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12/02/2010

Fellag, le retour...

 

 Vous souvenez-vous de Tous les Algériens sont des mécaniciens, un spectacle de Fellag interprété par Fellag et Marianne Épin ?

Nous l'avions vu au Théâtre du Rond Point du 23 janvier au 28 février 2009.   (note du 26 janvier, titre : Résister)
Le spectacle a réuni à ce jour 140 000 spectateurs et a été présenté dans plus d’une centaine de villes de France depuis sa création au Festival des Nuits de Fourvière en juin 2008.
 
Il sera à l’affiche des Bouffes Parisiens jusqu’à la fin du printemps 2010.
 
Du mardi au samedi à 21h00 et dimanche à 15h00
.
Location : 01 42 96 92 42
www.bouffesparisiens.com

17:20 Écrit par Dadumas dans humour, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, humour, fellag |  Facebook | |  Imprimer

10/02/2010

Acquitté !

 

 

Hier soir, j’étais juré. Juré dans un procès d’Assises.

- Non; on ne dit pas jurée. L’Académie française, toujours un brin phallocrate n’admet pas le féminin. Il est vrai que les juridictions furent créées par ce macho de Bonaparte.

Passons.

Donc nous étions jurés, avec quelque mille spectateurs du Théâtre de Paris. Et Robert Hossein nous refaisait le procès Seznec, réécrit par Olga Vincent et Éric Rognard.

Rien que le procès, pas l’enquête, qui de toute façon fut bâclée, conduite à charge contre un homme qui clamait son innocence. On accusait Guillaume Seznec d’avoir assassiné le conseiller général, son ami, Quéméneur qui avait disparu le 25 mai 1923…

Sur la scène, _S3G3480.jpg

Robert Hossein a reconstitué le prétoire (décor de Christian Vallat). À jardin, le président du tribunal (Pierre Doulens), l’avocat général (Éric Desmarestz), au centre, le greffier (Philippe Rigot) et devant lui, sur une table les deux pièces à conviction : la valise de Quéméneur, retrouvée au Havre, et une machine à écrire retrouvée chez Seznec (Philippe Caroit). Il nie qu’elle soit à lui. Sa bonne (Danik Patisson) confirme. Sa femme (Olga Korotyayeva) aussi. Il nie être allé au Havre, on ne croit que les témoins qui le reconnaissent. Pas les autres. À cour, Seznec entre deux gendarmes, et son avocat tentent d’apporter leur vérité à des débats partiaux.

La famille Quéméneur accuse : la sœur, Jeanne Quéméneur (Martine Pascal) tragiquement empaquetée dans des voiles de grand deuil (costumes de Martine Mulotte), et le beau-frère de la victime (Hervé Masquelier), patelin, et insidieux notaire.

Pas de cadavre, pas d’arme du crime, pas de preuves, pas d’aveux, mais un mobile fabriqué par la famille Quéméneur qui avait intérêt à ce qu’on déclare Quéméneur mort pour toucher l’héritage.

On n’entendit pas les témoins à décharge. On suivit les conclusions erronées de la police. Il est possible aussi que celle-ci ait fabriqué des pièces à conviction. Le commissaire (Joël Ravon) et l’inspecteur (Frédéric Anscombre) ont des gueules de faux témoin. On retrouvera cet inspecteur, sous l'Occupation : Bony, dirigea, avec le truand Henri Laffont la sinistre bande de la rue Lauriston, qu'on appelait la « Gestapo française ». Parmi les tortionnaires de juifs et de résistants, figurait, dit-on, « Charly l'Américain », le vendeur des voitures que Quemeneur et Seznec destinaient à l’U. R. S. S.

Un panneau s’ouvre au centre de la scène, au-dessus de la tribune où un journaliste (Jean-Paul Solal) conduit et commente le procès, comme un vrai conteur brechtien - peut-être Albert Londres qui dénonça le bagne et contribua à sa fermeture. Sur l’écran, le grand avocat Me Lombard, rappelle que «  le doute doit bénéficier à l’accusé. »

Qu’advint-il en 1924 ? Guillaume Seznec fut condamné au bagne, à Cayenne, à perpétuité. Il bénéficia d’une remise de peine quand le bagne fut fermé et rentra chez les siens en 1947. Sans doute n’était-il pas tout blanc, lui et Quéméneur traficotaient. Mais rien n’établit sa culpabilité. Quéméneur ne reparut jamais ? Tant de personnes, chaque année, choisissent de disparaître !

Quatorze demandes de révision du procès examinées par la justice ont été rejetées. La dernière en 2008. On appelle ça « l’autorité de la chose jugée ». Son petit-fils aujourd’hui se bat encore pour réhabiliter la mémoire de son grand-père.

Robert Hossein nous distribua des jetons blancs (innocent) et des jetons noirs (coupable) pour rejuger Seznec. Nous, hier soir, nous l’avons acquitté.

 

 

 Photo : Eric Robert

 

Seznec de Olga Vincent et Éric Rognard

Théâtre de Paris

01 48 74 25 37

Quelques livres sur l'affaire Seznec

L'affaire Quéméneur-Seznec de B. Rouz (éd.Apogée)

L'affaire Seznec de D.Langlois

Nous, les Seznec et Seznec, le bagne de D. Seznec (éd. R. Laffont)

une BD

Digout Jean-Marie L'affaire Seznec éd. de l'Homme en Noir

 

31/01/2010

L’Homme mutilé

À La Courneuve, au cœur de la cité, Pierre Constant a formé une troupe théâtrale en 1974. Il demeure aujourd’hui un collectif de création formé de Marc Allgeyer, Damiène Giraud, Maria Gomez, Jean-François Maenner, Jean-Luc Mathevet, Jean-Pierre Rouvellat. Ils y mènent une action de formation, de sensibilisation, afin « d'allumer les flambeaux de l'esprit », comme disait Hugo.

 Cette année ils ont choisi « d’emprunter le chemin du théâtre par le biais du roman ». L’Homme qui rit  de Victor Hugo, certes moins populaire que Les Misérables poursuit cependant les thématiques hugoliennes du peuple, de la misère, de l’injustice des Grands, de la bâtardise et du monstre.

Gwynplaine a été vendu, à l’âge de deux ans « par ordre de sa très gracieuse majesté le roi Jacques deuxième » aux comprachicos. Ces « acheteurs d’enfants » l’ont défiguré pour en faire un bouffon. Il porte sur le visage une grimace de rire permanent. Il a dix ans lorsque ces criminels l’abandonnent sur la côte de Portland. C’est un soir de janvier 1690, il neige et la tempête fait rage. Les comprachicos font naufrage. Afin de se décharger de leurs péchés : « Jetons à la mer nos crimes. Ils pèsent sur nous. C'est là ce qui enfonce le navire », ils rédigent une confession qu’ils enferment dans une bouteille avant de la jeter à la mer. « Quelque chose surnagea, et s'en alla sur le flot dans l'ombre. C'était la gourde goudronnée que son enveloppe d'osier soutenait. »

Pendant ce temps, sur la côte, le gamin, en pleine déréliction ,va trouver plus misérable que lui : un bébé vivant sur le cadavre de sa mère morte de faim et de froid pas très loin d’un gibet. Les deux enfants, sont recueillis par un saltimbanque philosophe, Ursus, qui vit avec un loup, nommé Homo. Quinze ans plus tard, à Londres, ils donnent une pièce : Chaos vaincu. Grâce aux changements politiques, à la découverte du message de la bouteille, à la convoitise de la duchesse Josiane et aux sombres menées de Barkilphedro, Gwynplaine retrouve son identité de lord Clancharlie.

Mais à son discours révolutionnaire : « Je représente l'humanité telle que ses maîtres l'ont faite. L'homme est un mutilé. Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l'intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles; comme à moi, on lui a mis au coeur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. », l’assemblée éclate de rire car, « quoi que fît Gwynplaine, quoi qu’il voulût, quoi qu’il pensât, dès qu’il levait la tête, la foule, si la foule était là, avait devant les yeux cette apparition, l’éclat de rire était foudroyant. » Gwynplaine quitte les aristocrates pour retourner avec Ursus et Déa. Trop tard, Déa meurt dans ses bras.

L’intrigue efflorescente, abonde en digressions dans un contexte historique embrouillé, mal connu des Français. Plutôt que d’en rester à « la carcasse » du drame, Marion Lécrivain, qui signe aussi la mise en scène « démembre » le texte. À l’inverse du roman où les membra disjecta se ressoudaient dans la « caverne pénale », en présence de Gwynplaine devenant Lord Fermain Clancharlie. L’adaptation de L’Homme qui rit que signe Marion Lécrivain témoigne d’un grand sens de la scène.

Sur un plateau nu, large promontoire, dort une forme indistincte. Pour atteindre ce proscenium, il faut descendre du fond de scène et traverser un fossé. La scénographie, d’emblée, trace l’errance, le dépouillement des êtres. Les lumières de Julien Barbazin y ajoutent des contrastes forts, des zones d’ombre, des reflets rares pour ces personnages qui se débattent dans la nuit de leur misérable existence. Trois comédiens forment une sorte de chœur pour assumer le récit à plusieurs voix. Ils incarnent parfois un personnage. Damiène Giraud est une conteuse, Lady Josiane, un Lord, Jean-François Maenner, un conteur, Lord David (le « fiancé » de Josiane), et Jean-Pierre Rouvellat, conteur, devient Hardquanonne (un des bandits), puis un Lord. Vêtus de costumes contemporains, ils endossent une redingote noire et se coiffent de chapeaux pour devenir lords. Seuls Ursus (Wahid Lamamra), Gwynplaine (Antoine Philippot), Dea (Camille Pélicier) ne changent pas de peau. Un personnage clé manque pour dénouer les fils et faire que les protagonistes se rencontrent, Barkilphedro, « l’âme reptile ». Hugo écrit « cet homme était très méchant. » C’est avec les âmes damnées qu’on fait les bons drames. Supprimer Barkilphrdro, mutile la narration.

Alors, malgré la beauté des images, malgré les extraits parfaitement interprétés, le public demeure souvent dans l’abstraction. Il lui reste surtout des « impressions ».

Sera-ce suffisant pour qu’il ait envie d’ouvrir le roman ?

 

 

 

On peut recommander le film L'Homme qui rit, un chef d’œuvre de Paul Leni, (USA, 1928), et

L’Homme qui rit, de Jean Kerchbron, œuvre pour la télévision en trois épisodes, 1971.

 

 

 

L'homme qui rit d’après le roman de Victor Hugo

adaptation de Marion Lécrivain

Centre culturel el Jean-Houdremont

11, ave du Gl-Leclerc

La Courneuve

jusqu'au 21 février

0148 36 11 44