30/05/2011
Profession : comédien
Théophile Gautier adorait le théâtre, il peignait des décors, écrivait des arguments de ballets, et surtout bataillait pour ses amis du théâtre romantique, les soirs de première dans la salle, et le lendemain, dans les colonnes de La Presse et des revues littéraires. Aussi, pour fêter le bicentenaire de sa naissance, Jean-Renaud Garcia a-t-il eu l’excellente idée de reprendre l’adaptation du Capitaine Fracasse, ce roman qui enchanta nos jeunes années et où, comme dans L’Illusion Comique de Corneille, ou Le Roman comique de Scarron, le héros se découvre une vocation, et choisit la profession de comédien.
Conçue comme un feuilleton, où les genres se mélangent, et où le théâtre de tréteaux règne en maître, cette adaptation, est une totale réussite. Abel Gance, parodiant Cyrano de Bergerac, avait eu l’idée dans son Capitaine Fracasse (1943) de faire rimer Sigognac et Vallombreuse pendant leur duel. Dans cette adaptation scénique, Jean-Renaud Garcia fait rimailler Hérode (Albert Bourgoin) le chef de troupe, Albert Bourgoin (Hérode), tout au long de l’action, et c’est jubilatoire.
Le baron de Sigognac (Patrick Simon), noble ruiné vit seul avec son domestique Pierre. Un soir, une troupe de comédiens ambulants, se réfugie dans son misérable manoir. Il n’a rien d’autre qu’un toit à leur offrir, les comédiens partagent leurs provisions avec lui. Sigognac, n’est pas insensibles aux charmes des comédiennes, Isabelle (Marine Gay), Sérafina (Zoé Nonn), Zerbine (Marie Cuvelier). Le lendemain il part avec la compagnie. Et, comme il n’a plus un sou vaillant, que le comédien qui tenait le rôle de Matamore (Eric Chantelauze) décède opportunément, Sigognac va rapidement trouver un emploi. Mais comme il est réellement courageux, il sera le « Capitaine Fracasse ». Et, de duels en assauts, (combats chorégraphiés par Nicky Naude) d’enlèvements en révélations, on découvre que l’abominable duc de Vallombreuse (Emmanuel Dechartre) qui convoitait Isabelle, est son frère, qu’elle est comtesse et que Sigognac peut l’épouser sans mésalliance. L’Amour et l’amour du théâtre, quel beau mariage !
Jean-Renaud Garcia suit-il fidèlement le roman de Théo ? Franchement, peu nous chaut comme on disait sous Louis XIII. Le spectacle caracole avec les sus nommés, et Frédéric Guittet (Jacquemin), Patrick Hauthier (Mérendol et un musicien), Léonarde (Claire Maurier) qui transforme son rôle de mère noble en une sorte de Bélise énamourée devant les hommes d’épée. Les seconds rôles changent d’oripeaux plus vite que le rideau ne glisse sur la tringle et c’est sans respirer qu’on parvient au dénouement heureux.
Allez-y en famille, et retrouvez-les dans les festivals d’été, à Sarlat, à Collonges-la-rouge, et sûrement ailleurs…
Photos : Lot
Il Capitano Fracasse d’après le roman de Théophile Gautier,
adaptation et mise en scène de Jean-Renaud Garcia
Jusqu’au 9 juillet
Au Théâtre 14
01 45 49 77
(attention aux horaires !)
22:23 Écrit par Dadumas dans Film, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, th. gautier, théâtre 14 | Facebook | | Imprimer
21/05/2011
Égaux dans la férocité
Comme ils sont actuels ces hommes de Pouvoir : César, Brutus, Antoine, Octave ! On jurerait qu’ils sont nos contemporains dans cette fresque où l’auteur, Jean-Marie Piemme, s’inspire de Shakespeare. Au bal des ambitieux, les hommes politiques son « égaux dans la férocité », et n’hésitent ni à trahir, ni à tuer. Dans Le Sang des amis, il coule beaucoup de sang, mais il n’y a plus d’amis. Rien que des rivaux qu’il faut abattre pour gagner l’autorité suprême et la garder.
Huit comédiens interprètent plus de vingt rôles, c’est dire qu’ils mouillent la chemise ! Le metteur en scène, Jean Boillot, a fait ses classes chez Lev Dodine. Il y a appris la polyphonie des jeux et des récits. Il joue aussi avec talent, le chroniqueur juché dans une cabine vitrée, diffusant et commentant « l’information ».
Roland Gervet compose un Antoine très physique, pour donner chair à l’homme d’action, dont la parole habile retourne les foules. Philippe Lardaud prête à César une dimension populiste, puis en Octave, il devient une bête administrative. Julie Pouillon (Portia, Octavie), Isabelle Ronayette (Calpurnia, Cléopâtre), Assane Timbo (Brutus, Lépide, conseiller de Cléopâtre) assument leurs rôles avec rigueur. Mais les plus étonnants sont sans nul doute : Magali Montoya et Laurent Conoir. Dévolus aux seconds couteaux, ils passent avec aisance du registre tragique au rituel comique des clowns shakespeariens, ici déguisés en vétérans balourds, jugeant les événements à l’aune d’un « bon sens » un peu faisandé.
L’action fonctionne sur le « flash back », les costumes sont contemporains. Vêtus de complets noirs stricts au départ, chacun portera un élément de costume, militaire ou civil au cours de l’action. Le panneau du fond cache de grands tiroirs qui serviront de lits, comme à la morgue. Et sur les tables roulantes de la cantine, arrivent les maquettes de Rome, et des batailles stratégiques. La bande son aidant, le spectateur revit les batailles de Philippes et d’Actium. Il est d’ailleurs inclus dans les débats, les candidats « imperator » n’hésitent pas à aller lui serrer la main. Chaque séquence est qualifiée d’un mot que le chroniqueur inscrit sur une vitre : « Aveuglément », « Absolu », « Amour », « Accomplissement », dont le sens nous échappe un peu, et nous distrait beaucoup.
C’est un spectacle total, passionnant, riche en pensées philosophiques, mais difficile à soutenir pendant plus de deux heures. Une représentation plus resserrée gagnerait peut-être en intensité.
Photos : Virginia Castro
Le Sang des amis de Jean-Marie Piemme
Théâtre de l’Aquarium
Jusqu’au 29 mai à 20 h 30
01 43 74 99 61
17:24 Écrit par Dadumas dans Histoire, Littérature, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer
20/05/2011
La fin d’un monde
Ses géniteurs (Isabelle Sadoyan et Michel Robin) sont à la poubelle, lui, Ham (Serge Merlin), est aveugle et Clov (Jean-Quentin Châtelain) le dos courbé, ne peut plus s’asseoir.
Vous les avez reconnus ? Les clowns tristes de Fin de partie dans le décor gris de cendre (Jacques Gabel) cher à Beckett attendent la « fin ». La fin de quoi ? Car, les êtres qui s’étiolent dans cette pièce aux hauts murs, percée non de fenêtres mais de lucarnes étroites, presque de meurtrières, vivent-ils encore ? Tout manque : la nourriture, la chaleur, les plaids, une chaise roulante, les calmants, et même les cercueils. Au dehors, « plus de nature », « plus de marées », « plus de lumière ».
C’est la fin d’un monde sans amour où la mort délivrerait de la méchanceté des hommes et de l'absence de Dieu.
Dès les premiers mots, Clov, emploie le verbe « finir ». Et quel que soit le protagoniste, ce verbe sera conjugué de manière lancinante : participe passé, passé composé, présent, futur proche, subjonctif, futur, infinitif, tous les modes y passent.
Alain Françon, le metteur en scène s’appuie sur un texte « revisité » par Beckett « au fil de ses mises en scène » alors que nous connaissons surtout la version créée par Roger Blin, à Londres en 1957. Il est d’une fidélité exemplaire à l’auteur, et ses interprètes en restituent l’humour noir, ravageur.
Pitoyable image d’une humanité sur le déclin que ces personnages hargneux et malheureux. Fin de partie oblige à méditer sur le destin de nos sociétés. Une leçon de morale nécessaire.
Photos : © Dunnara Meas
Fin de Partie de Samuel Beckett
Théâtre de la Madeleine
Jusqu’au 17 juillet
01 42 65 07 09
18:56 Écrit par Dadumas dans Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre, littérature, beckett, françon | Facebook | | Imprimer