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09/12/2006

Omar Porras et le siècle d’or

Ce n’est pas la première fois qu’Omar Porras, le grand metteur en scène colombien s’intéresse au théâtre du Siècle d’or espagnol. Nous avions vu son El  Don Juan, inspiré à la fois de Tirso de Molina et de Molière, il crée aujourd’hui Pedro et le commandeur de Lope de Vega qui entre au répertoire de la Comédie-Française, et la troupe des comédiens français a accepté de se cacher sous le masque,  « écorce du personnage », élément essentiel de toute mise en scène d’Omar Porras.

 

Casilda (Elsa Lepoivre) épouse Pedro (Laurent Natrella). Le commandeur d’Ocaña (Laurent Stocker), tombe amoureux de Casilda et tente de la séduire par des cadeaux. Elle résiste, et, pour éloigner le mari, il l’envoie à la guerre, comme David avait fait avec Urie. Mais Casilda n’est pas Bethsabée. Les époux s’aiment et se le disent. Le plaisant alphabet du mariage, épelé réciproquement par les deux conjoints, garantit leur respect mutuel, leur estime partagée, plus que tous les serments. Si le commandeur se rêve en taureau, Casilda est une brebis du pauvre qui ne se laissera pas dévorer et Pedro  est un berger armé pour se défendre. Le vilain tue le mauvais seigneur. Mais le roi justicier l’acquitte et confirme son anoblissement.

 

Le thème de l’honneur, cher au théâtre espagnol est soutenu dans Pedro et le commandeur par celui la justice du Roi, et, comme dans Fuente Ovejuna, dans La meilleure alcade c’est le roi, Lope de Vega montre que la vraie noblesse est celle de la virtu antique. Il présente un « grand seigneur méchant homme », à l’âme vile, face à des paysans dignes et vertueux. Seul le Roi sait faire la différence et récompenser le courage. L’aristocratie  ainsi magnifiée, n’est-elle pas plus belle qu’une démocratie ?

 

Le côté héroïque ne passionne pas Omar Porras, il est à l’aise avec le grotesque de la comédie de mœurs, il l’accentue. Les masques (signés Freddy Porras) amplifient la servilité de Luján (Christian Blanc) et de Leonardo (Nicolas Lormeau). Les costumes des moissonneurs gonflent comme des lampions, les mules dansent un zapateado endiablé, les paysans chantent des chœurs rythmés, tout le petit peuple de Goya s’anime sur le plateau accompagné par la musique de Christian Boissel et Omar Porras. C’est superbe, coloré, avec des effets de lumières et d’ombre qui jouent sur les sensibilités. De la belle ouvrage, une mise en scène parfaite, la Comédie-Française a réussi une brillante entrée au répertoire.

 

 

Pedro et le commandeur de Lope de Vega

Comédie-Française

En alternance

0825 10 16 80

publié à  l'Avant-Sène Théâtre

18:20 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer

08/12/2006

Ophélie et le poète

 

 

Charlotte (Françoise Girard) est lycéenne, mais c’est elle qui donne des leçons de géométrie au Poète (Michel Robin) et qui enseigne aussi patience et indulgence à sa chatte, Ophélie (Isabelle Gardien). La raisonnable petite fille évolue entre les pièces d’un jeu de construction coloré, comme sa robe à cerceaux (décor et costumes de Robin Chemin). Elle règne sur la chatte indolente et sagace, et le doux vieillard. Loin de tout réalisme, avec la fraîcheur d’une âme enfantine, Jean-Pierre Jourdain a construit un univers poétique fait de cubes et de colonnes, de lumières et d’ombre. L’écran lumineux, en hauteur, offre ses plages teintées et sert de tableau pour les constructions triangulaires. 

 

La musique de Marc Marder accompagne avec bonheur onze chansons pour les quatorze animaux dont parlent les trois protagonistes. Dans ces nouvelles « histoires naturelles », les pigeons sont dégoûtants, le boa choisit des mots en « oa », et les chats sont les « meilleurs animaux », mais Ophélie est bien moins objective que le poète…

On passe une heure enchantée à (re)découvrir Jacques Roubaud, à s’amuser des jolies sonorités de la langue, à admirer la grâce féline d’Isabelle Gardien, la tendresse de Michel Robin, et l’autorité de Françoise Girard.

L’accord parfait de ces trois-là, l’intelligence respectueuse du metteur en scène, se conjuguent pour une rarissime poésie.

 

 

 

 

Ophélie et autres animaux de Jacques Roubaud

Studio de la Comédie-Française

01 44 58 98 58

Du 30 novembre au 14 janvier

16:30 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre-poésie |  Facebook | |  Imprimer

30/11/2006

Goldoni revient de guerre

La Compagnie de Quat’sous adore l’Italie. Pour sa naissance elle avait créé Le Campiello et après L’Oiseau vert de Gozzi (2003) Henri Dalem, le metteur en scène, avait adapté Calvino, puis, cette année, après un spectacle inspiré des Mémoires de Goldoni pour la semaine italienne du xiiie arrondissement, il présente une pièce de Goldoni inconnue en France, La Guerre. Et nous lui sommes reconnaissants de nous avoir fait découvrir ce texte, traduit par Marie-France Sidet.

Dona Florida (Clémentine Pons) sortait du couvent pour retrouver son père, Don Egidio (Laurent Labruyère) gouverneur de quelque place forte. Elle a été arrêtée par la guerre et l’armée qui assiégeait son père. Prisonnière du camp ennemi, elle tombe amoureuse de Don Faustino (Raphaël Grillo), un jeune chevalier qui  s’est « disposé à tous les dangers », sauf celui d’être épris de la fille unique de l’adversaire. Les voilà tous deux en situation cornélienne. Entre l’Honneur et l’Amour, Florida serait-elle une nouvelle Chimène,  puisque Faustino doit donner l’assaut contre la ville que défend Egidio, une nouvelle Camille puisqu’elle se fiance à l’adversaire de sa patrie ? Mais Faustino n’est pas Curiace, Don Egidio n’est pas Don Diègue et Goldoni n’est pas espagnol. Nous resterons dans la comédie, et le mariage cum manu sera béni par le pater familias.

Cependant, loin de « la guerre en dentelles », ou des pièces héroïques, dans La guerre, Goldoni préfigure Brecht. Il peint en effet dans un contraste saisissant « ceux qui voient leurs terres dévastées », leurs récoltes saccagées comme Lisetta (Paméla Ravassard),  des familles décimées, des soldats affamés qui pillent, des jeunes hommes mutilés comme Don Cirillo (Cyril Manetta)  et ceux qui font des bénéfices, comme Le commissaire (Sébastien Libessart), Orsolina (Karina Testa) qui s’enrichissent. Il montre les hommes avides de gloire Don Claudio (Renaud Garnier-Fourniguet), Don Polidoro (Jean-François Kopf), Don Fabio, Don Ferdinando. Tous un peu matamores, ils scandent « bella vita militar » en chœur, crient  « à l’assaut ! » ou « courons au danger ! » dans un asservissement consenti, puisque le général est là « pour penser », et que les subalternes n’ont « qu’à obéir ». Et les femmes ? En face de l’adorable Florida, rôdent la cupide Orsolina sans scrupules, et Aspasia (Paméla Ravassard) élevée cyniquement par un père profiteur de guerres, qui s’accommode des aventures sans lendemain, quoique… L’âge, peut-être, lui conseille de prendre un mari..

La comédie est forte, elle touche à des sujets graves, les personnages ont tous des caractères fort bien dessinés.

D’où vient alors, que les comédiens aient l’air de ne pas croire à ce qu’ils jouent ? La distanciation voulue par le metteur en scène qui nous amuse d’anachronismes bon enfant, n’implique pas la désinvolture. Au contraire ! Le manque de moyens ? Certes, interpréter plus de quinze rôles à neuf comédiens demande de l’astuce, et ils en ont, ne serait-ce que pour imaginer le décor (Céline Diez). Il leur faudrait aussi plus de sincérité.

La Guerre de Carlo Goldoni

 Du 23 novembre 2006 au 13 janvier 2007

Théâtre Mouffetard

01 43 31 11 99

15:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer