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14/04/2010

Dramaturgie plurielle

 

Qu’est-ce qui peut être à la fois singulier et plurielle, et féminin de surcroît ?

Les penseurs du théâtre répondent : la dramaturgie. Il paraît même qu’on a créé une commission au ministère pour aider les créateurs qui font à la fois du théâtre, de la danse, de la musique, de la vidéo, des arts plastiques, et j’en passe sûrement…

Vous me direz qu’il y a bien longtemps que l’art scénique utilise tous les arts que les peintres mettent leur génie dans le décor, que les musiciens enrichissent le drame, et que les auteurs le savent, qui depuis des siècles, travaillent avec eux, tout en conservant leur singularité.

Mais au ministère il faut toujours entrer dans une catégorie… Si Jacques Baillon est persuadé de la "porosité des arts du spectacles", pour d'autres, la conjugaison de tous les arts participe de l'art même de la scène.

Lundi dernier, au Centre National du Théâtre, on a posé très sérieusement la question de savoir si Shakespeare aurait utilisé la vidéo. Mais que n’a-t-on parlé de Molière ? En voilà un qui n’hésitait ni à monter les machineries les plus modernes pour faire descendre Jupiter sur son théâtre, ni à utiliser les effets spéciaux des artificiers de son époque ! Et je ne parle pas de la musique de Lully qui accompagnait les ballets… Mais quid des auteurs vivants ? De nos contemporains ?

Jean-Marc Adolphe qui animait le débat, remarquait que « dramaturgie », et liturgie », avait la même terminaison, Marion Lévy, Julie Bérès, Camille Boitel et Christophe Huysman, les participants, avaient-ils réfléchi à cette suffixation savante ?

Grecque, bien sûr, d’où nous venait le théâtre pour lequel l’auteur est toujours un « démiurge ». Ou un thaumaturge. Ah ! On l’avait oublié celui-là… Le fauteur de troubles, celui qui laisse éclore son inspiration, la matérialise, la transmet.

Mais comme dit Julie Bérès : « On appartient à une époque ». Et tout matériau qui donne du sens à l’œuvre peut entrer dans l’alchimie du plateau. Christophe Huysman parla du « centre d’origine » d’où l’auteur venait, du « chemin » que chacun parcourait pour aboutir à la création.

On fit semblant de ne pas vouloir s’égarer vers les sordides réalités financières, mais la question fusa tout de même : « comment fait-on pour pouvoir tourner cent vingt dates ? » et Christophe Huysman, posa une autre question : « Quelles libertés allons-nous conserver ? »

Celle-là était fondamentale.

 

24/03/2010

Travailler plus ou ne plus travailler?

 

 

En novembre 1831, à Lyon, les « canuts », ouvriers de la soie, travaillaient quinze à dix-huit heures par jour, et leurs enfants, dix heures seulement. Facile ! Ils avaient leur « bistanclaque » à domicile. Ils ne rechignaient pas à travailler, mais ils voulaient seulement qu’on ne baisse pas leurs salaires. Le roi Louis-Philippe envoya le maréchal Soult et vingt mille hommes de troupe et cent cinquante canons pour réprimer « l'émeute ». Son ministre, Casimir Périer entendait rétablir « l’ordre public »

Le 14 février 1834, une seconde révolte éclata. Monsieur Thiers envoya douze mille soldats contre des émeutiers désarmés. Il n’y eut que trois cents morts : « de mauvais sujets » qui voulaient « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ».

Malgré les répressions, les luttes reprirent en 1848, puis en 1849. De ces luttes naquirent des associations mutualistes de secours, ancêtres de notre sécurité sociale, de nos retraites.

Pourquoi je vous raconte ça ?

Parce que le travail se fait rare et qu’un spectacle musical Ça travaille encore évoque en chansons le long chemin qui mène de la semaine sans repos au chômage obligatoire. Louis Doutreligne, qui vient de signer un magnifique Sublim' interim, a cousu quelques textes pour relier les chansons qui, depuis 1894, à ces premières années du XXIe siècle, parlent de cette denrée devenue rare : le travail. Le Chant des Canuts, signée Bruant évoque les révoltes du XIXe siècle. Il conclut :

" Nous tisserons le linceul du vieux monde

Car on entend déjà la révolte qui gronde "

C'est un chant noble. 

Un spectacle musical avec des chansons déjà faites se doit de mêler les genres. Il y aura des chanson coquines (La Biaiseuse), des chansons légèrement frondeuses (Je ne veux pas travailler) ironiques, qui n'égratignent personne (Merci Patron), des chansons désespérées, (Il ne rentre pas ce soir, Les Mains d'or). Trente titres parcourent un itinéraire qui sinue de l'amour du métier à la tentation de tirer au flanc.

La mise en scène de Jean-Luc Paliès est précise et pétulante. Le jeu qu'il propose se suit agréablement. Au piano, Jean-Christophe Déjean (ou Thierry Pichat), à la contrebasse, Alexandre Perrot, à la batterie, Jean-Baptiste Paliès, accompagnent Claire Faurot, Laura Pélerins, Isabelle Zanotti, Alain Guillo, Miguel-Ange Sarmiento dont certains jouaient dans Sublim'Interim.

Entre les hymnes à la paresse, et la volonté de survivre, sommes-nous encore libres de choisir ?

 

 

 

 

 

Ça travaille encore, spectacle musical de louise Doutreligne et Jean-Luc Paliès

 

Vingtième Théâtre

01 43 66 01 13 

jusqu'au 14 avril

mercredi au samedi, 21 h 30

dimanche, 17 h 30

 

 

 

 

 

 

 

L’image livide de l’abîme

 

 

Dix ans ! Quand Elias (Philipp Weissert) disparaît pour la première fois, il a dix ans ! En plein hiver, le gamin, n’a emporté que ses vêtements, les couvertures de son lit, et « l’oiseau bleu » ! Elias avait pourtant tout pour être heureux, des parents qui l’avaient désiré », une amie, Sarah (Serpentine Teyssier), gardienne des secrets. Et pourtant ! « Il y a dix ans au fond, que vous vivez dans la certitude absolue, votre femme et vous qu’Elias doit disparaître » dit Philippe Leister (Jérôme Imard) à Ana Rabal (Eva Castro), la policière chargée de l’enquête.

Elias ? Il a les yeux trop noirs, quand ses parents ont les yeux « pâles ». Lui et sa femme, désespérés de leur stérilité, sont allés le chercher « là-bas, dans ce pays épouvantable ». Et l’enfant Leister a choisi de retourner à ses origines.

Comment y parvient-il ? Nous ne le saurons pas, mais, quand nous le retrouvons, il est déjà un soldat perdu. Et, le capitaine Broman  (Denis Jousselin) part à la recherche de ce sergent qui, blessé après une embuscade, est allé se réfugier chez une vieille folle (jouée également par Eva Castro), ou ailleurs, des années plus tard, avec des enfants, dans la forêt.

L’univers du soldat Leister est faite d’images d’actualités récurrentes, des visions d’enfants soldats, de guerres fratricides, de pays où l’on ignore la paix : « l’image livide de l’abîme. ».

Eudes Labrusse est un des rares auteurs dramatiques à construire un théâtre épique. Il a le sens du tragique. On retrouve dans Elias Leister a disparu l’écoeurement du Soldat David Sorgues, les luttes du Rêve d’Alvaro, les mythes des filiations obscures et chevaleresques, la figure du héros surgie de l’enfance.

Mais ne cherchez pas de conteur brechtien dans Elias Leister a disparu. Chaque protagoniste est le narrateur de ses aventures et des ses émois. Chacun parle à la fois à soi-même et au spectateur comme le narrateur dans La Modification, de Butor.

Jêrome Imard, qui met en scène organise les déplacements autour d’une longue table. On y vient témoigner comme à la barre d’u tribunal, s’expliquer comme dans une enquête, manipuler des objets qui sont des indices de fuite, de rencontres, les restes d’un passage.

Christian Roux, au piano, souligne les arrivées, les départs, donne le tempo des événements. Tous deux connaissent parfaitement l’univers d’Eudes Labrusse, puisqu’ils l’accompagnent depuis Le Collier de perles du gouverneur Li Qing.

Colette Nucci, la directrice du Théâtre 13  fait aussi partie de ses fidèles. Elle fait confiance au Théâtre du Mantois, depuis 2005. Et moi, depuis 2002… C’est dire, s’il est passionnant !

 

 

Elias Leister a disparu de Eudes Labrusse

01 45 88 62 22

jusqu’au 18 avril

Théâtre 13

Rencontre avec l’équipe le dimanche 28 mars à l’issue de la représentation de 15 h 30

10:00 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre 13, labrusse |  Facebook | |  Imprimer