03/02/2007
Tranches de fiel
Plus de Catherine Deneuve, mais, toujours en Arlésienne, une vedette, Isabelle Huppert, reine à la scène comme à l’écran, celle dont rêve Cardélio (Zazie Delem) la critique dramatique qui s’écoute penser. Car l’action ne se situe pas dans une famille ordinaire, mais dans celle des rédactions et les journalistes ne dépareraient la famille des Atrides. Gleçouster (Marc Duret) intrigue, tandis que Montépulet (Romain Apelbaum) aux abois cherche des sujets, des idées, des supports, et ne les ayant pas, les barbotent aux autres… Le spectateur assiste à des tranches de vie, vraies tranches de fiel, des scènes courtes, réglées comme des ballets où s’entrecroisent les cyniques, les ambitieux, les cuistres. L’ascension de l’un signe la disgrâce de l’autre.
Sophie Artur passe avec aisance d’un rôle à un autre, il faut la voir en Grande dame du Théâtre français très durassienne, en rédac’ chef plus vraie que nature, et en conseillère du ministre lénifiante. Hervé-Claude Ilin caricature « l’auteur vivant contemporain » avec gourmandise, puis rapplique allégrement en journaliste ou en huissier. Les acteurs sont épatants dans cette satire où chacun essaie de reconnaître ceux qu’il a croisés… Le regard de l’auteur manque de confraternité ? Ne serait-ce pas plutôt la profession qui en manque ? Pierre Notte n’est pas méchant, mais simplement ironique. Il connaît bien le milieu, il a été chroniqueur dans différents organes de presse. À la manière d’une revue de cabaret, il montre, leur vanité, et leur insignifiance aussi. Il manque quelques couplets, mais ça peut sûrement s’arranger…
Journalistes de Pierre Notte
Théâtre Tristan Bernard
Réservations : 01 45 22 08 40
12:45 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
30/01/2007
Retraite forcée
Gildas Bourdet, officier des Arts et des Lettres, restitue ses décorations.
Directeur du Théâtre National du Nord Pas-de-Calais, puis du Théâtre de la Criée à Marseille, il avait ensuite dirigé le Théâtre de l’Ouest Parisien, il vient d’apprendre que la convention qui liait sa compagnie au Ministère ne serait pas renouvelée.
« On » lui conseille de prendre sa retraite. Il a cinquante-neuf ans !
Au moment où on annonce partout qu’il va falloir travailler plus et plus longtemps, comme dirait Feydeau, elle est raide, celle-là !
Feydeau justement, fait-il partie des « auteurs indigents » qu’on l’accuse d’avoir mis à l’affiche ? Comme Ayckboun ? Calaferte ? et Molière ? Entre autres…
Invraisemblable… Injuste surtout, car outre un metteur en scène admirable, un peintre de talent, il est aussi un auteur de génie.
S’il a cessé de plaire dans les ministères, il devrait rebondir ailleurs. Aidons-le.
Compagnie Gildas Bourdet
77, rue de la Colonie
75013 Paris
12:00 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Théâtre | Facebook | | Imprimer
29/01/2007
Fuite en sourdine
Pas très confortable pour un fils (Julien Rochefort), même adulte, de jouer les médiateurs entre sa mère (Catherine Rich) et son père (Pierre Santini). Alice est mystique, ardente, toujours en mouvement. Édouard est réaliste, placide, calme jusqu’à l’indifférence. Il lit un ouvrage consacré à l’hécatombe que fut la retraite de Russie, pendant qu’Alice vitupère contre la société qui consomme à outrance. « Pas de pitié ! » pour les faibles, d’où naît une comparaison. Jimmy est comme son père, pudique, discret. Il n’a pas envie de « se disputer ». Il vient, en bon fils, passer le week-end avec eux.
Mais il va être obligé de prendre parti. Car ce père si réservé a un secret : une liaison. Il a décidé de quitter Alice pour Angela, tout le contraire de cette femme agitée qui vire quelquefois à la folie. Las de faire des efforts « pendant trente-trois ans », Édouard prend la fuite, sans éclats, en sourdine, mais Édouard « revient à la vie ». Il a le courage d’affronter la tempétueuse Alice, celui de régler l’intendance, de résister à la pitié devant l’épave qu’elle devient. Et le fils devient le confident des deux. Mais lui, qui câlinera son désarroi ?
Le décor d’Antoine Ranson ménage deux espaces. Le fond surélevé par un praticable sert d’entrée au cottage, de passage entre deux lieux. La partie avancée représente la pièce à vivre. Des bascules de lumière, un cadre qui pivote et, à cour, le coin de la cheminée deviendra celui du living londonien où vit le fils Au fond une grande découverte, comme une baie vitrée, s’ouvre sur un paysage d’arbres aux feuillages automnaux, puis à une route enneigée, bordée par les arbres dénudés. Jolie façon d’indiquer que les mois passent.
Tout est simple, évident, merveilleusement joué par les trois protagonistes. On partage chaque cri de révolte d’Alice. Chaque argument d’Édouard touche, ainsi que la détresse de Jimmy. La délicatesse de l’auteur ne permet pas d’accuser l’un ou l’autre, et c’est cette « neutralité » bienveillante qui a dû séduire Gérald Sibleyras qui signe l’adaptation. Entre gens intelligents, férus de poésie, il ne peut en être autrement...
La Retraite de Russie de William Nicholson
adaptation française de Gérald Sibleyras
Petit-Montparnasse
01 43 22 77 74
17:50 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre | Facebook | | Imprimer