27/10/2011
"Il faut vivre"
Nous venions d’évoquer la survivance de personnages romanesques de Stendhal au-délà de La Chartreuse de Parme, à propos de la publication de la pièce de Robert Poudérou, La Sanseverina, quand nous avons découvert que des personnages de Tchekhov s’étaient échappés du patrimoine russe, pour se glisser dans le Théâtre irlandais contemporain.
« Il faut vivre » dit Macha à la fin des Trois sœurs, même s’il s’agit d’une « vie manquée ». Brian Friel sait bien que Macha, Irina et Olga n’iront jamais à Moscou, mais il imagine qu’Andreï leur frère y rencontre Sonia, la mal aimée d’Oncle Vania, quelque vingt ans plus tard.
Que sont ils devenus ? Ils vivent malgré les échecs, les abandons, les rêves piétinés.
L’ambitieuse Natacha a abandonné Andreï (Roland Marchisio) et ses deux enfants. Et Sonia, (Marie Vinvent) toujours amoureuse d’Astrov, lutte pour conserver la propriété. Pourquoi sont-ils à Moscou ? Elle, pour demander conseil afin de moderniser le domaine. Lui, prétend jouer dans l’orchestre symphonique qui répète La Bohème. En réalité, il fait la manche dans les rues avec son violon, afin de financer le voyage mensuel qui lui permet de rendre visite son fils, Bobik, incarcéré pour vol.
Andreï ment. Il est pitoyable et attendrissant. Sonia dissimule une partie de la vérité, elle est déchirante. Dans le décor miteux d’un café décrépit, (Décor Laurence Bruley) ils confrontent leur deux solitudes. Ils n'ont connu de la vie que les amères désillusions. Ils vivent d'instants volés, toujours douloureux. Lui, apportant un peu d'espoir à un fils humilié, elle, consolant Astrov quand il est malheureux et qu'il a bu.
On boit beaucoup de vodka; on essaie de s'enivrer mais la réalité vous rattrape.
Et pourtant, chacun s’obstine à espérer encore des amours partagées et des jours fastes.
Et le charme de Tchekhov opère à travers la fiction imaginée par Brian Friel. Benoît Lavigne signe ici une mise en scène sobre et émouvante, et. les comédiens sécrètent la nostalgie de ces êtres imparfaits qui nous ressemblent.
Une autre vie de Brian Friel
Théâtre La Bruyère à 19 h
01 48 74 76 99
jusqu'au 31 décembre
Photo : Lot
21:37 Écrit par Dadumas dans culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, la bruyère, tchekhov, b.friel, marie vincent, roland marchisio, benoît lavigne | Facebook | | Imprimer
24/10/2011
Théâtre à lire
Il existe des personnages romanesques qui vivent au-delà du roman dont ils sont les héros. Bien après leurs créateurs, ils inspirent d’autres auteurs. Certains même traversent les siècles.
Sous la plume de Robert Poudérou, le personnage central de La Chartreuse de Parme, - roman dont l'intrigue commence en 1815,- n’est plus Fabrice Del Dongo, mais la duchesse Sanseverina, et c’est autour d’elle que gravitent les protagonistes de la pièce que le théâtre stabile des Abruzzes lui avait commandée.
La Sanseverina, créée en 1999, a tourné pendant quatre ans en Italie. Parme, Venise, Padoue, Rome, Naples, autant de villes dont les noms nous font rêver.
Autour de la Sanseverina, Poudérou ne garde que Mosca, le Prince, Ferrante et une servante dévouée, Chekina. Et cette femme qui traîne tous les cœurs après soi, n’a qu’un amour au cœur, celui qu’elle porte à son « enfant chéri », son neveu, Fabrizio.
Fabrizio suit son destin de proscrit secrètement protégé, par sa tante, et la douce Clélia, prisonnière des conventions se sacrifie pour lui.
Prologue, quatre actes, épilogue, il ne manque aucun détail pour que le drame romantique soit merveilleusement reconstruit. Et la langue ? « Conservée, filtrée, caressée, taillée » écrit Gilles Costaz dans sa postface. Elle restitue la « poésie verbale » de Stendhal.
Elle n’a pas encore été jouée en France. Découvrez-la vite !
PoudÉrouRobert, La Sanseverina, d’après La Chartreuse de Parme de Stendhal, postface de Gilles Costaz, éditions Orizons diffusion L’Harmattan, 14 €
19:42 Écrit par Dadumas dans culture, langue, Littérature, Livre, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre, littérature, stendhal, poudérou | Facebook | | Imprimer
17/10/2011
Humeur
Je reçois un dossier de presse. J’en reçois tous les jours. Mais celui-là m’interpelle.
Il émane du « Monfort-Théâtre ».
- Tiens, me dis-je, encore un nouveau lieu ! Diantre ! (Comme on dit chez Molière), « l’avignonisation » de Paris continue, - comme dirait mon ami Victor (Haïm).
J’ouvre l’enveloppe.
Je cherche l’adresse. « 106, rue Brancion » !
Nom de…***
C’était le Théâtre Silvia Monfort !
Pourquoi l’a-t-on ainsi castré de son prénom ?
Imagine-t-on le collège Moulin, au lieu de Jean Moulin ? Ce n’est pas du tout la même farine !
Le lycée Renoir, c’est le peintre ? Le cinéaste ? Le comédien ?
Et avec l’hôpital Debré, je m’interroge ? Le ministre ? Le peintre ? Le médecin ? Et lequel ?
Il y a des prénoms indissociables de leur patronyme.
Silvia Monfort, grande dame de la Résistance, avait gardé le nom qu’elle portait dans la clandestinité, pour l’illustrer au firmament du Théâtre. On l’aimait ainsi, tout entière…
Qui, dans un an, dans dix ans se souviendra de ce qu’elle représenta pour les auteurs, les comédiens, ses amis du Théâtre et des Lettres, ses compagnons de lutte, et même la ville de Paris ?
Que veut-on nous faire oublier ?
*** Suivant votre religion, vous choisissez le blasphème qui vous convient…
17:30 Écrit par Dadumas dans culture, éducation, Histoire, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | Imprimer