12/05/2014
Carnets d’artiste
Il écrivait tout le temps et toujours sous le regard d’Ophélia. Il écrivait à la main, et sans ordinateur. Philippe Avron apportait à son éditeur de vrais manuscrits, des feuillets bien propres où dansait sa belle écriture avec pleins et déliés. Toujours à l’encre noire, toujours lisible. Et quand il rendait ses épreuves, il tirait de sa poche, soigneusement pliées, des feuilles supplémentaires à ajouter là, et là. Avec un sourire angélique il convainquait la correctrice que ses « becquets », étaient indispensables…
Et nous nous acceptions ses corrections.
Il était perfectionniste, et recherchait toujours « la relation meilleure », que ce fût dans le récit, dans le jeu, dans les affinités.
Il nous a quittés en juillet 2010, après quelques représentations de Montaigne, Shakespeare et moi,son dernier opus, au Théâtre des Halles, chez Alain Timar
Ses amis, aujourd’hui ont rassemblé les notes de ses carnets personnels : 19 000 pages dans lesquelles, Ophélia, a choisi des pages magnifiques, parmi celles qu’il voulait « pressurer ».
Puis elle l’a rejoint pour l’éternité.
Retrouvez sa voix singulière, sa modestie, sa grande connaissance des textes et des hommes. Ou découvrez celui que Jean-Gabriel Carasso nomme « passeur d’humanité ».
Avron Philippe Carnets d’artiste (1956-2010), éditions de L’Avant-Scène Théâtre, collection des Quatre-Vents, avec le soutien de la S. A. C. D., 20 €
Avec un DVD de son dernier spectacle.
18:17 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, éducation, humour, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, livre, littérature, philippe avron | Facebook | | Imprimer
28/04/2014
À cause d'un mouchoir !
Quel ordure ce Iago (Nâzim Boudjenah) ! Méchant, envieux, menteur, sensuel et misogyne, il convoite le poste de Cassio (Jérôme Pouly), désire Desdémone (Elsa Lepoivre) l’adorable femme d’Othello (Bakary Sangaré), le généralissime que le Doge de Venise (Christian Gonon) envoie à Chypre pour combattre les Turcs. Il humilie sa propre femme, Emilia (Céline Samie), et l’oblige, sous de fallacieux prétexte, à dérober le mouchoir de Desdémone.
Quand Brabantio (Alain Lenglet) avait appris que sa fille adorée, la blonde Desdémone s’était enfuie de la demeure paternelle pour épouser Othello, il avait pensé qu’elle avait été ensorcelée. Car enfin, comment expliquer qu’elle l’ait trompé de façon si abominable » et que « bravant la nature », elle ait choisi un noir, repoussant les jeunes patriciens de Venise, dont Roderigo (Laurent Natrella) qui crie partout son désespoir ? Mais devant le Doge (Christian Gonon), Desdémone explique le cheminement de son amour, sa profondeur, sa sincérité. Le doge a besoin d’Othello qu’il nomme Généralissime, il l'envoie défendre Chypre contre les Turcs et le père donne sa fille, mais prévient son gendre : « Elle a trahi son père, elle pourra te trahir. »
Iago va se charger d’exaucer la prédiction du père. Le mouchoir volé devient preuve du péché. Lequel ? Elle ne sait pas mais Iago l'invente. Il échafaude une sombre machination où Desdémone serait répudiée, Cassio occis et lui, Iago promu à la place de Cassio, voire d’Othello. Mais tout ne se passe pas comme il le souhaite. S’il réussit à rendre Cassio suspect, si, par ses mensonges empoisonnés, il attise la jalousie d’Othello jusqu’au meurtre, Cassio ne se laisse pas assassiner. Et le méchant sera puni. Mais hélas ! Trop tard pour « la divine Desdémone » ! Trop tard pour Emilia. Reste la pauvre Bianca (Pauline Méreuze) l’amoureuse de Cassio, auquel Lodovico (Christian Gonon) concède tous les pouvoirs. Et tout ça à cause d'un mouchoir !
La tragédie de Shakespeare donne à Bakary Sangaré un rôle où il peut être à la fois puissant et faible. Ô comme avec facilité ce brillant stratège, ce chef à la carrure d’athlète, si tendre avec sa femme, se laisse manipuler par le petit Iago ! Nâzim Boudjenah le rend cauteleux, odieux, cynique. Il suinte la haine de l’étranger, le mépris de l’autre, avec un humour grinçant qui fait gronder la salle. Léonie Simaga, magnifiquement shakespearienne, met en scène ce couple antithétique en le replaçant au centre de la pièce.
Le décor de Massimo Troncanetti est impressionnant : monumental dans le premier acte où il joue avec la perspective, il s’ouvre ensuite sur le cœur d’une forteresse où les escaliers à la Piranèse cernent l’espace. Les lumières d’Elsa Revol accentuent l’atmosphère nocturne et funeste qui encercle les protagonistes.
Le spectateur suit avec angoisse cette marche impétueuse d’un destin où les hommes se prennent pour des dieux et en meurent.
Photo © Brigitte Enguérand
Othello de William Shakespeare, texte français de Norman Chaurette
Théâtre du Vieux-Colombier
Jusqu’au 1er juin
01 44 39 87 00/01
10:30 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre du vieux-colombier, shakespeare | Facebook | | Imprimer
27/04/2014
Le retour des deux génies
Pourquoi Hugo et Tolstoï sont-ils revenus ?
Là n’est pas la question. Nous n’en saurons rien. Peut-être ne nous ont-ils jamais quittés puisqu’ils influencent toujours les arts, que le cinéma les pille, et que les humains continuent de les lire.
Dans le cadre du Festival Hugo et égaux, Hugo et Tolstoï sont de retour, la dernière pièce de Danièle Gasiglia, imagine ces deux génies face à face dans notre XXIe siècle. « Le décor est laissé à l’imagination » du metteur en scène et des spectateurs. Deux chaises, une table feront l’affaire.
Ils se rencontrent pour la première fois. Hugo (Arnaud Laster) accueille l’impétrant dans ce lieu de nulle part, sous la direction discrète mais omniprésente de « celle qui nous a créés » (Danièle Gasiglia). Tolstoï (Pierre-François Lamiraud) s’en étrangle : « Vous voulez dire que Dieu est une femme ? » Hugo le rassure : « Dieu n’est ni homme, ni femme ». L’auteure intervient : « « Je ne suis pas Dieu (…) vous êtes un de mes personnages ». Et la misogynie de Tolstoï en sera ébranlée.
Mais, à en juger parce ce qu’ils vont voir, il faut continuer le combat. Comme à leur époque, la pauvreté, la corruption, la lâcheté, l’inégalité, la servitude, la guerre, l’ignorance, la violence, l’injustice, détruisent l’humanité.
A travers trois personnages de femmes (Fabienne Vette), ils vont apprendre à ne pas désespérer d’aujourd’hui, ni de demain. Une femme de chambre qui ne connaît que « Demain dès l’aube », la comédie musicale Notre-Dame-de-Paris, et Sophie Marceau dans le film Anna Karénine, les initie aux nouvelles technologies et donne à Hugo l’envie de découvrir le téléphone portable, l’ordinateur et l’avion. Une jeune étudiante qui les a lus commentent leurs oeuvres, et sermonnent les deux écrivains désabusés. Enfin, enfin une professeur déprimée va réveiller chez Tolstoï la fibre pédagogique, et le désir charnel qu’il avait tant combattu. Hugo n’y voit rien de répréhensible et chante la « fusion de deux êtres. »
Alors, les deux « égaux » s’accordent pour « sauver la Terre », et partent avec leur auteure rencontrer Homère et Voltaire.
Des musiques bien choisies ponctuent les séquences, les idées de Hugo et de Tolstoï s’échangent, se complètent, redonnent un sens à la vie. Hugo et Tolstoï, éternellement jeunes, repartent comme ils étaient venus, et les spectateurs plus riches d’espérance qu’ils n’étaient arrivés.
Hugo et Tolstoï sont de retour, pièce inédite de Danièle Gasiglia, création en lecture-spectacle par Fabienne Vette, Pierre-François Lamiraud, Arnaud Laster et l’auteure.
Théâtre du Nord-Ouest, le 23 janvier
http://www.festival-victorhugo-egaux.fr
Samedi 14 juin, 15h 30
Paris 16e, Maison de Balzac, 47 rue Raynouard
Hugo et Tolstoï sont de retour, pièce inédite de Danièle Gasiglia, création en lecture-spectacle par Fabienne Vette, Pierre-François Lamiraud, Arnaud Laster et l’auteure.
Entrée libre sur réservation au 01 55 74 41 80.
Dimanche 22 juin, 14h à 18h
Bougival (Seine-et-Oise), Musée européen Ivan Tourgueniev, 16 rue Yvan Tourgueneff. Accessible de La Défense par le bus RATP n°258 direction Saint-Germain-en-Laye (arrêt La Chaussée-Musée Tourgueniev)
Fête des livres Hugo et Égaux : « Tourgueniev reçoit Hugo et Tolstoï ». Rencontre avec les auteurs d’ouvrages sur les trois auteurs, table ronde (à 15h) et débats avec les visiteurs.
Mercredi 25 juin, 18h
Paris 18e, Fond’Action Boris Vian, 6 bis Cité Véron
Hugo et Tolstoï sont de retour, pièce inédite de Danièle Gasiglia, création en lecture-spectacle par Fabienne Vette, Pierre-François Lamiraud, Arnaud Laster et l’auteure.
Libre participation aux frais.
17:28 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : festival hugo et égaux, théâtre, littérature | Facebook | | Imprimer