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27/09/2007

Les rapports dont Teja fut l’objet

     Maintenant que la Yougoslavie n’existe plus, et que les républiques qui la composaient sont devenues autonomes, les dissidents ont pris leur revanche. Et  Théodore Kraj (Jean-Marie Galey) auteur censuré sous Tito, est devenu rédacteur en chef de La Nouvelle Serbie.  « Nommé par quelqu’un » pour restructurer l’entreprise, tapi dans un bureau triste (André Acquart  pour le décor, André Diot pour les lumières), il semble dépassé par les responsabilités et en devient parano. ab60cdb77b702dc5dfb8f0a4e5c73d58.jpg

Les auteurs refusés par son prédécesseur le harcèlent, l’ancien directeur organise un charivari dans le bureau voisin, sa secrétaire (Muranyi Kovacs) déprime et voici que se présente un inconnu « bizarre », porteur d’une serviette de cuir et traînant une énorme valise, et qui semble mieux le connaître que quiconque puisqu’il l’appelle « Teja » ainsi que le nommait sa mère. 

     Le « camarade Luca » (Jean-Pierre Kalfon), 

b7e021d55697b7038fe711220bf05a13.jpgne présente aucun manuscrit, mais il sort de la serviette des livres reliés : Discours, Recueil du pays natal perdu, Petites scènes, Rencontres et Entretiens et annonce qu’il y a encore un Drame. « Je me suis efforcé d’être un professionnel », dit-il. Teja admire, lui qui n’a publié que deux livres. « Ce ne sont pas mes livres », dit Luca « Ce sont tes livres. » Car, pour Luca, policier en retraite, Teja, a été sa « mission habituelle » pendant dix-huit ans. Il n’a fait « qu’enregistrer et transcrire les bandes». Semblable à l’inspecteur de la Stasi, qui dans La Vie des autres de Florian Henckel espionnait  un dramaturge et finissait par le protéger, Luca a transformé les rapports dont Teja fut l’objet en « œuvres », celles qui ne pouvaient être publiées sous Tito. Curieux syndrome que celui qui transforme le bourreau en ange gardien.

     Stephan Meldegg se souvient des premières pièces de Havel qu’il a montées (et même jouées) en France, dès 1975, Audience, Pétition même hors du Théâtre La Bruyère. Il n’a pas oublié que Vaclav Havel avait été « condamné au nom du peule » mais « quand le peuple a donné son avis, il l’a élu président ». Dans Le Professionnel, l’auteur serbe Dusan Kovačevič (non, ce n’est pas le footballeur),y fait explicitement référence. Même ironie pour peindre  l’absurdité du monde communiste, le système policier, les persécutions stupides, l’embrigadement des âmes pures, l’engrenage de la délation et de la haine. Le Professionnel est une pièce magistrale. La perfection du dialogue et les rouages de la satire donnent à l'oeuvre la charpente politique forte.

     De plus, ici, l’auteur décrit une relation bouleversante. Le dossier de police est devenu « dossier littéraire » grâce à un personnage absent dont Luca parle sans cesse, son fils. Chassé de l’université à cause de l’intérêt qu’il portait à la pensée de Kraj, ce fils chéri a dû s’exiler pour pouvoir enseigner. Mais avant, il a éduqué le père maladroit :  « Nous, les pères, ce qu’il ne faut pas dire, on le dit toujours à temps, et ce qu’il faut dire, on le dit toujours en retard, ou jamais. » Et Luca rend à Teja la montre de son père, les lettres de sa mère, et tous les objets que le jeune auteur a semés au cours de ces dix-huit annés de pérégrinations : parapluies, chapeaux, jumelles, lapin de peluche, moufle, etc. Une valise entière d’objets devenus fétiches… Il le débarrasse du gêneur véhément (Jérôme Le Paulmier) qui rend Teja agressif. Pour quelles raisons ?

     Ah ! on ne va pas quand même tout vous dévoiler ! Allez-y vous-même ! Profitez de la démocratie. Jean-Pierre Kalfon et Jean-Marie Galey la défendent avec un art prodigieux.

Le Professionnel  de Dusan Kovacevič

 

adaptation d’Anne Renoue et Vladimir Cejovič

publié à L'âge d'homme

Théâtre Rive Gauche 01 43 35 32 31

 

 

 

10:50 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

25/09/2007

Quelle famille !

      Ah ! Les réunions de famille ! Quelle source inépuisable pour les auteurs dramatiques ! Avec eux toutes les familles prennent un petit côté « Atrides et compagnie ». Les Belles-Sœurs (Sabine Haudepin, Véronique Boulanger, Élisa Servier) n’échappent pas à la règle des femelles bavardes, vindicatives, ou un peu « truffes », et les trois frères (François-Éric Gendron, Roland Marchisio, Manuel Gélin) qui les accompagnent ne manquent aucun des travers masculins : menteurs, égoïstes,  concupiscents, face à la femme convoitée, sensuelle, intelligente et solitaire (Mathilde Penin). Éric Assous a le sens des conflits et des dialogues hargneux.

Sur scène, c’est l’heure des règlements de comptes. Personne n’en sort indemne. Les sanies évacuées, seuls quelques naïfs pensent que ça ira mieux demain…

Personne ne s’étonne que François-Éric Gendron, joue un avocat volage, conforme à la série télévisée qui fait son renom. On viendrait presque pour le consulter sur la procédure à suivre en cas de mise en examen… Roland Marchisio, en type maladroit est touchant. La bonne surprise de la soirée vient de Sabine Haudepin, trop rare sur nos scènes. Elle compose ici un personnage lucide, cruel et sympathique malgré ses cinglantes réparties.

Impitoyable !

 

 

 

Les Belles-Sœurs

d’Éric Assous

Théâtre Saint-Georges

01 48 78 63 47

15:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

Un drôle d’oiseau

Annie écrit des livres (Cristiana Reali). Jacques (Vincent Elbaz) les signe parce qu’elle « ne supporte pas le regard des autres sur elle », depuis qu’elle a été violée. Elle s’automédicamente aux amphétamines, ce qui est très mauvais pour la santé, tout le monde vous le confirmera. Il veut la désintoxiquer et la prive de son fournisseur habituel, Jeff (Ariel Wizman). Elle se suicide. Il publie ses œuvres complètes en leur rendant le nom du véritable auteur, car il faut que la justice et le bon droit triomphent à la fin .

Autour du couple, José Paul joue le critique ironique, Jean-Paul Muel l’éditeur dépassé par les dettes, Stéphane Boucher l’autre éditeur requin, et  sa fidèle collaboratrice Bénédicte Dessombs. La mise en scène de John Malkovich est fluide, les décors de François Limbosch amusants, les effets spéciaux de Christophe Grelié,  intéressants. Tout cela est très bien, mais sans surprise...

On nous prévient d’entrée, par projection interposée, que le canari est l’oiseau que les mineurs utilisaient pour déceler les gaz toxiques. Dans un boyau, si le canari mourait, il fallait évacuer.  L’oiseau était un repère, son décès un signal d’alerte. Pauvre bête ! Système cruel, mais efficace pour l'homme. Le petit oiseau qui se débat avec la vilaine société, on sait bien qu'il va mourir, que les hommes sont des rapaces...

D’où vient que Good Canary garde son titre anglais ? Mystère ! Car enfin canary  est « un canari », et good  peut se traduire par « bon » en français. En variant la nuance. Ainsi « bon » dans un bon lit signifie « satisfaisant », il peut aussi signifier « efficace » dans un bon remède, « sage » dans un bon conseil, « exact » dans le compte est bon, « apte » » dans bon pour le service, « agréable » dans un bon bain, « heureux » dans bon anniversaire, « drôle » dans un bon mot, « intense » dans un bon rhume, « gros » dans un bon vivant, etc. nous en passons, le Robert en  répertorie de meilleurs.

 

Alors ? Un bon canari ? Un canari efficace ? Un brave canari ? Drôle d'oiseau pour le théâtre !

Mais n’y-a-t-il pas un pékin pour défendre la langue française ?

 

 

 

 

  Un bon Canari  De Zach Helm

 

Adaptation de Lulu et Michael Sadler

 Théâtre Comedia

01 42 38 22 22