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14/03/2013

Voici l'heure...

 

 

Robinson a fait ouvrir les portes du temple et une neige serrée tombe sur le Père Lachaise. Le metteur en scène l’aurait voulu ainsi, à la fin du spectacle, son dernier.Jêrome Savary

Sauf qu’il ne viendra pas saluer. Et que ces mots de Platon, inscrits au fronton intérieur : 

Voici l’heure de nous en aller

Moi pour mourir, vous pour vivre

Qui de nous a le meilleur partage ? »

il ne les dira pas, lui, Jérôme Savary, qui aimait tant la vie.

Et la fanfare du Magic Circus  - dont l’étendard de velours pourpre brodé d’or n’appelle plus à aucune provocation, -  joue comme introït le Saint James infirmary. Puis, il y aura ses musiques préférées : Duke Ellington, Gregg Martin, John Coltrane, Count Basie. Mais pas de discours !

Nous sommes là, immobiles, et Billie Holiday chante :

The snow is snowing, the wind is blowing

But I can weather the storm !

What do I care how much it may storm?

I've got my love to keep me warm.

Et nous pensons à lui qui nous a donné tant d’émotion.

Et soudain sa voix nous parle, railleur, de la solitude et de la mort. C’était, il me semble, Les Derniers jours de solitude de Robinson Crusoé*. Il disait « le théâtre ce n’est pas la vie », et encore « le problème de la mort ne nous est pas étranger », et les spectateurs riaient.

On l’a souvent pris pour un bouffon, il était un philosophe. Et un roi international de la scène que ce fût au Théâtre ou à l'Opéra.

Sur When the saints go marching in, la fanfare jouait la sortie vers le Paradis sous les applaudissements.

Alors, Michel Dussarat, qui l’accompagne depuis toujours, donna à Nicolle Rochelle** un micro afin qu’elle puisse chanter une dernière fois pour celui qui révéla son talent dans le rôle titre de sa dernière création à l’Opéra-Comique : Looking for Joséphine.  

Et nous n’avions plus envie de le quitter.

Il est donc resté parmi nous, Jérôme Savaryet il suffit de dire « La Périchole », ou « Cyrano de Bergerac »,  « Chantecler », « Arturo Ui », "La Femme du boulanger", ou « Utte Lemperer », « Barbara Schulz », « Mistinguett »,  « Zazou », pour que, de nos mémoires, l’écheveau des souvenirs nous le ramène, éternel saltimbanque, riant des inanités humaines afin de continuer à vivre…

 

 

 

 

Photo : Nina et Manon avec leur père Jérôme, et Michel Dussarat devant l'affiche de La Fille à marins, spectacle donné au Théâtre Rive gauche en 2012. © D.R.

On pourra consulter, pour plus d'images, sur cet hommage à  Jérôme Savary :

http://www.boursorama.com/

http://www.purepeople.com/article/obseques-de-jerome-savary-sous-la-neige-et-les-applaudissements-au-son-du-jazz_

 

·       * Texte publié dans L’Avant-Scène Théâtre N° 496 (épuisé), en 1972.

·       ** qui fut une Joséphine Baker étonnante

 

 

08/03/2013

Les aventures de Josette et de Jacqueline

 

 

Poche-Montparnasse, Ionesco, jeune public La petite Josette (Pauline Vaubaillon) a bien du souci avec ses parents. Ils ne sont pas raisonnables du tout. Le soir, ils sortent au restaurant, au théâtre, au guignol, et le matin quand Josette veut les réveiller, ils dorment si profondément qu’ils ne répondent pas. D’ailleurs la bonne, Jacqueline (Brock ou Jacques Bourgaux), ne parvient pas non plus à les sortir du lit.

Mais quand enfin Papa (Brock) s’éveille, qu’il n’envoie pas Josette voir ailleurs s’il y est, quand enfin, il consent à raconter des histoires, alors, Josette n’est pas déçue.

Dans le cercle enchanté du Petit Poche-Montparnasse, Émilie Chevrillon dessine l’univers de Ionesco avec une porte, une marionnette, et deux sacs de couchage. Les mots changent de sens et pourtant les enfants les reconnaissent. Tous les personnages s’appellent Jacqueline mais aucun des enfants ne se perd dans « les histoires idiotes » que raconte Papa qui emmène Josette en avion au-dessus des toits, au-dessus des nuages, dans l’éblouissement de fantastiques voyages jusqu’à la lune, jusqu’au soleil… 

On en revient à pied, en chantant, « on cavale », parce que l’heure du déjeuner approche et que Maman, la marionnette rose à la robe de fleurs, aux yeux de fleurs, dit de sa voix fleurie : « Allez ! Descendez du lit et habillez-vous ! »

Savez-vous que le théâtre de l’absurde ne rend pas les enfants idiots ? Au contraire ! Ils comprennent plus vite que les adultes et j’en connais qui vont faire la leçon à leurs parents. Mais il faut avouer qu'avec deux comédiens exceptionnels, tout est vraisemblable.

 

 

 

 

Les Contes d’Eugène Ionesco

Mise en scène d’Émilie Chevrillon

Petit Poche-Montparnasse

Du 2 au 16 mars puis du 30 avril au 11 mai, du mardi au samedi à 15 h

et, à partir du 20 mars, mercredi et samedi

01 45 44 50 21

 

À propos de Phèdre, dialogue.

 

 

Phèdre, Racine, Comédie-FrançaiseIls sortaient de la Comédie-Française et devisaient en attendant l'autobus... 

-       -  Vous semblez bien pensif en sortant du théâtre…

-    - C’est que, cher ami, je me pose des questions. Et, j’aurais besoin qu’un racinien tel que vous éclairât ma lanterne.

-        - On ne dit pas une lanterne, on dit une « servante ».

-        Je sais. Mais il s’agit de la mienne lanterne. Mon entendement si vous préférez…

-       Ne me dites pas que Phèdre a pour vous des mystères après toutes celles que nous avons vues ensemble !

-         Des mystères, non… Mais celle de ce soir me pose des interrogations.

-        Vraiment ? Allons, pourtant le décor était fort éclairant, conforme à l’espace racinien, avec à jardin les couloirs du palais, à cour, les espaces clos du Pouvoir, et au lointain, la mer, espace de fuite et de danger.

-        Oui, c’était évident. J’y ai d’ailleurs retrouvé l’implantation de l’Électre de Sophocle mise en scène par  Vitez. Avec ce lit dont la tête s’appuie perpendiculairement sur le fond du décor, cette découverte sur la mer, cette chambre aux grandes fenêtres donnant sur la terrasse et le port, ces persiennes qu’on ouvre et qu’on ferme, et même ce poste de radio, reliant le palais à la cité, comme un « chœur » moderne.

-        Il faut l’interpréter comme un hommage au maître.

-        Bien entendu… Mais tout de même, les costumes !

-   Ne me dites pas que les costumes contemporains vous ont choqué ! Nous avons l’habitude…

-       Certes… Mais si Hippolyte et Théramène portent le trench-coat de Flic ou Voyou, pourquoi Phèdre et Oenone sont-elles en robes longues atemporelles ?

-        Pour bien montrer qu’elles sont étrangères.

-        Ah ! oui, je n’y avais pas pensé. Mais alors pourquoi Aricie est-elle en pantalon ?

-        Mais Aricie n’est pas une étrangère, elle est athénienne, de la famille des Pallantides, son père a perdu le pouvoir, c’est tout…

-        Question de politique ?

-        Surtout querelles de famille, entre Pallas, et son frère, Egée, le père de Thésée…

-        Je comprends mieux. Mais encore… pourquoi sont-ils tous en beige, brun, gris, couleurs ternes ? Pour peindre la passion, il faut du rouge quelque part…

-        Vous, vous pensez encore aux somptueux costumes de Lacroix, dans la mise en scène d’Anne Delbée ?

-        C’était si beau !

-        Vous avez quelquefois des réactions de midinette !

-        Eh bien, oui ! Mais ne me dites-vous pas toujours que le costume fait le personnage ?

-   Naturellement… D’ailleurs rappelez-vous Strehler qui exigeait de ses comédiens qu’ils soient en costumes et maquillés dès les premières répétitions… Mais nous nous égarons… Aviez-vous d’autres questions ?

-        Oui. Mais sur des détails.

-        Il n’y a pas de « détails ». Au théâtre, « tout fait signe ».

-     Justement, je ne saisis pas bien cette présence du micro où les personnages viennent chuchoter.

-    Les confidences, cher ami, on souligne la convention des secrets, des aveux qu’on révèle…

-    Et pourquoi Théramène a-t-il besoin du micro, pour son récit ? À ce moment-là il s’agit d’informer tout le monde de la mort d’Hippolyte ! Et pourquoi reste-t-il immobile après son long récit ?

-        Mais voyons, il est pétrifié d’horreur, sidéré, statufié… C’est normal après la terreur que le monstre lui a inspirée et son chagrin de la mort du jeune homme qu’il a élevé comme un père.

-        C’est donc pour ça  que Thésée aussi est cloué sur sa chaise ?

-        Inévitablement ! Comment ne pas être anéanti ?

-        Et pourquoi Panope se sert-elle à manger avant de délivrer son message à l’acte I ?

-        C’est une servante, elle a de bas instincts, elle voit la table mise, elle a faim, elle mange, et ça la rassure, parce que apporter « une triste nouvelle », n’est pas de tout repos.

-       Je comprends… Mais pourquoi ajoute-t-elle aussi des didascalies : « Là, Oenone dit », etc.

-        Pour distancier le tragique.

-        Et cette pluie qui tombe à la fin ?

-        Il faut laver le sang, effacer les fautes, c’est une métaphore…

-        Je n’y avais pas pensé. Ah ! Cher ami, heureusement que vous êtes là pour m’expliquer !

 

Photo :© Brigitte Enguérand 

 

 

Phèdre  de Racine

Mise en scène de Michael Marmarinos

Comédie-Française

Du 2 mars au 26 juin

0 825 10 1680


 

Cécile Brune : Panope, femme de la suite de Phèdre

Éric Génovèse : Théramène, gouverneur d’Hippolyte

Clotilde de Bayser : Œnone, nourrice et confidente de Phèdre

Elsa Lepoivre : Phèdre, femme de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé

Pierre Niney : Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope, reine des Amazones (en alternance)

Jennifer Decker : Aricie, princesse du sang royal d’Athènes

Samuel Labarthe : Thésée, fils d’Egée, roi d’Athènes

Benjamin Lavernhe : Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope, reine des Amazones (en alternance)