13/04/2014
Le charme de Trenet
Il avait commencé en duo avec Johnny Hess, mais très vite il a chanté seul, ses propres compositions.
Jacques Pessis retrace en chansons la carrière de Charles Trenet (Jacques Haurogné), et bâtit une intrigue dont le décor est un studio de radio, en 1937, où Suzanne, une jeune journaliste (Léa Gabrielle) sensible au charme de Charles, tente d’imposer le Fou chantant à Jean-Roger (Philippe Ogouz), un animateur qui préfère Jean Sablon et Lys Gauty. « Le chaland passe, mais pas le courant. »
Entre deux chansons, ils se chamaillent, se réconcilient pour les « réclames » - on ne ne parle pas encore de « publicité -, et ils supportent de terribles événements. De l’exposition universelle de 1937, on passe vite aux bruits de bottes, et si Charles Trenet devient un roi du music-hall », Hitler devient le « maître de l’Autriche », puis de l’Europe.
« Le monde entier fait boum » et Charles Trenet abandonne son insouciance. À Radio Cité, il ne chante pas seulement ses refrains, dont Douce France, hymne d’espoir pour ceux qui subissent l’occupation, il compose aussi des « réclames ».
Jacques Pessis suit sa carrière, ses voyages, ses succès, ses triomphes. Impossible de tout chanter, impossible de tout dire. Mais Nils Zachariasen a bâti pour Philippe Ogouz - qui met aussi en scène -, une scénographie simple et efficace, les bandes enregistrées des voix qui se sont tues donnent des repères historiques (son : Michel Winogradofff), les lumières de Frédéric de Rougement dles couleurs patriotiques ou sentimentales, Christine Casanova règle la chorégraphie, et Roger Pouly, au piano accompagne en direct les étapes d’une vie mouvementée et créatrice.
Et « longtemps après que le poète a disparu », ses chansons chantent encore dans nos mémoires.
Photo © Mirco Magliocca
Radio Trenet de Jacques Pessis, chansons de Charles Trenet
Théâtre du Petit-Montparnasse
Depuis le 4 avril
du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 15h00
Tel : 01 43 22 77 74
19:11 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Histoire, langue, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : théâtre, musique, poésie, charles trenet, jacques pessis, philippe ogouz | Facebook | |
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04/04/2014
La faute à qui ?
En 1991 Jean-Jacques Prévand s’était taillé un beau succès avec Voltaire Rousseau, la rencontre, en 1765, d’un Voltaire triomphant (Jean-Paul Farré) et d’un Rousseau amer (Jean-Luc Moreau).
La pièce est reprise, avec les mêmes comédiens, au Poche-Montparnasse. Le texte a peu changé, le décor de Charlie Mangel a été simplifié, les lumières de Jacques Rouveyrollis l’enrichissent toujours.
Voltaire vient d’obtenir la réhabilitation de Calas, il s’est installé à Ferney, « chambres en France et potager en Suisse », et depuis sept ans il transforme non seulement sa propriété, mais également le village. Il en est devenu une sorte de patriarche bienfaiteur. Rousseau vient d’être chassé de son refuge en Suisse et, à pied, comme un vagabond, quitte Bienne pour gagner l’Angleterre par Bâle, Strasbourg, Châlons-en-Champagne, Épernay, Paris avant de s’exiler.
Passe-t-il par Ferney ? C’est peu probable. Cependant, tout ce qu'ils disent a bien été réellement pensé et écrit. Et quelle délectation de voir et d’entendre ces deux hommes si différents dans leurs conceptions, mais dont les œuvres ont préparé la réflexion des révolutionnaires de 1789 et les fameuses accusations des réactionnaires : « C’est la faute à Voltaire ! C’est la faute à Rousseau ! »
Voltaire est anticlérical, voire athée. Pour Rousseau, Dieu existe. L’un est porté par « la reconnaissance de ses concitoyens, l’autre est banni, incompris, et se dit persécuté. L’un est habillé de lin écru et de soie, l’autre vêtu d’oripeaux couleur terre. L’un est affable, sarcastique, l’autre triste et aigri.
Jean-Paul Farré jubile, Jean-Luc Moreau désespère. La faute à qui ?
Que le spectateur juge ! Il découvre, dans leur affrontement tout ce qui génère les tensions de nos sociétés : fanatisme religieux, intolérance, ignorance, violence, richesse et pauvreté, culture et nature. Éternel combat !
Il peut aussi, y trouver et c’est si rare aujourd’hui : une morale : « Nous sommes responsables ».
Photo © Brigitte Enguérand
Voltaire Rousseau de Jean-François Prévand
Mise en scène : Jean-Luc Moreau et Jean-François Prévand
Théâtre Poche-Montparnasse
Du mardi au samedi à 19 h,
Dimanche , 17 h 30
01 45 44 50 21
www.theatredepoche-montparnasse.com
21:28 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Histoire, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, poche-montparnasse, voltaire, rousseau | Facebook | |
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13/03/2014
Ce mal qui répand la terreur
La peste est une thématique récurrente dans l’œuvre de Camus. Elle est ce mal infectieux qui contamine les hommes, et qui, gagnant de foyer en foyer, répand la terreur et la mort. Dans La Peste (1947), l’épidémie, à Oran, ravage la cité, sépare les familles, les amis, l’isole du reste du monde. Elle représente la peste brune, le nazisme, qui de 1937 à 1945, s’était étendu sur le monde. Avec État de siège (1948), Camus reprend la métaphore de la peste pour en faire un personnage (Simon-Pierre Boireau), allégorie du Mal « qui répand la terreur »*. La parole de Camus résonne forte et claire grâce à l’adaptation et la mise en scène de Charlotte Rondelez qui font d' État de siège un auto sacramental païen, où Diego (Adrien Jolivet), l’homme juste, sauve les hommes, par son refus de l’arbitraire et par son sacrifice christique.
Le décor de Vincent Léger est composé de panneaux coulissants, couleur bronze, laissant voir, à mi-hauteur dans le lointain, des immeubles éclairés, ou le ciel étoilé, et quand les panneaux s’ouvrent, les croix d’un cimetière. Le faîte de ces portes devient un cadre de scène pour un théâtre de marionnettes (création Juliette Prillard) manipulées à vue par les comédiens (Claire Boyé, Benjamin Broux, Adrien Jolivet, Antoine Seguin) qui leur prêtent voix et visages, et figurent des hommes atrophiés, tout un peuple asservi qui consent à l'esclavage. Les lumières de Jacques Puisais cernent les personnages.
La Peste a le regard clair et cruel, le sourire ironique, il apporte « l’organisation », sa secrétaire (Cécile Espérin) est aimable, séduisante, le Gouverneur (Antoine Seguin), « roi de l’immobilisme », est lâche, Le Ministre (Benjamin Broux) est servile. Vite corrompu, il corrompt à son tour les citoyens. Ils voulaient éviter la maladie et la mort. Ils ont choisi le « le pire », c’est-à-dire, l’arbitraire, l’humiliation, et ils auront la mort de toute façon. La parabole court, limpide, les comédiens entraînent les spectateurs dans l’angoisse suscitée par la situation. Le mauvais air de la contagion étreint jusqu’à la suffocation.
Diego, l’homme révolté résiste. Il aimerait bien vivre d’amour et de liberté avec la sensuelle Victoria (Claire Boyé) mais il ne peut se résoudre à abandonner ses frères humains. Il est médecin et il n’a pas peur de la mort. Il défie l’administration, refuse la collaboration, fait renaître l’espoir, et libère la cité du Mal.
Son dévouement ne sera-t-il pas vain ? L’anarchiste Nada (Antoine Seguin) le craint. « Nous étions muets, nous allons devenir sourds » dit-il. Car la Peste partie, les chefs anciens rappliquent et Victoria pleure son amour.
Camus est bien pessimiste et « la face de Dieu, affreuse » ! La démocratie retrouvée sera vite mystifiée si les hommes ne changent pas. Et ont-ils envie de changer ? La liberté est un combat, et la tâche de l'homme rejoint la peine de Sisyphe.
Photo : © Victor Tonelli
* Les Animaux malades de la peste, La Fontaine.
État de siège d’Albert Camus
Adaptation et la mise en scène de Charlotte Rondelez
Théâtre de Poche-Montparnasse
Depuis le 4 mars
Du mardi au samedi à 19h , dimanche 17 h 30
01 45 44 50 21
23:41 Écrit par Dadumas dans Histoire, Littérature, Politique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de poche-montparnasse, camus, charlotte rondelez | Facebook | |
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