Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/10/2012

Redevenir humains

 

  



Imaginez deux informaticiens surdoués, Charline (Juliette Poissonnier) et Arthur (Guillaume Marquet). Ils viennent de gagner le grand concours international des logiciels, et ils s’apprêtent à aller chercher leur récompense à Versailles où le Conservateur (François Raffenaud) les attend avec de gentils sponsors plus ou moins cyniques : Jacques Servié (Jean Charles Rieznikoff), Bernard Pinaud
(Alain Gautré), un artiste Paul Magamé (Tony Mpoudja), et une drag queen, Bugz (Joe Sheridan).théâtre,bauer,adrien
 Et soudain, l’ordinateur quantique s’éteint, l’écran disjoncte, la souris  devient araignée, les deux jeunes savants sont transformés en chimpanzés, et « le bug envahit le monde »…

Ne dites pas que vous n’y aviez jamais pensé, quand vous voyez vos frères humains, l’œil rivé à des écrans, le pouce sur la touche de leur téléphone, l’index sur la touche « entrée » de leur ordinateur ou de leur tablette numérique. 

Jean-Louis Bauer et Philippe Adrien poussent très loin le délire angoissant dans Bug, une nouvelle pièce qui divise la critique et laisse les spectateurs suffoqués. Sur le plateau, treize comédiens, et une vingtaine de rôles. Pas un temps mort. Un rythme à couper le souffle. Des personnages étranges comme ce Bugz, bisexué, assassiné, mangé et ressuscité. N’y voyez aucune allusion à une religion, quelle qu’elle soit, mais une métaphore de notre monde qui dévore ses créatures et leurs créations. 

Un savant sans conscience Gunther (Stéphane Dausse) rate ses clones, Gunther 2 et 3 (Laurent Ménoret) mais affirme « faire progresser la science.» Une Allemande, Inge (Katarzyna Krotki), bourrelée de remords, rend visite à une vieille dame juive, théâtre,bauer,adrienJuliette, (Bernadette Le Saché) qui perd la mémoire, mais garde son bon sens. Michael Jackson (Pierre Lefebvre), plastiné se promène avec Jean Genet (Laurent Menoret), Houellebecq (Alain Gautré) et Jeff Koons (Stéphane Dausse), un jeune noir, Cassius (Pierre Lefebvre) rêve de devenir footballeur. Paul découvre l’horreur du Rwanda, Maria (Manon Kneusé) les perversités des laboratoires.

La sarabande infernale traverser le temps et les espaces, toujours à l’abri de son « écran », toile  transparente tendue entre le public et la scène, dont les effets de verre dépoli, de nuées, de brumes, de « neige », de courts-circuits, fascinent les spectateurs. Sur le décor de Jean Haas, les vidéos d’Olivier Roset assisté de Michaël Bennoun, projettent des images et des textes, et les lumières de Pascal Sautelet assisté de Maëlle Payonne, la musique et le son de Stéphanie Gibert construisent un univers fantastique, que renforcent
 les maquillages de  Sophie Niesseron, les accessoires d’Erwan Creff, les costumes de Cidalia Da Costa.

Jean-Louis Bauer aime ces parcours  entrecroisés, ces subtiles dérives, ces rencontres improbables qui illustrent la folie du monde, la transgression, la régression. Philippe Adrien exploite toutes les techniques pour donner au texte qu’il cosigne une diabolique trajectoire. Une gageure, une réussite. Les portes des armoires s'ouvrent sur des jardins, des couloirs incertains,  et conduisent sur de hauts plateaux, au bord de l'abime. théâtre,bauer,adrienJuliette Poissonnier et Guillaume Marquet sont prodigieux dans leur quête désespérée.

« Comment on fait pour redevenir humain ? », demandent les deux protagonistes. C’est la question essentielle d’une pièce plutôt pessimiste sur l’avenir de l’humanité.

Mais peut-être, vous, y verrez-vous un autre message.

 


Photos : © Antonia Bozzi

 

Bug ! de Jean-Louis Bauer et Philippe Adrien


Théâtre de la Tempête

jusqu’au 27 octobre

01 43 28 36 36

Du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 16 h

23:14 Écrit par Dadumas dans Histoire, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : théâtre, bauer, adrien |  Facebook | |  Imprimer

26/09/2012

La petite Antigone

 

 

 

Nous avons toujours eu un faible pour Antigone la rebelle, qui se sacrifie pour son père, Œdipe, puis pour son frère Polynice. Sa figure héroïque est un exemple de  résistance face à l’arbitraire du pouvoir. Jean Anouilh, en désacralisant le mythe nous la rendit familière. C’est son Antigone  que Marc Paquien monte au Vieux-Colombier. Rappelons qu'elle fut écrite en 1942, créée en 1944, et qu'elle est la métaphore de cette époque.

Dans sa mise en scène « la petite Antigone », (Françoise Gillard) est une frêle silhouette androgyne. Cette adolescente farouche affronte le massif Créon (Bruno Raffaelli) qui la domine et l’écrase. Il pourrait la briser, il veut la soumettre. Jamais, la puissance vaine de Créon n’avait été incarnée avec autant de force.

Le décor de Gérard Didier montre la façade d’une demeure. Trois portes ouvrent sur un lointain sombre. Ville de Thèbes ? Intérieur du palais ? La scène se passe sur une esplanade, ou une cour qui rétrécit à mesure que le tyran fait le vide autour de lui. La lumière de Dominique Bruguière accentue les effets et contrastes de clair-obscur.

Claire Risterucci donne aux costumes des allures modernes conformes au souhait de l’auteur. Le Chœur (Clotilde de Bayser), grille une cigarette avant de commencer le prologue. Ismène (Marion Malenfant) parade en robe décolletée, le page (Carine Goron) en uniforme, La Nourrice (Véronique Vella) porte le deuil, Hémon (Nâzim Boudjenah) est bouleversant, le Garde (Stéphane Varupenne) accompli. Les comédiens français sont parfaits.

La soirée est excellente. Anouilh est bien servi. Mais pourquoi cette pièce n’entre-t-elle pas au répertoire ?


P. S. "Je n'ai pas de biographie" disait Anouilh de son vivant. Depuis 2010, il en a une : Anouilh, un auteur inconsolable et gai, signée Anca Visdei, aux éditions des Cygnes.

 

Jusqu’au 24 octobre

Théâtre du Vieux-Colombier

01 44 39 87 00/01

14/09/2012

Au pied de la Butte

 

 

 

Les truands fleurissaient dans les films d’Audiard à la fin des années 50. Les voici maintenant sur scène dans une parodie de Pascal Laurent qui embaume la nostalgie : Julie des Batignolles. Le titre en évoque un autre : Le Costaud des Batignolles dans lequel, le duo Raymond Bussières et Annette Poivre sortait tout droit des fameux Branquignols.théâtre

Les duettistes de Pascal Laurent  en ont gardé l'esprit, cependant, ce sont des caves. Paulo (Philippe Lelièvre) est le chef, mais son acolyte Riton (Kevin Métayer) ne rate pas une bourde. Et celle qu’il commet dans le kidnapping est de taille. Au lieu d’enlever la richissime et laide Julie, il kidnappe, la mignonne Marie (Manon Gilbert), une drôlesse délurée et bavarde. Jupon amidonné sur une jupe de vichy noir et blanc, cheveux en choucroute mal arrimée, notre Bardot des Batignolles  ne se laisse pas impressionner. Ni Greta (Viviane Marcenaro), la régulière de Paulo, ni le gendarme Chapon (Thierry Liagre) qui joue les ripoux, n’en viendront à bout.

théâtreMais comme on ne peut pas toujours se tromper, c’est Riton qui gagnera la fausse Julie et le vrai pactole.

Dans un décor de Stéphanie Jarre, les coups de théâtre et les coups de feu s’enchaînent. Les  comédiens restent sérieux et mesurés. Les spectateurs s’amusent.

Entre la cabane de chasse, et les Batignolles, le chemin est malaisé. Surtout qu’entre les stations Pigalle et Abbesses, nous serions plutôt du côté de Montmartre, au pied de la Butte. Mais aucune importance du moment que les voies de la création restent pénétrables.

 

 

 photos : © Lot

 

Julie des Batignolles  de Pascal Laurent

Théâtre La Bruyère

Du mardi au samedi, à 21 h

 

01 48 74 76 99

09:17 Écrit par Dadumas dans langue, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre |  Facebook | |  Imprimer