14/04/2016
L’irrésistible ascension
Svetlana (Nathalie Mann), la procureure, est seule, face au Président Vladimir Poutine (Hugues Leforestier). Il l’a convoquée dans son bureau. Elle est venue de Sibérie où elle a été mutée. Dehors, la foule conspue le maître du Kremlin. Mais Poutine a un projet.
Il l’accuse d’être responsable de ces manifestations. Elle lui reproche d’être un dictateur. Elle a monté un dossier accablant contre lui. Élections truquées, corruption à tous les niveaux, crimes organisés, génocide des Tchétchènes, violation des droits, prévarication, concussion, elle ne passe rien ! Elle démonte, avec une précision mécanique, l’irrésistible ascension, à quarante-quatre ans, du petit fonctionnaire falot du KGB, devenu FSB, sur lequel il appuie son pouvoir pour perpétrer ses coups les plus tordus et dicter sa volonté au monde. Elle l’avait connu quand il voulait « changer le monde » et tout laisse entendre qu’ils ont eu, ensemble, une brève liaison. Il voudrait aujourd’hui briser la militante.
Hugues Leforestier, l’auteur, assume le rôle du méchant. Gestes sobres, masque impassible. Il est odieux et glaçant. Nathalie Mann, l’opposante est obstinée, fragile et passionnée, elle lui fait front avec courage, révoltée par son autoritarisme, son cynisme. Elle dénonce sans faillir l’arbitraire érigé en système de gouvernement. Elle est superbe.
Comment la réduire au silence ?
La recette est connue. Bien des gouvernants la mitonnent, et même en démocratie.
En lui proposant un poste dans son gouvernement. C’est Le Projet Poutine. Mais elle reste intransigeante. Lui, qui a choisi entre « rester pur ou gouverner », se vante d’un bilan globalement positif puisqu’il a « rendu sa fierté à la Russie. » Peut-être se vengera-t-il d'elle sur ses enfants, ses parents, ceux qui lui sont chers. Ou la fera-t-il éliminer ? L’auteur ne tranche pas.
On dit souvent, que les Français ne savent pas faire un théâtre ancré dans l’actualité. Hugues Leforestier dans Le Projet Poutine démontre le contraire. Le conflit entre l’autocrate et la résistante, est intense, dramatiquement nourri. La mise en scène de Jacques Décombe entrecoupe chaque séquence de montages vidéo d’actualité d’un réalisme terrifiant.
On ne demande pas au spectateur de choisir, mais on lui apporte toutes les preuves pour qu’il puisse juger. Est-ce cette liberté qui déplaît à certains ?
Le Projet Poutine de Hugues Leforestier
Mise en scène : Jacques Décombe
Théâtre des Béliers parisiens
14 bis rue Sainte Isaure - 75018 Paris
du mercredi au samedi à 19h15 – Les dimanches à 17h30
01 42 62 35 00
Texte paru aux éditions Art et Comédie, 10 €
18:09 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Histoire, Livre, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre des béliers parisiens, hugus leforestier, nathalie mann | Facebook | | Imprimer
07/04/2016
Quitter l’île de la cancrerie
« Quand il n’était pas le dernier de sa classe, il était l’avant-dernier ». On le croyait un cancre. Et il regardait avec résignation son « enlisement. »
D’où lui venait sa « cancrerie » ? Car sa famille, de bonne situation sociale, l’aimait tendrement. Il n’avait ni tare, ni maladie, et ses frères réussissaient brillamment. Il a suffi d’un professeur de français psychologue, puis d’un prof de maths génial, d’un prof d’histoire passionnant, et d’un prof de philosophie qui savait éveiller les consciences, pour que le cancre, qui faisait des blagues et ne comprenait rien avec la tête, dise « oui avec le cœur. »[1]
Et c’est ainsi que Daniel Pennac devint maître ès lettres, puis professeur, et enfin l’écrivain que nous aimons et que tous les cancres connaissent puisque dans la plupart des collèges, on étudie maintenant son livre : Chagrin d'école.
Belle revanche pour l’élève que « l’île de la cancrerie » isola si longtemps de ses camarades !
Bernard Crombey adapte le roman, construit et interprète un spectacle sensible et souriant qui devrait ravir non seulement les enseignants à bout de méthodes, mais également les élèves désemparés qui se sentent devenir des « décrocheurs ».
Dans un espace en demi-cercle limité par des chaises et centré sur un énorme pupitre scolaire, Bernard Crombey, d’abord mauvais élève, puis professeur inquiet, leur donne une belle leçon d'amour.
Rencontre avec l’équipe, vendredi 8 avril après la représentation.
Le Cancre d’après Chagrin d'école de Daniel Pennac
Adaptation de Bernard Crombey
Théâtre du Lucernaire
Du mardi au samedi à 21 h
01 45 44 57 34
[1] - Prévert Jacques, Le Cancre, Paroles.
12:21 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, éducation, langue, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, livre, théâtre du lucernaire, daniel pennac, bernard crombey | Facebook | | Imprimer
06/04/2016
Loki, notre ancêtre Viking
J’aime bien les histoires de dieux. Celle des mythologies étrangères au Dieu chrétien me fascinent puisqu’elles envisagent sereinement le crépuscule et la mort des divinités. Et celles que racontent Linda Edsjö et Abbi Patrix sont merveilleuses.
Il faut dire que leur texte s’inspire des Poèmes eddiques du XIIe siècle, des travaux de Georges Dumézil, Régis Boyer, Kevin Crossley-Holland, Marit Jerstadt et même de J. R.R. Tolkien. On y retrouve les combats des géants et des dieux, les rivalités des uns, les faiblesses des autres, et toujours, des êtres hybrides, qui se transforment pour berner ou séduire.
Vous connaissez certainement Thor ou Odin, mais avez-vous entendu parler de Baldr ? et surtout de Loki ?
Qui ? dites-vous, Loki, « le parfait miroir de notre ambivalence. » dit Abbi Patrix. Un trublion, un rebelle, un gaffeur aussi. Il serait responsable de bien des catastrophes.
Linda Edsjö et Abbi Patrix nous les content. Et c’est un pur moment de plaisir.
C’est d’abord la création du monde, juste avec leurs voix, des percussions et des bruitages qu’une réalisation électroacoustique magnifie. Le dispositif scénographique et la création lumière de Sam Mary transportent le spectateur dans un monde irréel, magique. Puis viennent les géants, les dieux, et Loki. Il y a des craquements, des frottements, des incantations, des mélopées, des grondements, une épopée...
Le monde naît, se métamorphose, et se consume.
Linda Edsjö et Abbi Patrix parlent, chantent, dialoguent, troquent un bonnet pour une couronne de fleurs, deviennent des géants, des nains, des humains, et sans perdre le nord, embarquent le public pour un voyage dans un espace méconnu…
Vous croyiez encore que nos ancêtres étaient des Gaulois ?
Allez donc voir du côté des Vikings, ils vous montreront combien ils sont proches de vous.
Loki pour ne pas perdre le nord de Linda Edsjö et Abbi Patrix
Feuilleton mythologique de et avec Linda Edsjö et Abbi Patrix
Théâtre de l’Etoile du nord
Du 29 mars au 16 avril
01 42 26 47 47.
www.etoiledunord-theatre.com
Le texte de la pièce est publié chez Paradox, 10 €
Rencontre franco-suédoise
Jeudi 14 avril de 14 h à 18 h 30
18:31 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, langue, Littérature, Livre, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, etoile du nord, mythologie, abbi patrix, linda edsjö | Facebook | | Imprimer