Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/09/2007

La confrérie des rieurs

Les farceurs sont revenus ! Ils ne s’appellent plus Gros-Guillaume, Gauthier-Garguille, Jodelet ou Turlupin.  Ce ne sont pas les Enfants-de-sans-soucy. Ils ne jouent plus sur les places publiques, ni les carrefours. Ils sont installés au Vieux-Colombier et ils vous accueillent dès l’entrée, visage enfariné et oripeaux bigarrés. Sociétaires et pensionnaires du Français, compagnons du  Théâtre de Bourgogne, jeunes comédiens, les voici réunis « en confrérie » par deux « chefs de troupe : François Chattot et Jean-Louis Hourdin, afin de faire revivre les farces médiévales dans leur franche obscénité…Quelque chose a changé dans le royaume de la Comédie-Française !

La farce, vos études vous l’ont appris est un genre populaire grossier. On y montre des gens peu distingués : paysans et boutiquiers, qui osent railler leur seigneur, parlent un langage vulgaire et font ensemble des choses que la morale réprouve et que le corps adore. Ventre et sexe sont les deux mamelles de la farce… Avant que Malherbe vînt, on appelait un cul, un cul, et les couilles allaient par paires. Depuis que Bernard Faivre a retraduit Les Farces*, l’octosyllabe chante et danse sans pudibonderie ! On ne pétrarquise plus, on pète !

Ah ! Les tréteaux ne distillent pas cet ennui solennel qui fait croire à M. Prudhomme qu’il convient d’être grave. François Chattot et Jean-Louis Hourdin ont choisi de faire rire les abonnés, et les autres. Et pour montrer que la farce n’a jamais quitté la littérature, ils donnent en prologue La Naissance du jongleur de Dario Fo. Comment résister à la truculence de Catherine Hiegel qui avant que le spectacle  necommence, a déjà interpellé les spectateurs, rabroué les retardataires, fait dégager des places pour ceux qui sont encore debout, bref, assumé la connivence avec le public. Qu’elle soit Mère dans Mahuet, Commère dans Frère Guillebert, ou narratrice dans La Naissance du jongleur de Dario Fo, elle est cette maîtresse femme qui empoigne la réalité pour la rendre moins triste qu’elle n’est car « c’est par le rire qu’on fait baisser culotte au patron ».

Avec elle au milieu des panières, et autour du tréteau de foire que des rideaux  masquent le temps d’un changement,  sociétaires, pensionnaires et comédiens de Dijon et du JTN deviennent « farceurs », c’est-à-dire « trompeurs »… et trompés. Personne n’est à l’abri ! Tous tentent de se sortir de situations délicates où des femmes brûlantes les ont coincées : « Quand on se trouve en plein danger », il faut savoir « se sauver comme un malin » dit L’Amoureux du Retrait (Félicien Juttner), vainqueur grâce à la ruse des femmes dans Frère Gullebert, vaincu dans Le Gentilhomme et Naudet, comme Naudet et Mahuet (Stéphane Szestak), comme Pierre Vial, mari trompé dans Le Retrait, gaillard trompeur dans Le Pourpoint rétréci, comme Roger Mollien complice dans le même Pourpoint  et qui joue les cocus dans Frère Guillebert. Jacques Fornier cumule les deux, dans un seul rôle, celui de Thierry dans Le Pourpoint.

Loin de toute morale austère, il n’en existe qu’une qu’on répète à l’envi : « A trompeur, trompeur et demi ». Les femmes s’en tirent toujours mieux. Belle plante sensuelle comme Eloïse Brunet, ou péronnelle piquante  comme Priscille Cuche, elles ont la ruse des diablesses…On n’est pas misogynes, mais on redoute leur intelligence…

Ajoutez à toutes ces malices Stéphane Varupenne, un chef de chœur, qui sait aussi jouer les valets et mimer le cheval, pimentez avec un chanson populaire « Allons en vendanges », et  une autre de ce galopin de Brassens, saupoudrez de musique vivante et vous aurez un plat succulent, pas étouffe-chrétien pour deux liards, de quoi rire à satiété sans remords. Rejoignez donc la confrérie des rieurs !

 

* Imprimerie nationale, 1997.

Une confrérie de farceurs

Du 19 septembre au 27 octobre

Vieux-Colombier

01 44 39 87 00/01

20/09/2007

Sartre et le revizor

Il est gonflé Jean-Paul Tribout ! Monter une pièce éreintée à la création et en faire une brillante comédie qu’il sous-titre « Arsène Lupin chez les réacs », il faut avoir de l’audace ! Et un sacré savoir-faire.

Qu’on en juge : une escroc de haut vol, Georges de Valéra (Eric Verdin) échappe de justesse à l’inspecteur Gobelet, (Jacques Fontanel), grâce à la complicité de Véronique (Marie-Christine Letort), journaliste dans un journal de gauche et fille de Sibilot (Henri Courseaux) que son journal de droite vient de mettre à pied. Or, ce journal, dirigé par Palotin (Jean-Paul Tribout) doit lancer une grande campagne anticommuniste. Il y va de sa survie. Palotin est servile à souhait : « Mes opinions sont immuables tant que le gouvernement ne change pas les siennes. » C’est le moment où Nekrassov, ministre soviétique de l’Intérieur, disparaît… Valéra se fait passer pour le transfuge Nekrassov, Sibilot est réintégré et Mouton (Emmanuel Dechartre), le président du journal, berné avec l’assentiment de tout son conseil d’administration voit le tirage du journal monter en flèche. Tout ira si loin dans l’imposture que les réactionnaires refuseront la vérité, et que la D. S. T. sollicitera Nekrassov-De Valéra pour jouer les accusateurs contre des journalistes d’opposition. Plus le mensonge est gros, mieux il passe ! Et Sartre fait pleuvoir les sarcasmes. Il y a du « revizor » dans sa comédie…

Mais, en 1955, les communistes ne lui avaient pas  pardonné Les Mains sales (1948), et les milieux de droite ressentirent Nekrassov comme un camouflet. La pièce déplut. Cette satire, menée au pas de charge raillait le journalisme sans déontologie, l’anticommunisme dit primaire et les manœuvres des politiciens sans scrupules. Elle fut très mal reçue.

Aujourd’hui, la comédie éclate de santé, portée par une équipe bouillonnante qui joue trente rôles avec dix comédiens. Catherine Chevallier la secrétaire qui minaude comme Marilyn est aussi l'intraitable Madame Lherminier, Madame Bounoumi, et une clocharde. Jacques Fontanel inspecteur désabusé, est aussi Nerciat, et Périgord, Laurent Richard est Demidoff, mais également Tavernier, Bergerat, et le clochard. Xavier Simonin joue Chaviret, Baudoin, un agent, tout en assurant l’assistanat à la mise en scène. Et dans une course-poursuite digne de Labiche, ils entraînent les spectateurs médusés… Le décor à transformation d’Amélie Tribout esquisse les lieux sans vrai naturalisme, mais avec une bonne dose d’ironie et un subtil partage entre l’intime et le social.  Pas de temps mort, mais des flèches en rafales.

C’est réjouissant d’un bout à l’autre. Eric Verdin tient enfin son grand premier rôle et Jean-Paul Tribout un succès mérité.

Nekrassov de Jean-Paul Sartre

Théâtre 14 Jean-Marie Serreau

01 45 45 49 77

09:35 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Théâtre |  Facebook | |  Imprimer

19/09/2007

Un Ranelagh romantique

Aimez-vous Musset ? Oui, sûrement, vous connaissez la mélancolie masquée de cynisme de ses personnages, la délicate musique de son âme douloureuse, son humour un peu grinçant.

Vous allez le retrouver tel qu’en lui-même dans deux des spectacles que propose Stéphanie Tesson : Histoire d’un merle blanc, adapté du conte éponyme, qu’elle interprète elle-même. Dans le parcours initiatique du jeune merle rejeté par les siens, trahi dans ses amours, affamé de reconnaissance, Stéphanie Tesson passe d’une lumière tragique à un humour désenchanté. Exceptionnelle… comme le merle blanc !

Musset, vous le trouverez aussi dans Fantasio où le rôle titre est dévolu à Nicolas Vaude. Et, pour faire bonne mesure, dans le foyer du théâtre, vous entendrez, en contrepoint, Tout à vous, George Sand, des lettres de George Sand accompagnées des musiques de Mendelssohn, Schumann, Liszt, et Chopin… Autant dire que la rentrée, est, cette année romantique en diable…

Et c’est tant mieux ! Car une cure de Musset vous entraîne inévitablement vers  la « démystification du sérieux » (Max Milner). Injouable au XIXe siècle, parce qu’il ne respectait ni les codes du théâtre de son époque, ni les conventions sociales, le théâtre de Musset s’épanouit en liberté sur nos scènes.

Multiplicité des décors ? Stéphanie Tesson résout le casse-tête du metteur en scène en créant  un lieu neutre, une placette  entre ville et palais, où s’enracine un chêne sec, cousin de l’arbre d’En attendant Godot (décor d’Olivier Balais). Entre ses racines tourmentées, Fantasio (Nicolas Vaude) y dort, et la princesse Elsbeth (Sarah Capony) y essuie furtivement ses larmes. Et, de même que « la dimension d’un palais ou d’une chambre ne fait pas l’homme plus ou moins libre », l’importance d’un décor ne vaut pas le talent des comédiens.

Nombreux personnages ? Les comédiens se dédoublent adroitement interprétant plusieurs rôles secondaires (Mathias Maréchal, Sébastien Pépin). Évident, puisque les déguisements masquent les vraies identités. Le Prince de Mantoue (Frédéric Longbois) est aussi fantoche que son aide de camp (Maxime Lombard). Le Roi débonnaire (Jean-Michel Kindt), -  qui sait bien que « la politique est une fine toile d’araignée dans laquelle se débattent bien des pauvres mouches mutilées » et refuse de sacrifier sa fille à la raison d’État, - agit comme la Gouvernante romanesque qu’il incarne aussi remarquablement.

Et, grâce à un complice, Spak (Olivier Foubert) poète qui ressemble à Musset comme un frère,  ledit Fantasio n’endosse-t-il pas, l’identité du bouffon de cour, Saint-Jean, « véritable Triboulet », plus insolent, moins douloureux que le modèle hugolien ? b39d9c76cd58c96ee5c86e82cbd7e0e7.jpg

Un rôle fait pour l’impertinent Nicolas Vaude qui joue à merveille l’enfant du siècle : un jeune homme désabusé qui plaint la jeune princesse d’épouser « à son corps défendant un animal immonde », mais un être si nostalgique de la gloire impériale qu’il préfère la guerre à une paix de compromission. La princesse sera sauvée d’une union monstrueuse, et donc l’innocence préservée du Mal, du moins, le temps d'une bataille...

Dans cette Bavière rêvée par Musset (1834), il y a du Büchner de Léonce et Léna (1836). Dans la mise en scène de Stéphanie Tesson brillent les vertus d’un art maîtrisé puisqu’il respecte un texte irrespectueux.

Si « un calembour console de biens des chagrins », avec cette soirée Musset, vous oublierez les vôtres…

Histoire d’un merle blanc

à19 h  du Mardi au Vendredi

Tout à vous, George Sand,

le samedi à 19 h

le dimanche à 15 h

le mercredi et le samedi à 17 h

 

Fantasio

à 21 h

Théâtre du Ranelagh

Depuis le 8 septembre

01 42 88 64 44