas salle Richelieu, quand même ! Mais dans le joli écrin de bois du Studio-Théâtre.
Le matériau a dû inspirer Sylvia Bergé qui a conçu, organisé et mis en scène et qui interprète elle-même bon nombre de chansons dans ce Cabaret des mers.
Toiles écrues et rouges tendues devant le décor des Sincères, les voiles de la goélette entraînent les spectateurs dans un attrayant périple musical. Les tressages de paille, de fil de fer ou de papier de Mélanie Charlot donnent aux corps et aux costumes une étrangeté amusante. Le couloir devient coursive, l’escalier devient passerelle, et si la mer est calme, les comédiens, sur les planches de la scène, sont déchaînés… Claude Mathieu proche du « parlé-chanté », reste assez sage. Mais accompagnés d’un violon (Andreï Iarca), d’une clarinette (Mathieu Vervelle) et d’un accordéon (Anthony Millet), tous mêlent les genres, changent les sexes, bousculent les époques, affranchissent les textes et les musiques.
Le comte de Forbin précède Rabelais, Mac Orlan encanaille Fénelon, Chateaubriand rencontre Villard-Gilles, et Vigny ne reste guère stoïque. Ils sont nombreux les auteurs qui tanguent avec Sylvia Bergé, et les acteurs qui roulent avec elle jouent en alternance. Nous avons ainsi découvert un ténor surprenant : Serge Bagdassarian, et Christine Fersen en chanteuse réaliste ressuscite l’univers de Damia. Quant à Sylvia Bergé, dont la voix de soprano évolue jusqu’au mezzo, elle est saisissante. Le duo de Youkali avec Serge Bagdassarian chatoie de cent nuances délicieuses et émouvantes.
Pourvu que le spectacle soit prolongé, ou repris !
Cabaret des mers
Studio de la Comédie-Française
Jusqu’au 28 octobre
à 20 h 30
01 44 58 98 58
14:24 Écrit par Dadumas dans Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Musique, théâtre, poésie | Facebook | | Imprimer
19/09/2007
Un Ranelagh romantique
Aimez-vous Musset ? Oui, sûrement, vous connaissez la mélancolie masquée de cynisme de ses personnages, la délicate musique de son âme douloureuse, son humour un peu grinçant.
Vous allez le retrouver tel qu’en lui-même dans deux des spectacles que propose Stéphanie Tesson : Histoire d’un merle blanc, adapté du conte éponyme, qu’elle interprète elle-même. Dans le parcours initiatique du jeune merle rejeté par les siens, trahi dans ses amours, affamé de reconnaissance, Stéphanie Tesson passe d’une lumière tragique à un humour désenchanté. Exceptionnelle… comme le merle blanc !
Musset, vous le trouverez aussi dans Fantasio où le rôle titre est dévolu à Nicolas Vaude. Et, pour faire bonne mesure, dans le foyer du théâtre, vous entendrez, en contrepoint, Tout à vous, George Sand, des lettres de George Sand accompagnées des musiques de Mendelssohn, Schumann, Liszt, et Chopin… Autant dire que la rentrée, est, cette année romantique en diable…
Et c’est tant mieux ! Car une cure de Musset vous entraîne inévitablement vers la « démystification du sérieux » (Max Milner). Injouable au XIXe siècle, parce qu’il ne respectait ni les codes du théâtre de son époque, ni les conventions sociales, le théâtre de Musset s’épanouit en liberté sur nos scènes.
Multiplicité des décors ? Stéphanie Tesson résout le casse-tête du metteur en scène en créant un lieu neutre, une placette entre ville et palais, où s’enracine un chêne sec, cousin de l’arbre d’En attendant Godot (décor d’Olivier Balais). Entre ses racines tourmentées, Fantasio (Nicolas Vaude) y dort, et la princesse Elsbeth (Sarah Capony) y essuie furtivement ses larmes. Et, de même que « la dimension d’un palais ou d’une chambre ne fait pas l’homme plus ou moins libre », l’importance d’un décor ne vaut pas le talent des comédiens.
Nombreux personnages ? Les comédiens se dédoublent adroitement interprétant plusieurs rôles secondaires (Mathias Maréchal, Sébastien Pépin). Évident, puisque les déguisements masquent les vraies identités. Le Prince de Mantoue (Frédéric Longbois) est aussi fantoche que son aide de camp (Maxime Lombard). Le Roi débonnaire (Jean-Michel Kindt), - qui sait bien que « la politique est une fine toile d’araignée dans laquelle se débattent bien des pauvres mouches mutilées » et refuse de sacrifier sa fille à la raison d’État, - agit comme la Gouvernante romanesque qu’il incarne aussi remarquablement.
Et, grâce à un complice, Spak (Olivier Foubert) poète qui ressemble à Musset comme un frère, ledit Fantasio n’endosse-t-il pas, l’identité du bouffon de cour, Saint-Jean, « véritable Triboulet », plus insolent, moins douloureux que le modèle hugolien ?
Un rôle fait pour l’impertinent Nicolas Vaude qui joue à merveille l’enfant du siècle : un jeune homme désabusé qui plaint la jeune princesse d’épouser « à son corps défendant un animal immonde », mais un être si nostalgique de la gloire impériale qu’il préfère la guerre à une paix de compromission. La princesse sera sauvée d’une union monstrueuse, et donc l’innocence préservée du Mal, du moins, le temps d'une bataille...
Dans cette Bavière rêvée par Musset (1834), il y a du Büchner de Léonce et Léna (1836). Dans la mise en scène de Stéphanie Tesson brillent les vertus d’un art maîtrisé puisqu’il respecte un texte irrespectueux.
Si « un calembour console de biens des chagrins », avec cette soirée Musset, vous oublierez les vôtres…
Histoire d’un merle blancà19 h du Mardi au Vendredi
Tout à vous, George Sand,
le samedi à 19 h
le dimanche à 15 h
le mercredi et le samedi à 17 h
Fantasio
à 21 h
Depuis le 8 septembre
01 42 88 64 44
13:45 Écrit par Dadumas dans culture, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Culture, littérature, poésie, théâtre | Facebook | | Imprimer
01/09/2007
Loupiotte : « un rêve qui veille »
On vit mal dans la rue. Les passants trop pressés n’ont pas une obole pour le pauvre claquedent solitaire qui tend la main. Et quand il essaie de dormir sur un banc public un autre traîne-misère voudrait lui prendre sa place. C’est trop ! Et chacun de réagir comme une bête qui veut défendre son territoire…
L’homme est une brute à l’état de nature, un voleur, un chenapan. Les pauvres seraient-ils méchants ? Non, juste méfiants. Mais quand l’un et l’autre enfin se regardent, ils se voient identiques : même souffrance, mêmes gestes, même T-shirt, même veste, même pantalon, mêmes baskets, et même grommelot pour s’exprimer dans une langue inconnue qui ne laisse distinguer que les prénoms : « Kamel » et « Toine ». L’inquiétant étranger n’est qu’un autre soi-même. Alors… à défaut de pouvoir partager son pain, Kamel dédouble… son chapeau, seul accessoire qui manquait à Antoine pour être son pareil.
(Photos : DR)
Frères de bitume, les voilà jumeaux, amis pour le pire, en attendant le meilleur : Kamel et Antoine. Retenez ces prénoms. Vous ne les oublierez plus. Car ces deux-là ont l’âme naïve de Charlot, et pour démunis qu’ils soient matériellement, les deux êtres qu’ils incarnent sont riches d’imagination. Leur angoisse du lendemain ? Ils la transmuent en jeu et toute inquiétude devient sujet de rire.
La plupart des spectacles immobilisent le temps et l’espace. Avec Loupiotte, le temps devient fluide et l’espace réversible. Antoine et Kamel, comme deux pantins élastiques affrontent les dangers et la méchanceté du monde et retombent toujours sur leurs pieds. Ils savent voyager de ring en stade, du court de tennis à l’aérodrome, du bord de la rivière à l’hôpital et de la détresse à la tendresse.
Comme deux « petits Poucet rêveurs », ils entraînent les spectateurs dans une course follement drôle qui, parfois, vire au cauchemar. Hommes « dont jamais l’espérance n’est lasse », ils ne découragent jamais. L’amitié est leur « loupiotte », et les sauve de toutes les vicissitudes. Le miracle est qu’ils en persuadent aussi les spectateurs qui délirent de bonheur avec eux.
Car, il y a toujours, « un rêve qui veille », et, s’ils sont de la « race d’indépendants fougueux » chère à Jean Richepin, ils sont naturellement poètes…
Le 18 octobre
au Théâtre 13 à 20 h 30
01 45 88 62 22
Et en tournée.
09:50 Écrit par Dadumas dans Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, poésie | Facebook | | Imprimer