Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/11/2009

Un loup apprivoisé

 

 

Elles sont délicieuses ces petites ! Et si l’une est plus blonde que l’autre, l’une plus sage, l’autre plus effrontée, Delphine (Florence Viala) et Marinette (Elsa Lepoivre) sont les plus jolies de monde. Le loup en est tout attendri. Il voudrait bien entrer se chauffer chez elles, et elles aimeraient bien jouer avec lui. Car à deux, les jeux sont beaucoup plus limités qu’à trois. «  À trois, c’est bien mieux/ Beaucoup mieux/ Qu’à deux » chantent-elles. Bien sûr, les parents (Sylvia Bergé et Jérôme Pouly) ont interdit qu’elles sortent ou qu’elles ouvrent la porte à quiconque, et surtout pas au loup qui a la réputation de dévorer les petites filles.

Mais « le souvenir du fruit défendu est ce qu’il y a de plus ancien dans la mémoire de chacun de nous, comme dans celle de l’humanité. »*, et Delphine et Marinette ne résistent pas à la tentation.

Il faut avouer qu’elles étouffent dans leur lit clos, dans leur maison barricadée, dans leur univers fermé. Il faut avouer qu’il est bien sympathique ce loup (Michel Vuillermoz) qui raconte des histoires, et ouvre les fenêtres et les portes. Avec lui, on respire, on bouge, on apprend le monde. Elle l’ont vite apprivoisé, et lui, les a conquises.

Le public aussi est conquis. Il exulte. Les décors rustiques d’Éric Ruf ont la beauté du merveilleux. La musique originale de Vincent Leterme est inspirée. Les couplets additionnels de Lucette-Marie Sagnières s’intègrent parfaitement à l’esprit de Marcel Aymé. Et la collaboration magique de Félicien Juttner chatouille l’imaginaire, tandis que les éclairages d’Arnaud Jung créent une atmosphère mystérieuse et captivante. La mise en scène de Véronique Vella, qui se garde bien « d’adapter » restitue tout le charme des Contes du Chat Perché.

Naturellement, les parents avaient raison. Mais en partie seulement. C’est vrai que le loup n’est pas méchant par destination. Le loup peut jouer à la ronde, à cache-cache, au cheval, mais surtout pas au loup ! Car, alors tous ses mauvais instincts se réveillent, et ses antécédents assassins se raniment. « Loup y es-tu ? » devient une provocation…

N’en est-il pas de même pour les humains ?

Heureusement, tout se termine bien. Morale et sentiments sont saufs. Et, la troupe de la Comédie-Française accomplit une éblouissante prouesse artistique…

 

 

 

 

 

 

* Bergson  Henri, Les Deux Sources de la morale et de la religion

 

 

 

Le Loup de Marcel Aymé in Les Contes du Chat Perché, Gallimard.

Studio de la Comédie-Française

Jusqu’au 17 janvier 2010

rencontre avec le public et l'équipe artistique le 17 décembre après la représentation

 

01 44 58 98 58

24/11/2009

À lire (3)

 

 

Boudet Micheline, Passion Théâtre, raconte ses souvenirs… de théâtre, évidemment.

Elle débute à dix ans dans Bolívar de Jules Supervielle. Le petit rat de l’Opéra qu’elle était, faisait le négrillon sur la scène de la Comédie-Française où triomphait Marie Bell.

C’est l’occasion pour Micheline Boudet de nous parler de la grande tragédienne, et, de relations en amitiés, d’un demi-siècle de théâtre français.

Comédiens, auteurs, metteurs en scène, pas de petits rôles pour la comédienne dont la plume esquisse les portraits.

Sur scène et en coulisses, la « passion théâtre » de Micheline Boudet s’amuse gentiment des « petits secrets et grandes manœuvres », de ceux qui partagèrent ses jours à la Comédie-Française et ailleurs.

 

Editions Robert Laffont, prix : 18 €

18:46 Écrit par Dadumas dans Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer

23/11/2009

Les millions des autres

 

Isidore Lechat (Gérard Giroudon) brasse des affaires. Lesquelles ? On ne sait pas vraiment, sauf qu’il possède des actions partout, qu’il est aussi patron de presse et utilise son journal comme « levier ». Plusieurs fois failli, il s’est toujours relevé. Il compte et il pèse ses relations au poids de leurs millions. Il brasse « ces millions à pleines mains ». Les « millions des autres », sont devenus les siens. Il a, dit-on, été, « servi par les événements ». Il est « vaniteux, gaspilleur, inconsidéré, menteur », mais c’est un « honnête homme » affirme sa femme. D’ailleurs, s’il était « une canaille, est-ce qu’il serait l’ami d’un et même plusieurs ministres ? »

Cette question vous fait rire ? Vous pensiez à des affaires récentes ? Mais quel mauvais esprit ! Octave Mirbeau écrivit Vauperdu, la première version de Les affaires sont les affaires en 1900 et la pièce fut reçue à la Comédie-Française en 1903. Serait-ce que ces profiteurs cyniques, existent toujours ? Quelle époque !

Ils n’ont que mépris pour les humbles, et ne fréquentent les grands que dans la mesure où ils peuvent rapporter quelque chose. Ainsi, Isidore Lechat paie volontiers les dettes de son fils Xavier (Clément Hervieu-Léger) à condition que ses fréquentations lui ouvrent les portes d’un ministère. Il consent à effacer les dettes du Marquis de Porcelet (Michel Favory) si l’aristocrate consent à marier son fils ruiné à la fille Lechat richement dotée. Il reçoit en son château Gruggh (Gilles David) et Phinck (Nicolas Lormeau) porteur d’un projet de grands travaux, parce qu’il sait qu’il va les rouler. Là « où il y a des affaires, il n’y a pas d’honneur. »

Il humilie ceux qui le servent, jardinier, intendant. Il demande une obéissance absolue à son secrétaire Lucien Garraud (Adrien Gamba-Gontard) et n’a aucun égard pour sa femme (Claude Mathieu). On a rarement construit personnage plus odieux. Et la révolte de sa fille Germaine (Françoise Gillard) apporte enfin au spectateur un espoir de le voir changer.

Malgré la fin atroce de son fils, et la dislocation de la famille, le manipulateur continue à régenter. Pour qui ? Pour quoi ? L’affairiste est devenu un monstre.

Le décor de Gérard Didier, dans la mise en scène de Marc Paquien, ne suggère guère le « château bâti par Louis XIV », et la nudité des lieux n’évoque pas les nouveaux riches. Un peu de brillant, de superfétatoire auraient aidé le spectateur à comprendre plus vite la situation. Ici, tout repose sur les acteurs. Gérard Giroudon compose un Lechat épatant, méchant et rigolard, une personnalité qui écrase toutes les autres. (Clément Hervieu-Léger) s’est fait un personnage d’adolescent ricaneur, à la fois insolent et timoré. Face au père bulldozer, il plie, mais ne rompt pas. Michel Favory qui joue trois rôles, oppose un calme grave, une noble fierté. Claude Mathieu, femme bafouée, mère meurtrie, joue juste. Françoise Gillard s’impose par la dureté.

La comédie finit en tragédie. Mais le capitalisme ne s’avoue jamais vaincu. Après Le Roman d'un Trader, Donogoo, et maintenant Les Affaires sont les affaires, vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous avait pas informés de ses dangers !

 

 

 

 

 

 

Les affaires sont les affaires d'Octave Mirbeau

 

 

 

Théâtre du Vieux-Colombier

jusqu'au 3 janvier 2010

01 44 39 87 00/01