Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/09/2010

Centenaire Jean-Louis Barrault

 

 

Depuis le 8 septembre, la célébration de Jean-Louis Barrault est commencée.

Lectures, projections, spectacles, et concerts vont se succéder à Paris, où il avait son théâtre, - on devrait dire ses théâtres, car il anima plus d’un lieu - et au Vésinet où il est né.

photo Barrault utilisée pour la com du centenaire.jpgHier soir, Didier Sandre a lu des extraits de Souvenirs pour demain, à l’Atelier, où Jean-Louis Barrault apprit son métier avec celui qu’il appelait « le jardinier », Charles Dullin, maître des lieux, metteur en scène du Cartel qui bouleversa la scène entre les deux guerres.

La voix chaude, vibrante du comédien, son sourire redonnèrent à Jean-Louis Barrault les couleurs de son éternelle présence. Camlle Boitel, dans un fabuleux numéro de mime rappela les influences de Decroux, et le penchant du comédien pour cette discipline.

C’était émouvant, et cependant plein d’espoir, car les artistes nous disaient ainsi leur admiration et leur confiance dans celui auquel ils rendaient hommage…

Une association s’est créée. Un comité d’honneur, présidé par Pierre Bergé, a mobilisé les auteurs, les comédiens, les musiciens, les éditeurs, les directeurs de théâtre, afin de commémorer Jrean-Louis Barrault qui consacra sa « vie au Théâtre » et révéla les grands auteurs du XXe siècle, Ionesco, Claudel, Prévert, Genet...

Le prochain rendez-vous sera le 4 octobre au Théâtre du Rond-Point qu’il créa à partir d’une patinoire. La grande salle porte encore son nom.

Le théâtre Marigny, lui doit la salle Popesco, c’est là que le 11 octobre, on lira sa correspondance avec Artaud.

Puis viendront le Palais-Royal (18 octobre), le centre Wallonie-Bruxelles (15 et 22 novembre), la Cinémathèque française (15 novembre), l’Odéon (19 et 23 novembre, 1er décembre, 6 décembre), la Comédie-Française (6 décembre), le Musée d’Orsay (7 et 15 décembre), le Théâtre de la Ville (11 décembre)

Le Théâtre des Champs-Élysées (10 octobre, 14 novembre, 12 décembre, et 29 mai), lui consacrera ses concerts du dimanche matin, puisque c’est lui qui les avait créés, à Orsay. Et l’Opéra de Paris, avec son école de danse à Nanterre (26 mai), et son ballet à Paris (29 juin au 15 juillet) a créé deux ballets écrits d’après le scénario de Prévert et Carné : l’immortel chef d'oeuvre, Les Enfants du paradis.

De quoi faire rêver tous les théâtreux...

 

 

 

Photo : D. R.

Pour tout renseignement : www.centenairejeanlouisbarrault.fr

Les partenaires de l’association, sont, outre les théâtres cités, l’INA, la BNF , la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent, Arte, Jeanine Roze Productions, le CNT, le CNEA, le Théâtre du Vésinet et l’association des Théâtres privés.

Souvenirs pour demain est édité au Seuil.

Saisir le présent, autre livre de souvenirs, est édité chez Robert Laffont.

Correspondance Paul Claudel/Jean-Louis Barrault, éditions Gallimard.

Une vie sur scène, éditions Flammarion.

 

 

06/09/2010

L'attente selon Jean-Marie Besset

 

 

Ils attendent. « La vie est un examen », et, mal assis sur les tabourets inconfortables, dans les couloirs du ministère où chacun est convoqué pour expliquer son projet, Lebret (Jean-Pierre Leroux) et Philippe Derrien (Adrien Melin), espèrent… Car c’est ainsi l’attente. L’espagnol confond en un seul mot : esperar, cette vacuité entre deux actions, deux situations, Jean-Marie Besset ajoute, entre deux amours.mail 2.jpg

Philippe est marié à Nathalie (Blanche Leleu), et depuis cinq ans ils forment un couple apparemment sans histoires. Il concourt aujourd’hui pour un de ces projets pharaoniques dont les ministères ont le secret : « construire le premier monument sur la lune ». Mais dans les couloirs du ministère, Philippe retrouve Jason (Jonathan Max-Bernard), un ami d’enfance. Et sa vie va basculer.

Dans le huis clos du ministère, les ambitions s’affrontent, sous le regard glacé de l’Huissier (Niels Adjiman) impavide, tandis que Louise Erkanter (Virginie Pradal), qui tient plus de la mante religieuse que du haut fonctionnaire s’efforce de tirer encore les ficelles de ceux qui ne veulent plus être ses marionnettes. Dans le feutré de l’appartement de Nils (Arnaud Denis), l’ami de Jason, les appétits sont plus charnels.

Arnaud Denis dirige ses comédiens avec finesse. Pas de caricature, un extrême doigté, beaucoup de pudeur. Il a mis en place un décor unique transformable (signé Édouard Laug). Les comédiens eux-mêmes aident à changer les accessoires, dans une pénombre crépusculaire (Lumières Laurent Béal). Les silhouettes s’y meuvent comme dans ces nuits où le rêveur a conscience qu’il cherche quelqu’un ou quelque chose sans savoir qui ou quoi.

mail.jpgJason déclare d’emblée qu’il va mourir. Comme il est dit que « dans son état, tout est grave », le mot « sida », n’a pas besoin d’être prononcé. Philippe et lui se sont aimés, naguère. Les amours adolescentes marquent les âmes à jamais. L’auteur, dans un récent Perthus en peignait les émois et les ravages. Dans Ce qui arrive et ce qu’on attend, une de ses premières pièces, tout l’univers bessetien est déjà construit, avec ses arcanes, ses fulgurances, son désespoir. Ses personnages sont jeunes, pleins d’avenir et se heurtent aux pesanteurs des sociétés closes. Leur sincérité ressemble à l’innocence et « la vie est plus tragique qu’on ne l’avait imaginée. »

Mais peut-être ne faut-il pas "aller chercher ce qu'on fait dans la lune/ et vous mêler un peu de ce qu'on fait chez vous" aurait dit Molière. Peut-être suffit-il d’attendre ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qui arrive et ce qu’on attend de Jean-Marie Besset

Vingtième Théâtre

Du mercredi au samedi à 19 h 30

Dimanche à 15 h

01 43 66 01 13

16/02/2010

La mort apprivoisée

 

 Les hommes craignent la mort dont ils se sont fait des représentations souvent épouvantables*.

« Nous troublons la vie par le souci de la mort, et la mort par le souci de la vie. » écrivait Montaigne.Mais la mort n’effraye ni les poètes, ni les enfants. Ils sont trop proches du Paradis. Quand ils jouent avec elle, ils gardent l’innocence de Hélas.

« Hélas ! » Quel drôle de nom pour cet être qui vit dans un cocon protecteur, à Croitou, et ignore tout de la vie, de ses perversités et de la malveillance de ses semblables. La créature de Stéphanie Tesson va donc accomplir un voyage initiatique pour apprendre. Quittant Nounou, elle se lance « dehors ». Et rencontre Not to be, c’est-à-dire la Mort, avec son masque terrifiant. Mais Hélas n’a pas peur. Pour elle « la mort, ça n’existe pas ! ». La Mort est vexée, elle l’emmène au « bazar de la vie » où on peut tout acheter. Le premier fripon venu, un « commissaire priseur », extorque le pauvre Hélas, qui sans malice, a acquis un « zizi d’époque », et ne peut pas le payer. Voici Hélas en prison.

La Mort est séduite devant tant d’ingénuité. Elle le fait libérer, et ne le quitte plus. Elle « platonise ». Elle est apprivoisée et jure de ne plus jamais tuer.

« Deux choses peuvent durer : la Mort et l’Amour. » Tous les poètes vous le diront.

Stéphanie Tesson est ce poète. Elle écrit, en octosyllabes, le plus souvent, dans une langue classique d'une grande beauté : « Disparais, chose superflue ! », ou « Plus de guerre et moins d'agonie ! » 

Elle est aussi narratrice et actrice, jouant tour à tour, Hélas, la Mort, et tous les quidams qu’ils rencontrent.

Elle mime, manipule des marionnettes (création : Marguerite Danguy des Déserts). Sobrement dirigée par Anne Bourgeois, elle commence le récit « à la table », sanglée dans une redingote noire (costume de Corinne Page). Tout est sombre autour d’elle. Puis, quand elle quitte Croitou, le fond bleuit (lumières de François Cabanat), ensuite il rougeoiera. Il fallait cette rigueur, ces mouvements mesurés, pour que le spectateur intériorise la quête de l’innocent.

De sous la table, Stéphanie Tesson tire des marionnettes stupéfiantes. Et pourtant, tout devient évident quand elles paraissent. Nounou ? Un sein naturellement. Le désir des hommes ? Un sexe, bien sûr. Rien d’obscène dans sa représentation. L’auteur-conteur est en état de grâce, magnifiée par le sens de la fable. Car il s’agit de repousser le Mal, de glorifier l’Amour, de croire.

Que la Mort renonce à tuer, dans les contes très anciens, ce souhait nous fut rapporté. Mais qu’elle se laissât mourir de désespoir, et que son platonique et fidèle amant restât auprès d’elle, nous trouble profondément.

La Mort ? « Je ne sais ni ce qu'elle est, ni ce qu'elle fait en l'autre monde. » disait encore Montaigne. Mais la réincarnation de l’innocence a le visage de Stéphanie Tesson.

Il est si rare de le rencontrer qu'il faut vite aller voir Hélas.

 

 

* On peut voir, sur ce sujet, en ce moment, la très belle exposition : Vanités au musée Maillol

 

Hélas, petite épopée apocalyptique de et par Stéphanie Tesson

Théâtre Artistic-Athévains

Jusqu’au 21 mars

01 43 56 38 32

www.artistic-athevains.com