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23/01/2013

Charlotte l’iconoclaste

 

 

Les théâtreux de tous bords vous ont parlé de longuement et sérieusement de « la crise du personnage. Mais ceux qui la vivent, les comédiens, qui doivent « construire leur personnage », s’appuient rarement sur des discours théoriques.

Charlotte Rondelez, comédienne, metteur en scène est passée à l’écriture pour l’exprimer, avec To be Hamlet or not, un comédie créée au festival d’Avignon 2012, et que le Poche-Montparnasse accueille dans sa nouvelle salle. Dans ses sombres limbes, en dessous de la grande salle où se joue Le Mal court, le personnage d’Hamlet (Aymeric Lecerf) en voit de toutes les couleurs.

Le pauvre Hamlet a assez de revivre toujours, depuis 1598, la même histoire tragique où il entraîne dans la mort, sa mère (Pauline Devinat), son meilleur ami Laërte (Julien Le Provost), son oncle Claudius (Paul Canet ) après avoir tué Polonius, le père de la belle Ophélie (Pauline Devinat),  laquelle s’est suicidée. Avouez qu’on rêverait d’une meilleure destinée !

Mais comment en changer, quand votre auteur est mort depuis près de quatre siècles ? Et si Hamlet ne veut pas mourir, il n’a plus d’existence dans cette histoire-là. Or, « disparaître, ce n’est pas être libre », et « choisir sa vie ce n’est pas l’effacer ». En trouver une autre ? Ce devrait être possible lui affirme un certain Pip matelot à bord du baleinier Pequod dans Moby Dick d’Herman Melville, opinion confirmée par le Chat du Cheshire tout droit sorti d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.

Facile à dire puisque sur scène, Céline Espérin joue les deux rôles ! Car To be Hamlet or not est avant tout une histoire de comédiens, réunis par la volonté de Charlotte Rondelez, metteur en scène et auteur, sur un plateau octogonal de bois clair, avec quelques éléments de costumes et quelques accessoires.

théâtre de poche-montparnasse,hamlet,charlotte rondelezPaul Canet (Claudius, Godot, Fred, Stéphane, un passant), Pauline Devinat (Ophélie, Alice, Julie, Judith, Gertrude, une passante), Céline Espérin (Horatio, Pip, le Chat du Cheshire), Lydie Höderling, Camille, Ophélie), Julien Le Provost (Laërte, Champy, Amalric, Alex, un passant) veulent nous raconter Hamlet  mais Hamlet ne veut plus de tragédie.

Certains diront que c’est impossible car des chroniques historiques du Danemark ont inspiré Shakespeare et que les auteurs plongent souvent dans la réalité pour trouver leurs sources. Ainsi, nous a-t-on appris que Lewis Carroll eut pour modèles les trois soeurs Liddell dont l'une se prénommait Alice, qu’Herman Melville fut de ces marins qui donnaient un nom aux cachalots qu’ils poursuivaient, et qu’un baleinier sombra après l’assaut d’un cachalot géant.

Et Godot dans tout ça ? Lui qu’on attendait déjà du temps du Faiseur  de Balzac, n’est-il pas las de faire croquer le marmot aux comédiens qui l’attendent toujours « ailleurs » ? Et cette Lydie Höderling, échappée d’un livre envoyé au pilon, que fait-elle dans notre réalité?théâtre de poche-montparnasse,hamlet,charlotte rondelez

Là n’est pas la question…

Dans sa quête du réel, Charlotte Rondelez croise les époques, mêle les histoires sans perdre ses comédiens, virtuoses de la transformation.

On s’amuse beaucoup, n’en déplaise aux pisse-froid, gardiens de la « bonne littérature », qui ne manqueront pas de s’offusquer de l’horrible « mélange des genres ».

Charlotte l’iconoclaste les aime, ces personnages éternels qui vivent encore pour nous une fois le livre refermé, le rideau tombé sur les scènes classiques ou quand le noir, dans les autres, nous annonce qu’on ne les verra plus.

Pourtant, lorsque Hamlet aura parcouru les siècles, accepté des rencontres impossibles, qu'iil se sera mesuré à ses fantômes et à ceux des autres fictions,  il reprendra naissance, trouvera une autre voie.

Laquelle ?

Je ne vais tout de même pas tout vous raconter. Allez-y, et vite, soyez les premiers aux premières…


Photos : © Alexandre Guerrero

 

To be Hamlet or not, de Charlotte Rondelez

Théâtre de Poche-Montparnasse

Du mardi au samedi à 20 h

01 45 44 50 21

 

 

 

 

20/01/2013

La parade pour tous

 

 

« Il n’y a plus de Yougoslavie », disait un personnage d’Underground  d’émir Kusturica. Le nouveau film de Srdjan Dragojevic, La Parade, nous montre qu’entre ses peuples qui se sont déchirés, les combattants savent retrouver les liens qu’ils avaient tissés.

film,homosexualitéGrandes gueules, fortes têtes, mercenaires sous tous les régimes, ils sont liés d’une amitié indestructible.

Pour l’amour de Perle, sa fiancée, et parce que le gentil vétérinaire lui a sauvé son chien, Lemon, le soudard recyclé prof de judo et gorille occasionnel, est prêt à tout. Il ira donc rechercher ses potes, des brutes homophobes, oustachi, sniper, technik, (Croate, Albanais, Bosniaque) afin de protéger la première « gay pride », la parade homosexuelle de Belgrade.

En se rencontrant, en apprenant à se connaître, les uns et les autres abandonnent leurs préjugés. La face vire au tragique, mais l’amitié demeure.film,homosexualité

Vous ne regarderez plus jamais Ben Hur, ni Les Sept Mercenaires de la même façon et c’est tant mieux. Ça vous évitera de vous mêler à des foules hurlant « la haine et la proscription », au nom d’un Dieu d’amour et de miséricorde.   

 

 

La Parade  film de Srdjan Dragojevic

15:35 Écrit par Dadumas dans Film, Histoire, humour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, homosexualité |  Facebook | |  Imprimer

17/01/2013

Une merveille

 

 

 

La princesse Alarica (Julie Delarme), a traversé la Germanie pour devenir la femme du roi d’Occident, Parfait XVII (Emmanuel Suarez). Elle est chaperonnée par sa gouvernante, Toulouse (Josiane Lévêque), chargée de « sauvegarder cette merveille ».théâtre,théâtre de poche,stéphanie tesson,audiberti Le Maréchal (Jean-Paul Farré) et un lieutenant (Antony Cochin) veillent sur elles. Or, lors de la dernière étape, juste avant la célébration des noces, un inconnu (Mathias Maréchal) se faisant passer pour le fiancé, s’introduit dans la chambre de la Princesse. Il parle bien, et sait toucher le cœur de la Princesse. Mais l’alarme est donnée, le suborneur assommé et caché. Il était temps, le vrai roi s’annonce avec son ministre, le Cardinal de la Rosette (Didier Sauvegrain). Parfait XVII tombe en amour devant Alarica, mais le Cardinal le rappelle aux réalités du pouvoir, et, après le don matutinal d’une somme rondelette et de deux châteaux, signifie son « congé » à la princesse. Alarica a servi d’appeau dans la chasse aux alliances de haut rang. Parfait va épouser la sœur du Roi d’Espagne, un royaume mieux coté que la Courtelande, ce pays marécageux qui ne fabrique rien « que des râteaux », et sa « capitale de paille et de pluie ». Alarica découvre « le vinaigre du monde », la lâcheté de Parfait et les sombres machinations dont elle fut l’objet. « Le mal court » dans le monde, ce serait un « crime de l’arrêter ».

Le quart de ces manigances vous briserait à jamais. Mais pas elle ! Alarica renverse la situation, et prenant les rênes de son destin avec le pouvoir, se fait acclamer reine à la place de son père, théâtre,théâtre de poche,stéphanie tesson,audibertiCélestincic, roi de Courtelande (Marcel Maréchal), et récupère son séducteur pour en faire le grand architecte des travaux infinis qui transformeront son royaume boueux en riches terres à blés.

Stéphanie Tesson en choisissant Le mal court  de Jacques Audiberti, affirme la continuité de la création en ces lieux, qui, en 1947, accueillirent la pièce. Elle aussi, comme Alarica sait faire rimer « pur et dur », et se battre pour devenir elle-même. Son univers et celui d’Audiberti vivent en symbiose. Sa réalisation est « une merveille ».

Pour la scène étroite du Poche, Nicolas Sire a bâti un décor léger, clair et efficace. Chaque comédien y trouve sa place et joue avec justesse. Josiane Lévêque qui renoue avec le théâtre pour notre plaisir, donne au rôle ingrat de la gouvernante une tendresse rugueuse. Jean-Paul Farré en courtisan opportuniste est savoureux. Mathias Maréchal est superbement séducteur, Didier Sauvegrain interprète le méchant cardinal hypocrite et madré. Un vrai Mazarin ! Marcel Maréchal spécialiste d’Audiberti compose le vieux roi dépassé par les événements. Emmanuel Suarez se coule à l’aise en jeune roi naïf manipulé par tous, et jusqu’au plus petit rôle, comme celui d’Anthony Cochin, chacun est entré avec intelligence dans le royaume audibertien. 

Julie Delarme qu’on avait adorée en savetière pétillante dans La Savetière prodigieuse de Garcia Lorca, il y a quelques années, confère noblesse et charme à la Princesse. Comme on comprend l’irrésistible attrait qui pousse le roi à vouloir renoncer à son royaume pour elle !

Les costumes de David Belugou, les lumières de Jacques Puisais, les peintures de Marguerite Danguy des Déserts, allient la fantaisie  à la poésie, et cette première, hier soir, au Poche-Montparnasse nous a comblés…

 

 

 

 photos :© Brigitte Enguérand

 

Le mal court de Jacques Audiberti

Mise en scène de Stéphanie Tesson

Théâtre de Poche-Montparnasse

75, bd du Montparnasse

www.theatredepoche-montparnasse.com

01 45 44 50 21