17/02/2013
Une soirée anti-déprime
Ils sont cinq, musiciens, chanteurs et ils chantent en français, ne satisfaisant à la mode franglaise que pour parodier ou :
« We are not the Rolling Stones
We are not Metallica
We are not Mylène Farmer
et ainsi de suite, rejetant Jean-Pierre Marielle (Tiens, pourquoi lui ?), Michael Jackson et Dalida.
Qui sont-ils donc ? Ils s’appellent « les Fouteurs de joie », et ils portent bien leur nom, car ils font rire la salle entière. On entre avec des soucis, on sort ragaillardi.
Christophe Dorémus joue de la contrebasse, de la guitare et de la scie musicale. Nicolas Ducron est à l’accordéon, mais aussi à la clarinette, au saxo, et au ukulélé. Alexandre Léauthaud se consacre à l’accordéon. Tom Poisson est à la guitare, au banjo et aux percussions. Laurent Madiot se partage entre la guitare, le banjo et le ukulélé. Tous chantent et joliment ! Ils sont aussi comédiens et ont organisé des tournées en roulotte jusqu’à l’île de la Réunion. En pantalons noirs et gilets assortis, ils mouillent vite la chemise blanche et le chapeau melon des frères Jacques circule de l’un à l’autre.
Leurs textes sont critiques, très ironiques, « Ô patron, ô mon amour, je t’aimerai toujours ! » Ils ne ménagent ni les politiques « En France, on s’offusqua », ni la société abrutie de télé, avec « ses cerveaux en bois ». Certaines chansons peignent « la vie buissonnière », d’autres l’amour, toutes la passion des mots : « c’est crazy, la vie ». Ils ont de la voix, du rythme, et un capital de sympathie illimité. Et ils rendent aussi hommage à Gainsbourg avec :
"Suspends un violon, un jambon à ta porte,
Et tu verras rappliquer les copains,
Tout tes soucis que le diable les emportent
Jusqu'à demain."
Ils se sont faits connaître dans les festivals de plein air, l’été, et ils sont à Paris cet hiver. Ils n’ont pas encore changé le monde, mais ils vous donneront l’occasion de rire et de penser.
Les Fouteurs de joie
Tous les lundis à 20 h 30
(sauf le 18 février)
Le Grand Point Virgule
01 42 78 67 03
ATTENTION
le dernier lundi de chaque mois le spectacle aura lieu à 21h30
les autres lundis à 20h30
17:50 Écrit par Dadumas dans humour, langue, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, chanson, fouteurs de joie, grand-point-virgule | Facebook | | Imprimer
04/02/2013
Juste des humains
Théâtre sans animaux de Jean-Michel Ribes avait obtenu les Molières du meilleur auteur, de la meilleure pièce comique, et du meilleur second rôle féminin (Annie Gregorio), en 2001. La pièce se jouait alors au Théâtre Tristan Bernard, dans un petit théâtre privé de bonne compagnie.
Jean-Michel Ribes la reprend aujourd’hui dans la grande salle du Rond-Point. Et c’est un vrai plaisir de retrouver les fables délirantes inspirées de nos vies.
Cinq comédiens, sérieux comme des intégristes tiennent les propos les plus extravagants dans des situations invraisemblables qui leur paraissent normales.
Annie Gregorio est toujours épatante, Philippe Magnan superbe de hauteur, et Christian Pereira étonnant. Marcel Philippot, inquisiteur toujours mécontent dans une pub célèbre, joue ici des personnages grotesques, et une petite nouvelle, Caroline Arrouas, étonnante de naïveté affolée, complète l’équipe.
La scénographie d’Audrey Vuong, la musique de Reinhardt Wagner (un fidèle !), les lumières de Laurent Béal couronnent une soirée d’humour très coloré.
Comme le titre vous l’indique, il n’y a pas d’animaux, juste des humains qui se débattent dans la cruelle modernité, regrettent de devoir penser et voudraient retourner au liquide originel. À croire que la condition animale, serait, de nos jours plus souhaitable que celle qui vous permet de lire ces lignes…
Mais pas de mauvais esprit, vous pouvez toujours aller au théâtre !
Photos : © Giovanni Cittadini Cesi
Théâtre sans animaux de Jean-Michel Ribes
Théâtre du Rond-Point
Jusqu’au 23 mars 2013
01 44 95 98 21
12:19 Écrit par Dadumas dans langue, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre du rond-point, j.-m. ribes | Facebook | | Imprimer
01/02/2013
Une force qui va
Il peut paraître paradoxal de monter un drame romantique sur un plateau nu, en bi-frontal. Comment cacher le roi Don Carlos dans la chambre de Doña Sol au premier acte et le rebelle Hernani au troisième ? Devant quoi Don Ruy va-t-il faire l’éloge de ses ancêtres au même acte ? Comment Carlos va-t-il descendre dans le tombeau de Charlemagne au quatrième ? Et pas de terrasse, de jardin de nuit étoilée au dernier acte ? Notre esprit d’hugolienne redoutait cet Hernani.
Nous avions tort.
Nicolas Lormeau qui a créé le spectacle au « Printemps des comédiens » à Montpellier la saison dernière a fait confiance au texte de Hugo et à ses comédiens. Il a supprimé la figuration, les valets, leurs flambeaux, les pages, les marquis, les comtes, les courtisans, les montagnards, les foules tumultueuses, les hommes d’armes, les conspirateurs, les invités de la noce, les masques, et rangé au magasin des accessoires, les fauteuils, les bancs, les panoplies, les armures, les portes dérobées et les portraits. Hernani, dans son dépouillement n’est plus qu’une « une force qui va », contre l’adversité. Les didascalies nécessaires à la compréhension du texte seront dites, en voix off par Thierry Hancisse.
Vous vous rappelez l’histoire ? Doña Sol (Jennifer Decker), jeune noble orpheline, doit épouser son oncle et tuteur, le Duc Don Ruy Gomez Da Silva (Bruno Raffaelli). Mais la belle reçoit dans sa chambre, le soir un «jeune amant sans barbe à la barbe du vieux. » Il s’agit d’Hernani (Félicien Juttner), fils du duc de Segorbe et de Cardona, condamné à mort par le précédent roi qui l’a dépouillé de ses titres et ses terres. Hernani rôde avec une bande de montagnards qualifiés de « bandits » par le roi Carlos (Jérôme Pouly) dont il cherche à se venger. Et ce roi, figurez-vous qu’il est aussi amoureux de Doña Sol, qu’il a soudoyé la duègne, Doña Josefa (Françoise Gillard) pour s’introduire, avant Hernani dans la chambre. Quand Don Ruy survient, impromptu, le roi prétend qu’il est là, incognito, afin de le consulter sur un sujet politique : sa candidature à l’empire d’Allemagne et que le seigneur qui l’accompagne est « quelqu’un de (sa) suite »… Il s’agit de poursuite en effet. Hernani poursuit en effet le roi de sa haine et Doña Sol de son amour, Le Roi poursuit la jeune fille de ses assiduités, et Don Ruy poursuit son projet de l’épouser.
À l’acte III, le Roi prend Don Ruy en traître et Doña Sol en otage. Comme Don Ruy a sauvé la vie d’Hernani, ce dernier jure de le venger et de mourir ensuite. Serment fatal ! Car Carlos devenant Charles Quint, commence son règne par « la clémence ». Il rend à Hernani ses titres, ses biens, et marie les amants. Mais le soir de la noce, Don Ruy lui rappelle qu’il doit mourir. Et le lit nuptial ne sera que couche funèbre.
Nicolas Lormeau imagine de transposer l’Espagne de convention du drame, du XVIe siècle au XIXe. Les costumes de Renato Bianchi nous parlent du temps où fut créée la pièce. Don Ruy Gomez de Silva semble une copie de Louis-Philippe, Don Carlos porte bourgeoisement la redingote, Doña Sol « avec sa robe blanche où notre amour s’attache* » paraît sortir d’une gravure de L’Illustration, et Hernani, veste et culotte de velours vert bouteille s’enveloppe d’un cape de laine couleur terre.
Et pourtant tout fonctionne, aucun flottement quand les comédiens entrent et sortent par la salle, disparaissent derrière les gradins des spectateurs installés sur ce qui est, d’habitude la scène. Les lumières de Pierre Peyronnet cernent l’espace scénique avec art.
Bruno Raffaelli est poignant en père noble. Chaque spectateur a pour Jennifer Decker, les yeux d’Hernani. Chaque spectatrice offre son cœur à Félicien Juttner. Jérôme Pouly peu sympathique en roi jouisseur, gagne l’estime de tous en empereur généreux.
Cependant, si le sublime est atteint, on regrette que le grotesque soit gommé. Une duègne jeune et jolie est une aporie. Et pourquoi faire dire en prologue, dans le noir, un extrait de la Préface de Ruy Blas (1838) « Trois espèces de spectateurs composent ce qu'on est convenu d'appeler le public : premièrement, les femmes ; deuxièmement, les penseurs ; troisièmement, la foule proprement dite. » pour introduire le drame ? Il y a dans celle d’Hernani (1830) suffisamment d’arguments pour ne pas décaler les principes d’Hugo dans le temps : « Le principe de la liberté littéraire, déjà compris par le monde qui lit et qui médite, n'a pas été moins complètement adopté par cette immense foule, avide des pures émotions de l'art, qui inonde chaque soir les théâtres de Paris. Cette voix haute et puissante du peuple, qui ressemble à celle de Dieu, veut désormais que la poésie ait la même devise que la politique: TOLERANCE ET LIBERTE.
Maintenant, vienne le poète! Il y a un public. »
Mais nous ne recommencerons pas la « bataille d’Hernani ». La pièce, parle d'amour, et par son énergie, sa poésie, prouve qu’elle est un chef-d’œuvre.
Photo : © Brigitte Enguérand
· * Poème des Feuilles d’automne daté de 1830.
Hernani de Victor Hugo
Mise en scène de Nicolas Lormeau
Théâtre du Vieux-Colombier
Jusqu’au 18 février
01 44 39 87 00/01
18:49 Écrit par Dadumas dans Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, comédie-française, hernani, hugo, littérature | Facebook | | Imprimer