07/10/2010
La fascination du pire
Les femmes aiment qu’on ait besoin d’elle. Cette nécessité leur donne un but dans l’existence. Anne (Catherine Hiegel) se sent inutile. Les deux enfants qu’elle a élevés sont grands. Pierre, son mari (Jean-Yves Chatelais) est très occupé par sa carrière, Nicolas, son fils (Clément Sibony) vit une histoire d’amour avec Élodie, sa fille Sarah ne vient plus la voir. Quelle femme résisterait à cet abandon ? Quelle mère accepte d’être ainsi rejetée ?
Entre paroles dites et non-dits supposés, elle fantasme, imagine, ratiocine.
L’auteur, Florian Zeller sait parfaitement raconter la dualité des êtres et des situations, l’inanité de l’amour maternel dévorant, « la fascination du pire ». Marcial Di Fonzo Bo a imaginé un espace double, métaphore la dualité de la Mère. Le décor clair, d’Yves Bernard, cache une chambre secrète, où, derrière un rideau de tulle, les protagonistes rejouent une réalité distordue, repeinte aux couleurs d’une imagination malade.
Catherine Hiégel est cette femme qui souffre, et ses cris de douleur et d’amour, cette voix qui se brise, ce corps qui ne se soutient plus, c’est celui de la Mère que quittent l’amour, les enfants, la jeunesse. Elle tend à toutes celles qui la regardent, dans la salle obscure, le miroir de leur déchéance. Quelle est celle qui n’a pas eu, dans cette descente solitaire, la tentation de noyer son chagrin dans l’éternel sommeil ?
Enfant cruel ? Mère victime ? Personne n’est coupable. Nous sommes tous condamnés à vivre, et les mères à vieillir « tristes et seules », à se débattre entre peurs et regrets, comme Anne.
Les comédiens sont admirables, la mise en scène éclaire un texte d’une grande puissance. On aimerait voir plus souvent des œuvres aussi profondes…
La Mère de Florian Zeller
Petit Théâtre de Paris
01 48 74 25 37
21h
22:23 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, zeller, théâtre de paris | Facebook | | Imprimer
02/10/2010
Du délit au délire
Ce n’est pas L’Hôtel du Minet galant ni celui du Libre-échange, mais, il y a du Feydeau dans celui que nous propose Derek Benfield dans À deux lits du délit. Les adaptateurs, Stewart Vaughan et Jean-Christophe Barc nous ont concocté une pièce qu’on jurerait française !
L’établissement est discret, et se cache dans les Yvelines pour abriter des couples illégitimes. Pas aussi cynique que Pinglet, le tenancier, un certain Nollet (Arthur Jugnot), qui est en réalité un remplaçant, empoche sans scrupule toutes les gratifications supplémentaires. Et avec les deux Messieurs Dubois, qui occupent des chambres jumelles, en haut de deux escaliers différents, il va se faire un joli pactole ! Mais son salaire, pour douteux qu’il soit, lui donnera bien de la peine. L’établissement n’est pas de tout repos. Il faut mouiller la chemise pour éviter que les épouses légitimes ne croisent leurs maris respectifs, il faut transpirer pour servir des mensonges plausibles afin d’échafauder des alibis ! Le décor de Charlie Mangel est un modèle de simplicité roublarde. Et Arthur Jugnot joue admirablement le rusé compère.
Les deux Dubois ? L’un est grand (Cyril Garnier), l’autre est petit (Guillaume Sentou), mais tous deux, rompus au duo comique mènent le délit au délire. Les deux femmes ? L’une est piquante (Mathilde Penin), l’autre pulpeuse (Juliette Meyniac), et, sous la baguette de Jean-Luc Moreau, tout ce joli monde, s’excite, s’agite, de la chambre à la réception, dans les étages et dans les lits, s’habille et se déshabille (costumes de Juliette Chanaud), mais jamais, jamais ne consomme l’adultère…
Course sans frein, cascade de gags, échange de pantalons (comme dans Le Fil à la patte), équilibres et acrobaties, rétablissements in extremis, les comédiens sont des virtuoses. Pas une minute de repos pour eux. Pour le spectateur, pas une minute sans rire !
À deux lits du délit de Derek Benfield
Théâtre de la Michodière
01 47 42 95 22
15:46 Écrit par Dadumas dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, michodière, arthur jugnot | Facebook | | Imprimer
01/10/2010
Jeunesse
C’est l’année Musset. Avec ses élèves du cours Florent, Jean-Pierre Garnier a réalisé un magnifique travail choral en mettant en scène La Coupe et les Lèvres poème agrémenté de références à la Confession d’un enfant du siècle.
Onze jeunes comédiens : Valentin Boraud, Camille Cobbi, Matthieu Dessertine, Sylvain Dieuaide, Pauline Dubreuil, Thomas Durand, Marianne Fabbro, Lazare Herson-Macarel, Marie Nicolle, Antoine Philippot, Jean-Charles Schwartzmann. Issus du cours Florent, de l’Erac, du TNS, des Conservatoires municipaux, ces jeunes gens très doués, figurent les chasseurs, les soldats, les paysans, les chevaliers, les moines, créant une polyphonie très antique pour un chœur romantique. Quatre éléments féminins incarnent la fiancée, la courtisane, la sœur, et peut-être la mère. Face à ces types sociaux, un rebelle : Frank, qui « brûle la maison de son père », et cherche sa voie, entre anarchisme, et discipline.
« L’artiste est un soldat », dit Musset, mais son Frank serait plutôt un « soldat de fortune » ingouvernable qu'un militaire responsable. « Homme de bronze », refusant son « patrimoine », il est « sentimental la nuit et persifleur le jour ».
Le travail du mouvement conduit par Maxime Franzetti, donne au groupe une cohésion merveilleusement orchestrée. Les silhouettes juvéniles séduisent. Androgynes, toutes vêtues de sombre au début, elles prennent des poses, se dénudent, se sexualisent. Les filles en robes légères colorées dansent leurs désirs. Jean-Charles Schwartzmann, les accompagne de ses compositions musicales à la guitare, au clairon, à l’accordéon, au piano. C’est prodigieux de beauté.
Mais pourquoi faut-il que le rôle de Frank, passe de bouche en bouche, de corps en corps ? C’est admirable comme travail de groupe. Mais c’est aller contre l’essence même du héros romantique : un individu solitaire face à une société qu’il rejette. Pour qu’on saisisse mieux le travail de la troupe, ne serait-il pas plus logique que le personnage du « coureur d’aventures », « Prométhée » voué à l’échec soit incarné par un seul comédien face à tous les autres ? Par eux, le malheur advient à cet « étranger vêtu de noir », qui croyait boire à la coupe du bonheur.
Cependant, ne boudons pas le plaisir de découvrir des comédiens prometteurs ! Et celui de retrouver avec eux ce Musset passionné qui joue les blasés, sensible qui joue les cyniques : toute la jeunesse, quoi !
La Coupe et les Lèvres d’Alfred de Musset
Théâtre de la Tempête
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22:46 Écrit par Dadumas dans Littérature, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musset, tempête | Facebook | | Imprimer