Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/01/2016

L'équilibre d'Archimède

 

 

Théâtre, théâtre du poche-montparnasse, Chloé Lambert, médiation familiale, Julien BoisselierAnna (Chloé Lambert) et Pierre (Julien Boisselier) se sont aimés. Ils ont eu un enfant, un petit Archimède. Puis ils se sont séparés, et trois ans plus tard, la guerre du couple fait encore des ravages. « Dans l’intérêt de l’enfant », le juge a conseillé une « médiation », comme la loi de février 1995 le recommande.

Mais, pour eux, c’est « une perte de temps », et ni l’un, ni l’autre ne semblent accepter de restaurer la communication. Pierre semble surtout préoccupé de sa carrière de paléontologue et dévalorise celle d’Anna. Il l'a quittée « par mail ». Elle ne l’a pas digéré. On la comprend. Elle est obsédée par la santé de son fils, Archimède, et refuse que l’enfant voie son père qu’elle juge immature. L’équilibre d’Archimède demande plus de principes. Pierre ment. Elle le surveille de loin. Ils s’insultent. La scène devient un « ring ».


Pourtant, Isabelle, la médiatrice (Raphaëline Goupilleau) et son assistante de fille, Jeanne (Ophélia Kolb) réussiront, après deux séances, à « apaiser les conflits ». Cependant, au moment où Pierre apprend qu’Anna aime « un autre homme », le pervers narcissique se démasque, et tout semble… à recommencer.

théâtre,théâtre du poche-montparnasse,chloé lambert,médiation familiale,julien boisselierD’une situation devenue banale à notre époque, où les divorces fleurissent avec les Narcisses, Chloé Lambert tire une jolie comédie acidulée, pleine de rebondissements, de mauvais (et bons) sentiments et de rires. Ses personnages ordinaires, amants d’hier devenus ennemis aujourd’hui, ont la mauvaise foi de ceux que la souffrance rend excessifs, intransigeants. Elle joue la mère inquiète, la femme trahie, puis la combattante avec une sensibilité émouvante.

Il n’était peut-être pas nécessaire de doubler le désaccord épouse/époux par celui de la médiatrice et de sa fille. Car si les antagonismes en abyme pimentent la situation, ils donnent un goût d’invraisemblance à l’action.

Cependant, les disputes des uns et des autres renforcent la théâtralité. Elles permettent aussi aux comédiennes, Raphaëline Goupilleau et Ophélia Kolb de donner le plus profond d’elles-mêmes, et à Julien Boisselier, avec son phrasé si particulier, son timbre un peu voilé, de composer un personnage séduisant.

Le comédien signe aussi une mise en scène claire, car dès la première scène où il isole Pierre et Anna dans un halo lumineux (lumières d’Emmanuel Jurquet), l’un à jardin, l’autre à cour, pendant qu’une voix off lit les articles du code relatifs à la médiation, le spectateur saisit l’enjeu. Le décor de Jean Haas est sobre et efficace. Tous concourent au succès de la première pièce de Chloé Lambert.

On lui en souhaite beaucoup d’autres…

 

Photos : © Brigitte Enguerand

 

La Médiation de Chloé Lambert, mise en scène de Julien Boisselier

Théâtre de Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi, 21 h

Dimanche 15 h

01 45 44 50 21

www.theatredepoche-montparnasse.com

 

11/01/2016

Alice, la petite fille éternelle

 

 

Théâtre, littérature, Lewis Carroll, Emmanuel Demarcy-Mota, Fabrice MelquiotAlice, personnage d’Alice au pays des merveilles, est née il y a plus de cent cinquante ans. Elle demeure pour beaucoup « la petite fille éternelle ». On dit qu’elle fut inspirée à Lewis Carroll, (de son vrai nom Charles Dodgson) par un personnage réel, la charmante Alice Liddell, quatrième enfant d’une fratrie de dix, dont le père était doyen du Collège où Charles Dodgson enseignait les mathématiques.

On dit aussi qu’Alice est devenue « un mythe ». Enfin, c’est Fabrice Melquiot qui l’affirme dans Alice et autres merveilles, une pièce de théâtre dont Emmanuel Demarcy-Mota fait un spectacle enchanteur[1].

La grande scène du Théâtre de la ville se prolonge par un tréteau perpendiculaire au coeur du public. Les premiers spectateurs pourraient toucher cette Alice en anorak jaune citron qui leur parle. Mais il y aussi un lapin qui court en haut de la salle et ces images projetées sur le fond de scène. Ils en sont tous tourneboulés…

Et ce n’est qu’un début !

Une trappe s’ouvre et le drôle de personnage mi-homme, mi lapin (Philippe Demarle) qui en sort, entame le dialogue avec Alice, puis disparaît derrière le rideau rouge, parce qu’il a rendez-vous. Tout le monde sait que les bêtes parlent, mais certains, qui ne savent pas les écouter vous diront : « On ne sait plus quoi inventer ! »

Le Lapin parti, voici qu’arrive un Chaperon rouge qui en a assez de faire « les commissions pour sa mère-grand ».

Ce n’était pas dans l’histoire que vous avez lue ? Mais ici vous êtes au Théâtre, en 2015, et les poètes ont le droit de mélanger les mythes qui leur trottent dans la mémoire ! Il faut briser les contraintes ! Fabrice Melquiot se souvient des contes de son enfance, du grand méchant Loup, et donc du Chaperon rouge, de Pinocchio aussi, et même de la poupée Barbie de sa sœur. L’univers de Lewis Carroll s’élargit, et celui d’Emmanuel Demarcy-Mota les libère tous.

La scénographie inventive de Yves Collet les cristallise avec un syncrétisme parfait.

Et la troupe se plie à toutes ces variations. Car huit des comédiens (qui interprètent 25 rôles), Jauris Casanova, Valérie Dashwood, Philippe Demarle, Sandra Faure, Sarah Karbasnikoff, Olivier Le Borgne, Gérald Maillet, Walter N’Guyen, se retrouvent régulièrement dans les mises en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota et jouent ensemble avec une cohésion rare. Les masques d’Anne Leray les aident à se transformer à toutes les étapes du conte. On retrouve aussi Christophe Lemaire et Yves Colet aux lumières et c’est ainsi que naît l’harmonie autour d’Alice, Suzanne Aubert, délicieuse « petite fille », et comédienne prodigieuse. Et il en faut du talent pour tenir la scène dans la grande salle devant le difficile public des scolaires qui la suit sans broncher ! Elle vole dans les cintres, elle tombe : « Même pas mal ! ». Elle glisse, elle nage et patauge dans le lac limpide creusé sur la scène. Elle chante aussi Alice, elle se transforme, elle entraîne tous les petits cœurs qui ne battent que pour elle, à la recherche du « jardin » de ses rêves. 

C’est un miracle ? Non, une mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota. Il a même réussi le pari de faire participer une chorale de Belleville, et de jouer pour les enfants dans la grande salle du théâtre de la Ville !

J’ai eu la chance de voir Alice et autres merveilles. Alors, dès que j’entends parler d’une reprise, je vous mets vite un message sur facebook…

 

 

 

Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot, d’après Lewis Carroll

Théâtre de la Ville du 28 décembre au 9 janvier

Texte publié chez L’Arche.

 

 

 

 

[1] - Créé au Théâtre de la Ville en avant-première pour le Noël des enfants du Secours Populaire.

10/01/2016

Des contes, faisons table rase !

 

Théâtre, danse, théâtre du Rond-Point, Laura ScozziAh ! Qu’ils étaient beaux les contes de notre enfance ! Ils apprenaient aux petites filles qu’il fallait se méfier du loup, fuir les vieilles reines, ne pas croquer la pomme, et attendre le Pince charmant avec lequel elles seraient éternellement heureuses en faisant beaucoup d’enfants.

Mais ces modèles conduisant souvent les jeunes femmes aux désillusions amères, Laura Scozzi a voulu en faire table rase.

Avec son spectacle : Barbe Neige et les sept petits cochons au bois dormant, elle s’inspire de quelques scènes clés de Blanche Neige, Cendrillon, Les Trois Petits Cochons, Le Petit Chaperon rouge, La Belle au bois dormant. Mais les frères Grimm, Charles Perrault et les sages conteurs des veillées d’autrefois n’ont plus qu’à se voiler la face ! Non seulement Laura Scozzi ne respecte pas leur narration, mais elle « assassine » le « modèle imposé » ! Mêlant danse, théâtre, chant, elle subvertit le merveilleux, et la baguette de la bonne fée n’est plus très efficace.

Blanche Neige porte bien la jupe jaune dont l’affuble Walt Disney mais elle n’est pas unique. Sur scène, sept Blanche-Neige se disputent la faveur d’un seul nain ! La Belle au bois dormant a le sommeil trop lourd et les Princes charmants peinent à la réveiller. Cendrillon perd sa basket ou sa petite culotte, quand ce n'est pas sa jambe. Tout se déglingue au pays de "il était une fois". Les Petits Cochons sont de petites cochonnes[1] délurées, Le Chaperon rouge n’a plus peur du loup, lequel papillonne sans dévorer personne. Quant à Barbe-Bleue, devenu chanteur, il se prend la claque de sa vie !

Ne vous étonnez pas si ces personnages croisent un Winnie l’Ourson débonnaire, des Mayas abeilles malfaisantes, et un roi cerf. Huit danseurs prodigieux, sur la musique de Niccolo Paganini bouleversent le merveilleux des contes qu’ils transforment en comédie satirique.

C’est extravagant, plein d’humour et de sagesse finalement. Ils ne se marièrent pas, furent heureux quelquefois, et firent rire les enfants et leurs parents…

Petites filles, abandonnez les contes de fées, courez au Rond-Point, Laura Scozzi va faire votre éducation…

 

 

Affiche © Stéphane Trapier

 

 

Barbe Neige et les sept petits cochons au bois dormant conception, chorégraphie et mise en scène de Laura Scozzi

Théâtre du Rond-Point

Jusqu’au 31 janvier

01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

 

 

[1] - Comme dans l’album de Frédéric Stehr.