21/12/2013
Hollywood revisité
Amis des animaux sauvages, réjouissez-vous, dans El Tigre, il n’y a pas de tigre sur la scène du Rond-Point, mais de bien curieux personnages, venus des mythologies du cinéma et d’un endroit d’Argentine où des « cinéfolles » se perdent dans des chimères hollywoodiennes. Vous vous souvenez peut-être du Baiser de la femme araignée d’Hector Babenco où Molina le détenu homosexuel réconfortait Valentin le politique torturé, en lui racontant des films de légende. Dans El Tigre, la tragédie cède la place à une comédie loufoque chantée (composition musicale de Bruno Coulais) et chacun est libre d’aimer à sa guise dans ce Hollywood revisité.
Alors, pourquoi le tigre ? Alfredo Arias nous apprend qu’il s’agit d’un endroit au Nord de Buenos Aires où, « une quantité d’îlots qui flottent au confluent du Gran Paraná, rivière descendant des Chutes d’Iguaçu jusqu’au Río de la Plata », dessinent la peau d’un tigre en vue aérienne. Là, « se dressent des maisons : type datcha russe, chalet suisse ou petit palais indonésien, où se réfugie toute une population qui fuit la fièvre chaotique » de la ville, et dit-il, « J’ai su dès ma jeunesse que dans ces maisons de villégiature aquatique s’était établie une communauté de gays qui profitaient du calme et du dépaysement pour se perdre dans des rêveries cinématographiques, en se racontant les films de telle ou telle autre star, les imitant, et jouissant des dernières tragédies des reines du celluloïd. »
Dans la maison de Holy (Carlos Casella qui ressemble à Joan Crawford dans Johnny Guitar), Dark (Denis d’Arcangelo), l’homme « à tout faire qui devient femme pour lui plaire » voudrait rejouer un film de Douglas Sirk. Une créature extravagante, Fatafatale (Alejandra Radano), qui ressemble à la fois à Blanche-Neige et à la Reine de Walt Disney, hante les lieux. Un orage sur le marais dérègle leur projet. Et l’Indienne Tota (Andrea Ramirez) débarque, bientôt suivie de Lana Turner (Arielle Dombasle), « revenue sur terre/pour s’envoyer en l’air », puis apparaît sa meurtrière de fille Lanita (Alexie Ribes), « emmerdeuse » jalouse, et enfin, Vampira (Alejandra Radano) sortie d’une soucoupe volante, tente d’emmener tout ce monde vers d’autres sphères. Mais force reste à l’Argentine…
Un quatuor à cordes, deux violons (Christophe Guiot, Elisabeth Pallas) un alto (Françoise Gneri), un violoncelle (Jean-Philippe Audin), accompagne les comédiens-chanteurs dans une scénographie de Elsa Ejchenrand et José Cuneo où les lumières de Jacques Rouveyrollis illuminent les îlots verdoyants de la découverte. Et les costumes de Pablo Ramirez suivent les caprices de ces personnages excentriques.
Femmes de rêves ou travestis authentiques, « dernières de la classe et reines des garces », les personnages se moquent des clichés et des idées reçues pour mystifier et mythifier à loisir.
En cette fin d’année, avec ces comédiens surprenants, ils assument mieux que tous les Pères Noël des Champs-Elysées et on rit plus qu’à Broadway.
Photos : © Alejandro Lopez
El Tigre d’Alfredo Arias
Théâtre du Rond-Point
Jusqu’au 12 janvier
Tel. 01 44 95 98 21 - www.theatredurondpoint.fr
17:50 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, Film, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre du rond-point, alfredo arias, musique, film, cabaret | Facebook | | Imprimer
15/12/2013
L’Amour lui-même
Elle nous avait ravis quand elle avait adapté Le Loup, d’après Les contes du Chat perché (Marcel Aymé) pour la scène du studio. Aujourd’hui, Véronique Vella nous enchante avec sa mise en scène de Psyché cette « tragédie-ballet » signée Molière, Corneille, Quinault, Lully que la Comédie-Française gardait dans son répertoire et ne donnait que par « fragments ».
Vous connaissez bien sûr Vénus (Sylvia Bergé), mais l’aviez-vous imaginée en belle-mère ? Car, pour son fils, l’Amour lui-même (Benjamin Jungers) « il est temps de sortir de cette longue enfance », et pour montrer son indépendance, le rebelle tombe amoureux de la belle Psyché (Françoise Gillard), dont Vénus est jalouse !
Elle n’est pas la seule. Les sœurs de la donzelle, Aglaure (Coraly Zahonero) et Cidippe (Jennifer Decker) sont prêtes à tout pour s’en débarrasser quand deux beaux partis, Cléomène (Félicien Juttner) et Agénor (Pierre Hancisse) jeunes princes à marier, les délaissent pour Psyché.
Aidé de Zéphire (Jérôme Pouly), et se faisant passer pour un monstre, l’Amour enlève Psyché, au grand désespoir du roi son père (Laurent Natrella) qui voyait en elle « le doux espoir de (sa) vieillesse ». Psyché découvre avec « le feu » qu’elle ne connaissait pas, que ledit monstre est le plus joli garçon de l’Olympe et s’abandonne à cet « excès d’amour ».
Vénus « impitoyable mère » et voix superbe, sépare les amants. Heureusement Jupiter (Claude Mathieu) intervient : « laisse-toi vaincre aux tendresses de mère », et comme il fait de Psyché une « immortelle », tout s’achève en ballets et chansons.
Dans cette version, Vincent Leterme remplace Lully et dirige au piano les chœurs et la musique, avec Véronique Briel, tandis qu’Elliot Jenicot a dirigé le travail chorégraphique. La scénographie de Dominique Schmitt et les toiles peintes d’Anne Kessler implantent l’action dans un cosmos original et souriant. Les chœurs, en redingote bleu royal et chapeaux melons assortis entourent les amoureux de blanc vêtus, Vénus impériale, rutile en pourpre (costumes de Dominique Louis), tandis que Jupiter avec sa cape de soie noire ressemble à Mandrake le magicien.
Le monde tourne comme le centre de la scène, dans les ombres et les lumières de Patrick Méeüs. C’est un éblouissement de soleils et de nuits.
Le charme opère. On les adore ! On est conquis.
Photo © Brigitte Enguérand
Psyché de Molière, Corneille, Quinault
Tél. 0 825 10 1690
17:40 Écrit par Dadumas dans Blog, danse, humour, Littérature, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, comédie-française, musique, littérature, danse | Facebook | | Imprimer
25/11/2013
Un artiste diabolique
Il est le ténébreux, œil ardent et mystérieux, qui, en redingote surannée, tient la salle en émoi. Yanowski , « anarchiste espagnol par son père » et âme « slave par sa mère », chante, danse et joue ses chansons, accompagné au violon par Cyril Garac et au piano par Gustavo Beytelmann qui a écrit les arrangements musicaux. Ensemble, ils interprètent des chansons « à faire prier le diable ». Les lumières et la scénographie de Fred Brémond créent des ombres troublantes.
L’auteur-compositeur-interprète parle des bas-fonds de Buenos-Aires, où l’on peut enchaîner toutes les figures du tango, sauf celle de « la passe interdite ». Il vous fait voyager jusqu’aux confins de la steppe. On y fréquente les salons aristocratiques et les bouges, les cabinets particuliers et les bordels. On y rencontre des gens bizarres, on y croise peut-être le diable. L’univers de Yanowski appartient, dit le dossier de presse, au « réalisme fantastique », et, en effet on retrouve le thème du double, cher à Edgar Allan Poe (William Wilson) dans l’histoire de la « valse chez la comtesse ». On pense également à E. T. Hoffmann quand le « violon magique » de Cyril Garac devient celui du « violoniste fou ». Les influences de Nerval, de Gautier, croisent celles de Nougaro et de Brel en particulier dans L’auberge des adieux tandis qu’el señor Beytelmann, « un authentique mélomane », se prend pour Mozart.
La voix est envoûtante, les textes fascinants de poésie et d’étrangeté et la musique vous enchante. L’amour y est cruel, l’humour toujours noir et l’artiste diabolique !
Retenez vite les prochaines représentations.
Photos : © Victor Quezada de Perez
La Passe interdite de et avec Yanowski
Paris : Salle Gaveau les 29 et 30 janvier 2014 à 20 h 30
Et, au printemps été 2014, en tournée à Bois d’Arcy, Le Locle (Suisse), Meudon, Beaune, Lignières, Vendenheim, Tremblay-en-France, Montpellier, etc.
19:04 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, danse, Littérature, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, chanson, poésie | Facebook | | Imprimer