18/03/2016
Haut vers le rêve et la beauté
Ils sont huit. Huit jeunes comédiens formés à l’école Claude Mathieu. Quand Lola Eliakim, Lou de Laâge, Lisa Garcia, et Margaux Vallé se sont rencontrées, elles ont voulu travailler et rêver ensemble et, avec Ambre Pietri, Alexis Ballesteros, Raphaël Mostais, Florian Chauvet, ils ont formé une troupe au nom étrange : les « Hamsa’llument ».
Ils organisent eux-mêmes leur plateau avec des vêtements accrochés sur un portant, un cadre garni d’ampoules lumineuses, des chapeaux, un tableau noir, des instruments de musique, des objets du quotidien et d’autres qui font rêver, une boule de dancing, des longs gants comme on n’en voit qu’au cinéma, des chaussures pailletées (très important les paillettes !), et des injonctions adressées aux spectateurs : « Créez ! Imaginez ! Rêvez ! Jouez ! »
Tout commence par un : « si j’étais »…
Et les voilà qui plongent dans les contes où règnent des princes et des princesses, où d’abominables sorcelleries transforment les humains en bêtes, mais où, si les hommes sont polis et gentils, les esprits et les animaux les aident.
Tout s’achève avec la rédemption des méchants et la réussite des gentils. Michel Ocelot est l’auteur des Princes et Princesses dont C’est pour cette nuit est adapté. Il approuve : « Mes contes sont entre bonnes mains. »
Et c’est vrai ! Les contes se succèdent, jamais angoissants, mais toujours passionnément dramatiques. Les enfants spectateurs retiennent leur souffle. Ils apprennent la politesse, la patience, le respect de la parole donnée, la confiance. Comme l’action est toujours conduite par l’amour, mise en scène avec une inventivité pleine de fantaisie, jouée avec talent, les Hamsa’llument captivent et enchantent.
Et, si "l’hamsa", chez les Hindous est "l’oiseau qui vole le plus haut du monde", les Hamsa’llument vous emportent au-dessus des contingences médiocres, des rabougris, des racornis, des rachitiques, haut vers le rêve et la beauté.
On resterait bien avec eux plus longtemps, oui, mais voilà, « c’est tout pour cette nuit ». Mais vous pouvez revenir samedi et dimanche…
C’est tout pour cette nuit d’après l’œuvre Princes et Princesses de Michel Ocelot
Espace Paris-Plaine
Jusqu’au 3 avril
01 40 43 01 82
mardi, samedi, dimanche à 15 h
(relâche le 27 mars)
22:47 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, éducation, langue, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre jeune public, michel ocelot, hamsa'llument | Facebook | | Imprimer
11/01/2016
Alice, la petite fille éternelle
Alice, personnage d’Alice au pays des merveilles, est née il y a plus de cent cinquante ans. Elle demeure pour beaucoup « la petite fille éternelle ». On dit qu’elle fut inspirée à Lewis Carroll, (de son vrai nom Charles Dodgson) par un personnage réel, la charmante Alice Liddell, quatrième enfant d’une fratrie de dix, dont le père était doyen du Collège où Charles Dodgson enseignait les mathématiques.
On dit aussi qu’Alice est devenue « un mythe ». Enfin, c’est Fabrice Melquiot qui l’affirme dans Alice et autres merveilles, une pièce de théâtre dont Emmanuel Demarcy-Mota fait un spectacle enchanteur[1].
La grande scène du Théâtre de la ville se prolonge par un tréteau perpendiculaire au coeur du public. Les premiers spectateurs pourraient toucher cette Alice en anorak jaune citron qui leur parle. Mais il y aussi un lapin qui court en haut de la salle et ces images projetées sur le fond de scène. Ils en sont tous tourneboulés…
Et ce n’est qu’un début !
Une trappe s’ouvre et le drôle de personnage mi-homme, mi lapin (Philippe Demarle) qui en sort, entame le dialogue avec Alice, puis disparaît derrière le rideau rouge, parce qu’il a rendez-vous. Tout le monde sait que les bêtes parlent, mais certains, qui ne savent pas les écouter vous diront : « On ne sait plus quoi inventer ! »
Le Lapin parti, voici qu’arrive un Chaperon rouge qui en a assez de faire « les commissions pour sa mère-grand ».
Ce n’était pas dans l’histoire que vous avez lue ? Mais ici vous êtes au Théâtre, en 2015, et les poètes ont le droit de mélanger les mythes qui leur trottent dans la mémoire ! Il faut briser les contraintes ! Fabrice Melquiot se souvient des contes de son enfance, du grand méchant Loup, et donc du Chaperon rouge, de Pinocchio aussi, et même de la poupée Barbie de sa sœur. L’univers de Lewis Carroll s’élargit, et celui d’Emmanuel Demarcy-Mota les libère tous.
La scénographie inventive de Yves Collet les cristallise avec un syncrétisme parfait.
Et la troupe se plie à toutes ces variations. Car huit des comédiens (qui interprètent 25 rôles), Jauris Casanova, Valérie Dashwood, Philippe Demarle, Sandra Faure, Sarah Karbasnikoff, Olivier Le Borgne, Gérald Maillet, Walter N’Guyen, se retrouvent régulièrement dans les mises en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota et jouent ensemble avec une cohésion rare. Les masques d’Anne Leray les aident à se transformer à toutes les étapes du conte. On retrouve aussi Christophe Lemaire et Yves Colet aux lumières et c’est ainsi que naît l’harmonie autour d’Alice, Suzanne Aubert, délicieuse « petite fille », et comédienne prodigieuse. Et il en faut du talent pour tenir la scène dans la grande salle devant le difficile public des scolaires qui la suit sans broncher ! Elle vole dans les cintres, elle tombe : « Même pas mal ! ». Elle glisse, elle nage et patauge dans le lac limpide creusé sur la scène. Elle chante aussi Alice, elle se transforme, elle entraîne tous les petits cœurs qui ne battent que pour elle, à la recherche du « jardin » de ses rêves.
C’est un miracle ? Non, une mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota. Il a même réussi le pari de faire participer une chorale de Belleville, et de jouer pour les enfants dans la grande salle du théâtre de la Ville !
J’ai eu la chance de voir Alice et autres merveilles. Alors, dès que j’entends parler d’une reprise, je vous mets vite un message sur facebook…
Alice et autres merveilles de Fabrice Melquiot, d’après Lewis Carroll
Théâtre de la Ville du 28 décembre au 9 janvier
Texte publié chez L’Arche.
[1] - Créé au Théâtre de la Ville en avant-première pour le Noël des enfants du Secours Populaire.
18:13 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, éducation, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, emmanuel demarcy-mota, fabrice melquiot, lewis carroll | Facebook | | Imprimer
15/10/2015
Un poisson nommé Claude
Grande Monsieur (Marc Lavoine) semble désabusé. Assise sur le même banc, Petit Fille (Géraldine Martineau) l’air effronté, l’accoste, le provoque, éveille sa méfiance, sa colère et finalement sa compassion. Elle dit que ses parents l’ont abandonnée, qu’elle a faim. Il l’invite avec la ferme intention de la ramener chez ses parents. Mais personne ne répond au téléphone. Elle est volubile, il est taciturne. Elle réclame des sucreries, il lui offre une soupe, puis un lit pour la nuit.
Non ce n’est pas ce que vous pouvez imaginer. Pas un soupçon de pédophilie. Pas de sexe, juste deux êtres que la vie a cabossés. Elle, avec son allure androgyne de gamine mal aimée : « ma mère dit que je lui pourris la vie ». Elle s’invente une vie aquatique parce qu’elle respire mal dans sa famille. Lui, solitaire, préfère les hommes et a avalé tant de couleuvres qu’il n’espère plus rien.
Qu’ont-ils en commun ? Un prénom asexué : Claude. Et la perte brutale de leurs parents.
Pourquoi un poisson « belge » ?
La scène se déroule à Bruxelles, c’est-à-dire, aurait ajouté Jarry « nulle part », ou plutôt, partout où deux humains essaient de panser leurs plaies.
Le « poisson » appartient à une légende japonaise sur le deuil, qui lui, est international. Nos deux Claude vont apprendre à pleurer ensemble, rire ensemble et regarder séparément vers l’avenir.
Cette jolie pièce en forme de conte philosophique est signée Léonore Confino mise en scène par Catherine Schaub. On y trouve une délicate poésie, une sensibilité aiguë.
Marc Lavoine qu’on avait déjà vu au cinéma et surtout dans la chanson fait ici d’excellents débuts au théâtre, sa partenaire, la petite Géraldine Martineau a tout d’une grande comédienne.
Et on leur souhaite beaucoup de spectateurs et de récompenses.
Photo : © Christophe Vootz
Le Poisson belge de Léonore Confino
Théâtre de la Pépinière-Opéra à 21 h
Tel : 01 42 61 44 16
14:57 Écrit par Dadumas dans Blog, éducation, humour, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, poésie, humor, marc lavoine, léonore confino, géraldine martineau | Facebook | | Imprimer