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15/01/2011

Célébration du dodo

 

Le dodo n’était pas un monstre. Juste un oiseau un peu lourd, qui ne volait pas et vivait paisiblement sur l’île Maurice avant que des navigateurs hollandais ne l’extermine, vers 1660. Alors que sa chair n’était même pas bonne !

Inoffensif, paisible, le dodo n’était pas méchant, juste « ébaubé », mais s’il fallait tuer tous les abrutis… « Vaste programme ! » disait un général… Yannick Jaulin, qui n’est que conteur essaye de comprendre. Ce n’est déjà pas mal !

Le dodo ne courait  pas « il piétait ». « Il est aux oiseaux ce que le paresseux est aux quadrupèdes » aurait dit Buffon qui s’y connaissait en ornithologie. Yannick Jaulin, qui connaît mieux les mœurs rurales, pense que c’était plutôt un « oisif ». Comme Maurice, un gars de son village, qui « a résisté au travail ». Pas le genre de ceux qui veulent  « travailler plus pour gagner plus. ». Mais « est-ce que c’est bien honnête de comparer le dodo à Maurice ? »

Yannick Jaulin digresse, sa parole divague, de l’Histoire à l’actualité, de la salle polyvalente vendéenne à celle du Rond-Point où il s’est posé. Il n’a pas honte de ses origines, il les revendique.

Et Darwin n’a plus qu’à se voiler la face !

Quant aux spectateurs, ils ne se perdent pas dans les chemins d’un raisonnement à sauts et à gambades, ils jubilent !

 

 

 

Le Dodo

Théâtre du Rond-Point à 18 h 30

Jusqu’au 13 février

01 44 95 98 21

06/12/2010

Éloge du sublime

 

 

 

Qui peut aujourd’hui comprendre qu’une femme brûlant d’amour pour un homme qui l’aime en retour, se refuse à lui, par fidélité à un mari qu’elle estime, mais n’aime pas ? Peu de gens… En effet, le sublime est passé de mode et les mœurs se complaisent dans l’assouvissement. Les humains, faute de sentiments cèdent à leurs pulsions. Aussi était-il hasardeux de proposer une adaptation de La Princesse de Clèves pour la scène. Laurence Février a tenu le pari. Vêtue d’une robe de cour rouge, elle va nous dire les moments les plus beaux de ce premier roman de notre littérature, sous le titre évocateur de La Passion corsetée. Car il s’agit de bien se tenir. Mme de Clèves ne donne pas son soulier de satin à la Vierge, afin de ne pas boiter vers la tentation. Elle marche droit. C’est en elle-même qu’elle puise le courage de ne pas trahir, rester maîtresse de soi.

La scène est vide d’accessoires ou de mobilier. Pour tout décor, des panneaux étroits de tissus lamés tombent des cintres. Elle circule entre ces « colonnes » en racontant rencontres et coup de foudre, hésitations, jalousies, désespoir, accord des cœurs et des âmes. Sa voix aux finales chantantes fait vibrer d’émotion l’auditoire. Belle leçon de morale qu’un public jeune écoute religieusement.

Je me suis souvenue de cette classe de seconde, alors que professeur stagiaire, j’avais choisi d’expliquer la scène de l’aveu. Mon mentor avait eu un sourire narquois : « vous croyez que ça va les intéresser ? Moi, je ne m’y risque pas… ». Et j’ai commencé : « Monsieur je vais vous faire un aveu que l’on n’a jamais fait à un mari… ». Le silence a gagné. On n’entendait plus chuchoter, pas un siège ne raclait le sol, aucun stylo n’est tombé, aucune question ironique n’a été posée, mais ils répondaient aux miennes avec un intérêt soutenu. Pas un ricanement n’a interrompu les explications, et à la fin du cours, ils m’ont demandé comment se procurer le livre « en entier ».

Si vous allez voir Laurence Février, vous aussi, vous aurez envie de lire La Princesse de Clèves.

 

 

 

 

La Passion corsetée d’après La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette

Théâtre du Lucernaire

du mardi au samedi à 20 h

01 45 44 57 34

05/11/2010

Jours pas tranquilles à Hambourg

 

 C’est une « famille ordinaire ». Véra (Bérangère Allaux) les adore. Elle a toujours trouvé son grand-père (Oskar Abraham (Roland Bertin) « épatant ». En 1939, comme vingt ans plus tard… Oskar est un bon Allemand, d’une vieille famille hanséatique, luthérienne, et patriote. Son fils Julius (Matthias Bensa) qu’il considérait comme « bon à rien », vient de s’engager dans la police nazie. Il va aller nettoyer les ghettos et pourchasser les partisans. Un bon Allemand, aussi… Sa femme Elga (Christiane Cohendy) s’occupe de la maison, de la cuisine, et ne délègue rien à sa bru, Dörra (Laure Wolf), qui ne comprend pas pourquoi son mari ne la touche plus, ne la regarde même plus et passe ses rares permissions à soliloquer. Comment cet homme aimant a-t-il pu devenir le « finisseur de gosses » des exterminations en Pologne ? Il se rêvait héros, il s’éveille « bourreau ».

Pas comme Elga. Femme soumise, timorée, effacée, mère nourricière sans éclat, soucieuse de la bonne entente familiale, elle accomplit instinctivement le seul geste d’amour qui sauve les siens de la complète faillite morale. Elle protège Sarah, l’enfant des voisins que la police vient arrêter. Les jours ne sont pas tranquilles à Hambourg...

« C’est une pièce sur l’amour, ses absences, ses défaillances », dit l’auteur, José Pliya. Une famille ordinaire @Hervé Bellamy.jpgEt dans la famille Abraham, Oskar n’a jamais aimé Julius, il n’aime plus Elga. Julius déteste son père et reste indifférent au corps de Dörra. Les hommes à« la virilité en berne », s’investissent dans la guerre. Dörra n’aime plus sa fille, les Allemands de Hambourg se méfient de ceux de Francfort, et les voisins sont suspects. Tout concourt à la dégradation des sentiments, tous permettent l’abomination.

Mais à travers l’histoire allemande, José Pliya parle aussi du Rwanda, des haines ethniques, des massacres d’innocents, et au-delà, de l’Afrique qui lui est chère, de la Serbie, de la Croatie, de toutes les haines primitives et irrationnelles, attisées par des hommes en mal de pouvoir.

Hans Peter Cloos signe une mise en scène diabolique. La vidéo de Camille Pawlotsky, sur fond d’images de vampire et de ruines, en noir et blanc, est projetée dans un intérieur déconstruit où une dizaine de postes de TSF laissent à imaginer les ramifications de la « propagande ».

Laure Wolf paraît d’autant plus fragile, Matthias Bensa brisé, que Roland Bertin installe une présence puissante. Christiane Cohendy, voix fêlée, insidieuse et tourmentée, montre avec justesse, une femme pliée par le vent mauvais. Quant à Bérangère Allaux délicate et forte, qui semble invisible aux yeux des autres, c’est une révélation.

Cette  mise en scène d'Une famille ordinaire consacre une oeuvre dérangeante, de celles qui donnent un sens à la littérature dramatique.

 

 

 

 

 photo : Hervé Bellamy

 

Une famille ordinaire de José Pliya

Théâtre de l’Est Parisien

Jusqu’au 27 novembre

01 43 64 80 80