23/01/2014
Pierre Charras
Il était si discret, si cultivé, si courtois que les journaux télévisés n’ont pas parlé de lui. Pierre Charras né le 19 mars 1945 à Saint-Etienne s’est éteint le 19 janvier 2014, à Bagnolet.
Il faisait des études d’anglais quand son ami stéphanois Alain Scoff, l’entraîna vers le théâtre. Il devint comédien. Ce fut l’aventure de J’ai confiance dans la justice de mon pays, prélude à beaucoup d’autres notamment avec Régis Santon et Jacques Mauclair. Il tourna aussi de nombreux films et téléfilms.
Il devint auteur et publia quinze romans, - dont la plupart au Mercure de France. Il reçut de nombreux prix dont celui des deux Magots en 1994 pour Monsieur Henri, le prix Valéry Larbaud en 2000 pour Comédien ; le prix du roman FNAC en 2003 pour Dix-neuf secondes.
Comédien et écrivain il écrit tout naturellement pour le théâtre : Dimanche prochain*, Prix CIC Paris Théâtre, Rameau le Fou, d’après Diderot, et Figure**, adapté de son Francis Bacon, le Ring de la Douleur.
Angliciste et écrivain, il a bien sûr traduit Michael Frayn, Dave Eggers, Justin Cronin, James Lasdun. Nous aimions beaucoup son talent et sa passion.
« Et tout le reste est silence » comme aurait dit son ami William...
· N°1001 de l’Avant-Scène Théâtre
· ** Avant-Scène Théâtre
16:49 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, pierre charras | Facebook | | Imprimer
03/12/2013
Science et conscience
Fritz Haber (Xavier Lemaire) était un chimiste allemand qui mit sa science au service de l’industrie, si bien qu’il permit de fabriquer des engrais afin de nourrir la planète, et des gaz asphyxiants pour faire mourir l’ennemi.
Pour la première utilisation il reçut le Nobel en 1918, mais comment accepter la seconde. Sa femme, Clara Immerwahr (Isabelle Andréani), chimiste elle-même est révoltée par les premiers essais, à Ypres, en 1915, sur le front de la Somme, d’un gaz mortel baptisé « ypérite ». D’où ce cri désespéré qu’elle lance à celui en qui elle avait toute confiance : « Qui es-tu Fritz Haber ? ». Elle ne reconnaît plus le jeune chimiste, prénomme Jacob, brillant chercheur qu’elle a épousé et qui, pour se faire accepter dans la société allemande, s’est converti au protestantisme, et la confine au foyer alors qu’elle était la première femme à recevoir un doctorat en chimie.
Elle argumente de la morale, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » comme le disait Rabelais. Elle raisonne, il impose, elle supplie, il ordonne, elle pleure, il ricane. En une nuit, seront détruits quinze ans de confiance, de bonheur construit sur des affinités, une ascension sociale partagée. Il est devenu un Prussien intraitable, et il ne voit plus en elle qu’une « mama » juive. Il part vers d’autres expériences. « Un savant appartient au monde en temps de paix et à son pays en temps de guerre. » affirme-t-il. Elle se suicide.
L’auteur, Claude Cohen montre l’affrontement du couple dans cette effroyable soirée. Lui aveuglé de nationalisme hautain, elle, admirable d’humanité. La mise en scène de Xavier Lemaire nous plonge au cœur du désarroi de cette femme. Les lumières de Stéphane Baquet les isolent autour d’une table encore dressée. Il porte fièrement l’uniforme, elle est vêtue d’un gris fané (costumes de Rick Dijkman), en deuil de ses illusions. Dans la petite salle où ils jouent, pas un battement de cils n’échappe au spectateur.
Après l’ypérite, Haber mit au point un puissant insecticide, le zyklon B, et même s’il n’en connut pas les applications que les nazis en firent, la pièce de Claude Cohen pose de vraies questions sur la science.
Photos © Laurencine Lot
Qui es-tu Fritz Haber de Claude Cohen
Théâtre de Poche-Montparnasse
Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 17 h
01 45 44 50 21
17:40 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Histoire, Science, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, poche-montparnasse, isabelle andréani, xavier lemaire, claude cohen | Facebook | | Imprimer
27/11/2013
Une Jeanne miraculeuse
Joseph Delteil avait une vision de Jeanne d’Arc, de François d’Assises et de Jésus assez iconoclaste. Loin de l’hagiographie traditionnelle, il montre des êtres pétris de foi... en l’humanité.
Dans l’adaptation de Jean-Pierre Jourdain, mise en scène par Christian Schiaretti, « la Jeanne » est une créature lumineuse, à la fois narratrice, et actrice, qui, avec les accessoires les plus humbles, et sur le mur brut des coulisses nous rejoue l’épopée de celle qui voulut « bouter les Anglais hors d u royaume de France». Juliette Rizoud est prodigieuse.
Avec les portants, les balais, les chariots, les échelles, elle aligne une « drôle d’armée ». Et ces objets réalistes semblent lui obéir, comme se soumirent les hommes du XVe siècle qui n’avaient « ni discipline, ni religion », et dont elle fit « une armée de saints ». Elle transforme la servante de scène en apparition céleste, un drap rouge figure l’évêque Cauchon, et les élingues s’entassent pour former le bucher.
Elle est solide, ardente, réelle.
Un miracle !
La Jeanne de Delteil, d’après Jeanne d’Arc de Delteil (Prix Femina 1925)
Adaptation de Jean-Pierre Jourdain
Œuvre scénique de Camille Grandville
Du 26 au 29 novembre
Théâtre 71 à Malakoff
Jeudi à 19 h 30
Vendredi 20 h 30
01 55 48 91 00
19:06 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, théâtre 71, delteil, schiaretti | Facebook | | Imprimer