20/11/2015
« Malandro, c’est du feu ».
Le diable peut prendre bien des formes. Et Joseph (Joan Mompart), le soldat qui revient dans son village, ne se méfie pas suffisamment du gentil vieux monsieur (Omar Porras) qui lui échange son violon contre un livre magique. Il est trop confiant, Joseph, qui accepte d’apprendre au vieux à jouer du violon pendant trois jours. Car ces trois jours durent trois ans. Quand il arrive dans son village, personne ne le reconnaît, ni sa mère, ni sa fiancée qui s’est d’ailleurs mariée. Joseph n’est « plus qu’un mort parmi les vivants. » Bien sûr, grâce au livre qui prédit l’avenir, il « a tout l’argent qu’il voulait » mais personne qui l’aime. Il n’aura de cesse de récupérer son violon, de rendre l’argent au diable. Il peut alors guérir la fille du roi (Maëlle Jan) et l’épouser. Mais son bonheur est de courte durée. Le diable le guette et l’emmène aux enfers.
De ce conte russe, Stravinsky, réfugié en Suisse, fit L’Histoire du soldat, avec Charles-Ferdinand Ramuz, un mimodrame pour trois récitants et sept instrumentistes. Il fut créé en 1918 par Georges Pitoëff. Aujourd’hui, sous la direction d’Omar Porras, ils sont cinq. Le narrateur (Philippe Gouin) culotte de satin clair, jaquette et chapeau gris, mène le récit mais s’efface devant de vrais personnages comme le curé (Alexandre Estève). Omar joue tous les avatars du diable et il y prend un plaisir… malin.
Les acteurs portent masque et perruque suivant la tradition du teatro Malandro. On avait dit de lui : « Malandro, c’est du feu ». Il persiste !
Des fontaines lumineuses, des feux d’artifices, des explosions aveuglantes rythment les méfaits du diable qui change de costume et d’allure, mais pas de scélératesse. Par instants, la lumière noire peint aussi les rêves. Les couleurs sont vives, les acteurs ardents. Vêtus comme des figurines de bois peintes, ils donnent burlesque et mélancolie à la manière de Petrouchka.
L’Histoire du soldat devient ainsi un éblouissant bijou de fantaisie, mais aussi une amère leçon de vie.
Le soir où nous l’avons vu, à cause des brutes criminelles qui ensanglantent le monde, il avait fallu annuler la venue des jeunes spectateurs. Priver la jeunesse de culture, de pensée, d’amour, tels sont les buts de ces assassins.
Faites qu’ils ne réussissent pas !
Courez voir L’Histoire du soldat.
Photos © 2015 Teatro Malandro
L’Histoire du soldat de Charles-Ferdinand Ramuz et Igor Stravinsky
Théâtre de Malakoff
Jusqu’au 27 novembre
01 55 48 91 00
Mardi, vendredi à 20 h 30
Mercredi, jeudi, samedi à 19 h 30
Dimanche à 16 h
© 2015 Teatro Malandro
16:54 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, danse, Littérature, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de malakoff, musique, ramuz, stravinsky, omar porras | Facebook | | Imprimer
14/11/2015
Concert décoincé
Ils sont quatre, comme les Trois Mousquetaires. Christophe de Biase, baryton, et Olivier Hernandez, ténor, viennent du Conservatoire National Supérieur de Lyon, comme leur pianiste, Landry Chosson. Mais c’est, paraît-il, Fabrice Maitre, ténor, du Centre de musique baroque de Versailles, qui a eu l’idée du groupe vocal les « New Lyrique Boys Band ». Et, comme, Olivier Hernandez avait chanté La Grande Duchesse avec Olivier Naveau, baryton, qu’ils n’avaient aucun préjugé musical, ils ont voulu faire venir à l’opéra ceux qui n’y étaient jamais allés, et montrer à ceux qui méprisent la chansonnette, que tout faisait voix, et qu’avec du talent et de l’humour, il n’y a que des chefs d’œuvre ! François Rollin les a mis en scène, pour ce spectacle « comico-lyrique ». Et les voilà qui présentent, à Paris (et en tournée) ce récital joyeux et saugrenu…
Car, enfin, qui aurait pensé à chanter sérieusement le Petit bonhomme en mousse de Patrick Sébastien, de donner « avec passion » La Chenille de Basile ? Oh ! Bien sûr de joyeux drilles avaient déjà chanté Les Filles de Camaret comme un chœur de moines, on s’amusait à ça, quand on était potaches. Mais on n’avait pas des voix aussi amples, aussi souples et des timbres aussi beaux. Et nous n’aurions jamais osé mêler Mozart, Verdi, Bizet, Charpentier, Pergolèse et tant d’autres « classiques » aux couplets de Pierre Perret, aux chansons de corps de garde, ou de Freddie Mercury.
Le soir où je les ai vus, une pianiste facétieuse, Noëlie Lantin, les accompagnait, pétulante, feignant l’autorité sur eux, et captant, par ses mines, la complicité d’une salle que le mélange des genres enflammait.
Pour les New Lyrique Boys Band, on peut faire chœur d’opéra de toute musique. Et l’opéra peut plaire à tous. Noble projet et réussite parfaite !
Merci à tous, de décoincer ainsi les concerts !
Photos : © Arthur Silve.
La do ré etc.
Comédie-Caumartin
Du mardi au samedi à 19 h
01.47.42.43.41
16:13 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, humour, comédie-caumartin, new lyrique boys band | Facebook | | Imprimer
28/06/2015
De rerum natura
Tout avait commencé avec les Fantaisies potagères, à Versailles, en 2003. Puis il y eut d’autres Fantaisies, les bucoliques, les microcosmiques, les mythologiques, les gourmandes, touts crées pour le Potager du Roi, dans les dédales des vergers, au bord des fontaines, à l’abri des espaliers. Stéphanie Tesson, la metteuse en vie de ces promenades spectacles fit appel à soixante-cinq auteurs pour les imaginer.
Aujourd’hui, elle signe seule le spectacle de Monologues en plein champ, où les choses de la Nature vous parlent de la nature des choses. Elle est à la fois auteure, et interprète. Marguerite Tanguy des Déserts les met « en images ».
Et c’est un ravissement !
Corinne Pagé a composé pour elle une robe-manteau d’un vert soyeux très tendre, peinte comme un tableau que l’École de Barbizon (ou celle de Bléneau) n’aurait pas renié.
Accompagnée par deux musiciens qui ponctuent les saynètes avec talent et humour : Emmanuelle Huteau et Olivier Depoix, elle sera Vent, Cloporte, Papillon, Punaise, Fourmi, Champignon Arbre (mais lequel ?), Ronce, Hibou, Ver (de terre), Mouche, Caillou, Escargot, Guêpe et même… attachée de presse citadine.
Car, voyez-vous, face à cette Nature peu disciplinée, têtue, foisonnante, l’Homme et naturellement la Femme sont des prédateurs redoutables.
L’avant-première a eu lieu Place Saint-Sulpice, dans le cadre de la Foire Saint-Germain.
Il n’y a pas de tournée ! Et pourtant ce ne sont pas les jardins extraordinaires qui manquent, en France.
Tenez, au hasard, le jardin de Chaumont qui ouvre la nuit pendant l’été, et qui avec ses illuminations, n’a pas prévu de donner la parole à ses plantes et ses arbres. Il faudrait pourtant qu'il soit "dans le Vent".
Je lui recommande ces Monologues de plein champ, Shakespeare (Le Songe d’une nuit d’été) et Hugo (La Forêt mouillée), en seront enchantés.
photo : © N. D.
Monologues de plein champ, texte paru dans la collection des Quatre-Vents, éditions de l’Avant-Scène Théâtre, 12 €. Le texte est suivi de la réédition de Cœur de laitue, une des premières pièces de Stéphanie Tesson : un petit bijou de tendresse envers les plantes.
11:24 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, culture, éducation, humour, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, poésie, musique, stéphanie tesson, nature, jardin de chaumont, jardins. | Facebook | | Imprimer