27/04/2014
Le retour des deux génies
Pourquoi Hugo et Tolstoï sont-ils revenus ?
Là n’est pas la question. Nous n’en saurons rien. Peut-être ne nous ont-ils jamais quittés puisqu’ils influencent toujours les arts, que le cinéma les pille, et que les humains continuent de les lire.
Dans le cadre du Festival Hugo et égaux, Hugo et Tolstoï sont de retour, la dernière pièce de Danièle Gasiglia, imagine ces deux génies face à face dans notre XXIe siècle. « Le décor est laissé à l’imagination » du metteur en scène et des spectateurs. Deux chaises, une table feront l’affaire.
Ils se rencontrent pour la première fois. Hugo (Arnaud Laster) accueille l’impétrant dans ce lieu de nulle part, sous la direction discrète mais omniprésente de « celle qui nous a créés » (Danièle Gasiglia). Tolstoï (Pierre-François Lamiraud) s’en étrangle : « Vous voulez dire que Dieu est une femme ? » Hugo le rassure : « Dieu n’est ni homme, ni femme ». L’auteure intervient : « « Je ne suis pas Dieu (…) vous êtes un de mes personnages ». Et la misogynie de Tolstoï en sera ébranlée.
Mais, à en juger parce ce qu’ils vont voir, il faut continuer le combat. Comme à leur époque, la pauvreté, la corruption, la lâcheté, l’inégalité, la servitude, la guerre, l’ignorance, la violence, l’injustice, détruisent l’humanité.
A travers trois personnages de femmes (Fabienne Vette), ils vont apprendre à ne pas désespérer d’aujourd’hui, ni de demain. Une femme de chambre qui ne connaît que « Demain dès l’aube », la comédie musicale Notre-Dame-de-Paris, et Sophie Marceau dans le film Anna Karénine, les initie aux nouvelles technologies et donne à Hugo l’envie de découvrir le téléphone portable, l’ordinateur et l’avion. Une jeune étudiante qui les a lus commentent leurs oeuvres, et sermonnent les deux écrivains désabusés. Enfin, enfin une professeur déprimée va réveiller chez Tolstoï la fibre pédagogique, et le désir charnel qu’il avait tant combattu. Hugo n’y voit rien de répréhensible et chante la « fusion de deux êtres. »
Alors, les deux « égaux » s’accordent pour « sauver la Terre », et partent avec leur auteure rencontrer Homère et Voltaire.
Des musiques bien choisies ponctuent les séquences, les idées de Hugo et de Tolstoï s’échangent, se complètent, redonnent un sens à la vie. Hugo et Tolstoï, éternellement jeunes, repartent comme ils étaient venus, et les spectateurs plus riches d’espérance qu’ils n’étaient arrivés.
Hugo et Tolstoï sont de retour, pièce inédite de Danièle Gasiglia, création en lecture-spectacle par Fabienne Vette, Pierre-François Lamiraud, Arnaud Laster et l’auteure.
Théâtre du Nord-Ouest, le 23 janvier
http://www.festival-victorhugo-egaux.fr
Samedi 14 juin, 15h 30
Paris 16e, Maison de Balzac, 47 rue Raynouard
Hugo et Tolstoï sont de retour, pièce inédite de Danièle Gasiglia, création en lecture-spectacle par Fabienne Vette, Pierre-François Lamiraud, Arnaud Laster et l’auteure.
Entrée libre sur réservation au 01 55 74 41 80.
Dimanche 22 juin, 14h à 18h
Bougival (Seine-et-Oise), Musée européen Ivan Tourgueniev, 16 rue Yvan Tourgueneff. Accessible de La Défense par le bus RATP n°258 direction Saint-Germain-en-Laye (arrêt La Chaussée-Musée Tourgueniev)
Fête des livres Hugo et Égaux : « Tourgueniev reçoit Hugo et Tolstoï ». Rencontre avec les auteurs d’ouvrages sur les trois auteurs, table ronde (à 15h) et débats avec les visiteurs.
Mercredi 25 juin, 18h
Paris 18e, Fond’Action Boris Vian, 6 bis Cité Véron
Hugo et Tolstoï sont de retour, pièce inédite de Danièle Gasiglia, création en lecture-spectacle par Fabienne Vette, Pierre-François Lamiraud, Arnaud Laster et l’auteure.
Libre participation aux frais.
17:28 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : festival hugo et égaux, théâtre, littérature | Facebook | | Imprimer
19/04/2014
L’Homme à la cravate verte
Alceste (Loïc Corbery), est intransigeant, impatient. Il ne pardonne aucune complaisance, s’insurge contre la lâcheté de ses contemporains, dans lesquels il ne voit que « fourberies », « cœurs corrompus », « infâmes », et même son ami Philinte (Éric Ruf), n’échappe pas à ses critiques. Philinte au contraire, est indulgent et se rit de la hargne d’Alceste. Mieux, il tente de réconcilier les parties quand les emportements de son ami entraînent des brouilles menaçantes. Toujours souriant, il tente de le mettre en face de ses contradictions. Car enfin, ce jeune homme, si prompt à critiquer, si « intraitable » n’est-il pas amoureux de Célimène (Giorgia Scalliet), une jeune veuve « d’humeur coquette et d’esprit médisant » ? D’elle, rien ne rebute Alceste, car « la raison n’est pas ce qui règle l’amour ».
Et ce matin-là, alors que les volets intérieurs de la demeure de Célimène sont encore clos, les fauteuils couverts de housses, le jour à peine levé (lumières de Bertrand Couderc), les deux amis sont déjà là, guettant le lever de leur reine de cœur, Célimène pour Alceste, et sa cousine éliante (Adeline D’Hermy) pour Philinte. Mais seuls les serviteurs (Heidi-Eva Clavier, Lola Felouzis, Pauline Tricot, Gabriel Tur) vaquent en silence dans la maison endormie.
La scénographie d’Éric Ruf dessine un salon au pied de deux escaliers distincts qui montent vers les appartements des dames. Un seul escalier venant d’un rez-de-chaussée invisible, conduit les visiteurs au salon. Alceste va et vient, joue quelques mesures au piano (Musique Pascal Sangla).
Tout irrite Alceste, tandis que Philinte, bon enfant, cherche à l’apaiser. L’arrivée d’Oronte (Serge Bagdassarian) va jeter Alceste dans ses indignations. Et la journée qu’il va vivre le mènera au désespoir.
Basque (Yves Gasc) introduit les petits marquis qui hantent la demeure, Acaste (Louis Arène), Clitandre (Benjamin Laverne), et Alceste va devoir supporter que Célimène papillonne avec eux. Il va subir Arsinoé (Florence Viala) qui calomnie sa belle, éliante qui la défend, les gardes (Matëj Hofmann, Paul Mc Aleer) qu’on lui envoie, son valet Du Bois (Gilles David), qui l’oblige à quitter les lieux. Tous semblent ligués contre lui et il hait « tous les hommes. ».
Clément Hervieu-Léger, qui met en scène, a brillamment saisi ce tourbillon incessant qui emporte Alceste et décuple sa misanthropie. On sera peut-être déconcerté par les costumes contemporains dans lesquels « l’homme aux rubans verts » n’a de vert que l’étroite cravate qu’il arbore et les reflets satinés de la doublure de son imperméable, mais on sera sensible au changement de toilette de Célimène qui quitte son deuil sombre pour parader dans la robe rouge vif qu’on vient de lui livrer (costumes de Caroline De Vivaise).
Et ce qui est tout à fait convaincant, c’est ce duo d’un Loïc Corbery aux fureurs adolescentes avec un Éric Ruf, très grand frère protecteur, rieur, bienveillant.
Enfin, lorsque, tous ses adulateurs l’ont abandonnée, Célimène s’est retranchée, seule, dans sa chambre. Son salon est déserté, Philinte a suivi éliante dans ses appartements. Alors, un des serviteurs égrène sur le piano la romance favorite d’Alceste. Et Célimène rouvre sa porte, un instant, le temps de s’apercevoir de son erreur, comme si elle avait espéré le retour de celui qui avait « le bonheur de savoir (qu’il) était aimé. »
C’est à ces détails-là qu’on reconnaît la grande sensibilité d’un metteur en scène.
Photo © Brigitte Enguérand
Le Misanthrope de Molière
Comédie-Française, salle richelieu
0825 10 16 80
jusqu’au 17 juillet
17:09 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, comédie-française, molière, misanthrope, loïc corbery, eric ruf | Facebook | | Imprimer
17/04/2014
Exposition
Le roman L’homme qui rit, paru en 1869, n’obtint pas le succès immédiat des Misérables. Bien que Zola trouvât l’œuvre « poignante et grandiose », le roman sembla trop « politique », trop « épique », et Barbey d’Aurevilly lui reprocha d’avoir « ni âme ni nature humaine ». Pourtant, l’histoire de Gwynplaine, - l’enfant aristocrate volé, défiguré pour servir de bouffon, recueilli par un homme qui s’appelle Ursus et vit avec un chien-loup qui s’appelle Homo,- a immédiatement inspiré les illustrateurs et continue à fasciner les arts des siècles suivants.
La Maison de Victor Hugo y consacre aujourd’hui une belle exposition : L’âme a-t-elle un visage ? où Gérard Audinet, assisté de Camila Souyri, rassemble, dans une scénographie de Véronique Barnéoud et Jean-Pierre Crusson les éléments graphiques, picturaux, cinématographiques, preuves de la puissance de l’imaginaire hugolien et de son influence sur les créateurs.
L’exposition montre d’abord les dessins de Hugo, lavis ou encre, proches des lieux des Travailleurs de la mer son roman précédent. Puis elle présente les images que proposèrent la presse et les premières éditions, mêlant le grotesque et le tragique. Cette vision-là séduisit aussi la bande dessinée, en feuilleton dans le journal Ce soir, ou en albums plus récemment.
Le mythe du monstre à l’âme tendre plut au cinéma et Julius Herska en 1921 en donna une version pathétique. Paul Léni tourna en 1928, un film inoubliable, avec des reconstitutions de Londres au XVIIIe siècle venues tout droit des tableaux de William Hogarth. L’année suivante, 1929, le théâtre d’art de Moscou adapta le roman pour la scène.
Plus près de nous le Footsbarn, en 2007 donna de sa représentation une vision des forains marginaux, en but aux tracasseries des puissants.
Car, dans ce roman il est aussi question de l’injustice, de la misère du peuple et de l’hypocrisie des puissants qui entretiennent l’arbitraire pour mieux régner. Leur âme est sombre, et leur visage est aimable, alors que les malheureux dont le visage est mutilé, conservent, chez Hugo, une âme pure.
Photos : © Affiche Paris-Musées
© Maison de Victor Hugo/Roger-Viollet
© Jean-Pierre Estournet
L’âme a-t-elle un visage ?
L’Homme qui rit ou les métamorphoses d’un héros
Maison de Victor Hugo
8, place des Vosges
Paris
www.musee-hugo.paris.fr
de 10 h à 18 h
fermé le lundi et les jours fériés
jusqu’au 31 août 2014.
19:10 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, éducation, exposition, Film, Histoire, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exposition, victor hugo, histoire, littérature, poésie, théâtre | Facebook | | Imprimer