01/05/2007
May fait ce qui lui plaît
May (Geneviève Mnich) a toujours été une femme effacée, docile, respectueuse des convenances. Elle a obéi à Toots son mari (Jean Haas) et élevé ses enfants, maintenant installés à Londres où ils font carrière. Les vieux époux y sont invités. May accompagne Toots sans joie ni tristesse, résignée à subir la froideur des enfants, l’étonnement des petits-enfants : " Qui c’est, ces vieux ? " demande la petite-fille. Difficile de ne pas s’apercevoir des erreurs sentimentales de sa fille Paula (Lisa Schuster) et de son fils Bobby (Antoine Basler), marié à Hélène (Maya Borker) jalouse de tout le monde. Mais que faire ? Que dire quand l’époux se réjouit d’être heureux « comme au bon vieux temps » ?
Brutalement, May se retrouve veuve. Elle qui avait subi sa vie va pouvoir enfin « faire seulement les choses qu’[elle] aime ». Mais comment faire accepter cette liberté à ses enfants ? Bobby s’étonne qu’elle fume et Paula ordonne « Crois en moi, vieille femme ! » avant de la charger de parler à son amant, Darren (Patrick Catalifo). May avait toujours essayé de ne « faire de peine à personne », et quelquefois avait pensé au suicide.
Imprévisible May ! Ah ! Les Pères de l’Église avaient bien raison de se méfier de la femme, cet être pervers ! Toutes des salopes ! Même Maman ! May fait ce qu’il lui plaît, et Darren aime le plaisir qu’elle lui apporte. Scandaleuse May qui vole l’amant de sa fille, gaspille ses économies en billets d’avion, accepte que sa fille la frappe et refuse le veuf qui voudrait vieillir avec elle. « Elle ne se sent pas prête à devenir vieille », et préfère tout quitter : enfants, amant, maison, pour un « immediate boarding », seule, mais vivante, enfin… Et qu'importe si ce n'est pas pour longtemps !
Pour sa saison consacrée aux « mères », Didier Bezace a adapté le scénario de Mother d’Hanif Kureishi. Après la « maman bohème » de Dario Fo, révoltée sociale, May est une figure de femme ordinaire qui brise les tabous sans éclat, dans l’intimité. Les acteurs sont tous excellents. La scénographie de Didier Bezace et Jean Haas joue habilement avec l’espace. Des cloisons mobiles le divisent ou le multiplient, façonnant les lieux sous des angles différents, souvent surprenants, mais toujours acculant chacun des personnages à la solitude morale. Intelligente manière de nous montrer que personne ne peut vivre à la place de l’autre.
Théâtre de la Commune d’Aubervilliers
location : 01 48 33 16 16
jusqu’au 3 juin
Rencontre avec Hanif Kureishi le 3 mai après la représentation
16:54 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
26/04/2007
Un mandat polyvalent
La comédie de Nikolaï Erdman est plus proche des burlesques américains que du réalisme soviétique. Les personnages composent une galerie fantaisiste dans laquelle les musiciens du groupe Pad Brad Moujika (Matthieu Boccaren à l’accordéon, Adrien Chevalier au violon, David Fisher à l’alto, Fred Fruchart à la contrebasse, et William Pigache aux percussions) introduisent des couleurs et des sons anarchistes. L’intrusion de Tamara (Françoise Lépine), et la présence d’Anatole (Julie Jacovella), complètent une sarabande caustique sur les attentistes de tous les régimes. Tout en façade, rien dans la tête. Tout pour sauver leurs petits privilèges, rien à secouer d’une idéologie quelle qu’elle soit, « sauver la Russie », c’est ici, sauver sa peau… Méfiez-vous des opportunistes ! Quand celui qui brigue un « mandat » l'obtient et qu'il est enfin du côté du Pouvoir, aucun lien n’est sacré. Le mandataire retourne aisément sa veste : il est "polyvalent".
La mise en scène de Stéphane Douret jongle avec les valises et les malles, les tableaux ont un côté pile bien plus important que le côté face et les personnages s’agitent comme des pantins. Ce délirant jeu de massacre est soutenu par un malin décor de Malika Chauveau et des costumes très ubuesques de May Katrem. Après les deux versions du Suicidé, cette saison, la patrie théâtrale a rendu un bel hommage à Nikolaï Erdman !
Le Mandat de Nikolaï Erdman
Traduction : Jean-Philippe Jaccard
Théâtre 13
Jusqu’au 11 juin
01 45 88 62 22
16:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
18/04/2007
Les Hors-la-loi
On peut être hors-la-loi en commettant des crimes et des délits, ou en étant placé dans des situations que le législateur n’avait pas prévues. Car si les codes ont défini le cas du voleur à la tire ou du criminel avec préméditation, rien n’est prévu pour les artistes qui souffrent d’un handicap. Étant hors normes, ils se trouvent en quelque sorte« hors-la-loi ». Mais le spectacle Les Hors-la-loi qui met des "hors-la-loi" en présence des handicapés, casse l’exclusion, efface les préjugés, et révèle des comédiens extraordinaires.
Quand Carlo (Jacques Verzier) et Gérard dit Gégé (Patrick Laviosa) qui se sont évadés de prison, arrivent à la Maison bleue, où Mademoiselle Campiche (Ariane Pirie) prépare un spectacle avec Sophie (Caroline Soria), Mouss (Rachid El Ouaghi), Isa (Lila Chabba), Iris (Sherazade Tamzought) , Évelyne (Patricia Assouline), Sam (Grégory Dunesme), Édouard, (Rosario Cusumano) la comédie risque de virer au drame. Heureusement les pensionnaires les « prennent pour des acteurs qui viennent les aider à monter un spectacle ». Et justement Gégé joue de la guitare, du piano, et parle la langue des signes. Il apprivoise Évelyne la directrice, et Diane la prof, fascinée par les théories de Stanislavski, et comme les héros de la comédie musicale qu’on répète se trouvent être Bonnie et Clyde, les deux acolytes se sentent vite chez eux… Mieux, ils sont adoptés, et peu à peu s'intégrent car « on peut être une canaille et avoir une âme ». De duos en solo, le fil se déroule et les spectateurs tombent sous le charme des chansons nostalgiques.
Agnès Boury les a dirigés sur un scénario d’Alexandre Bonstein qui coud une intrigue permettant d’entendre les voix magnifiques de ces artistes interprètes. On retrouve des chansons qu’on a aimées, et qu’on avait presque oubliées, comme ce Clopin Clopant que Pierre Dudan chantait dans les années 50…
Mais n’en disons pas plus, Handi Art qui organise ce spectacle vous attend non seulement pour juger de la qualité artistique, du rythme, du talent des interprètes, mais aussi pour faire tomber les barrières entre ces hors-la-loi et vous.
Théâtre du Gymnase
du mardi au samedi à 19 h
0892 707 920
à partir du 19 avril
08:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre, chanson | Facebook | | Imprimer