23/11/2013
Femme Courage
On en avait longtemps rêvé, on en parlait depuis presque dix ans. On avait émis des idées dans des colloques, des conférences et des dîners en ville. On avait dressé des listes de noms. Et, enfin, grâce à la ténacité d’Antoinette Fouque[1], d’Irina Bokova,[2] Béatrice Didier[3], et Mireille Calle-Gruber[4], le Dictionnaire universel des créatrices va paraître.
Arts, géographie, exploration, histoire, politique, économie, littérature, édition, sciences et techniques, sciences humaines et sport, tous les domaines sont abordés. On y trouvera des les noms de femmes célèbres et d’autres oubliées ou méconnues. Certaines sont devenues des modèles.
Ce dictionnaire est la preuve irréfutable que d’innombrables femmes ont malgré les préjugés, les lois injustes, réussi à briser les barrières, surmonter les obstacles, pour enrichir l’humanité. Car chaque femme, dans ce dictionnaire est une Femmes Courage qui n’a jamais craint l’opinion publique.
Le coffret contient trois volumes, Il est « élégant, engagé, universel », dit Nicole Garcia. Les lettrines ont été dessinées par Sonia Rykiel.
Malgré toute la rigueur dont les rédactrices ont fait preuve, il y aura certainement des oublis. D’ailleurs, beaucoup se sont senties frustrées de ne pouvoir consacrer que 1500 signes à une comédienne, ou à une auteur(e). Il a fallu batailler pour obtenir plus de 3000 signes pour les articles de synthèse. Et certains noms ont été jugés trop « jeunes » y pour entrer.
Mais le terrain est labouré, les premiers sillons sont ensemencés, et d’autres vont s’ouvrir. « Continuons le combat » disait-on naguère. La formule est sobre et toujours actuelle.
Dictionnaire universel des femmes
éditions des femmes
à partir du 27 novembre
coffret de 3 volumes : 165 euros
www.facebook.com/pages/Le-Dictionnaire-Universel-des-crea...
16:42 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, éducation, Histoire, Littérature, Livre, Politique, Science, Sport, Théâtre, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, littérature, théâtre, arts, géographie, sciences et techniques, histoire, sports, sciences humaines | Facebook | | Imprimer
18/11/2013
Corneille, à table !
Brigitte Jaques-Wajeman, qui poursuit « le cycle colonial » des pièces de Pierre Corneille, avec Pompée (1642) et Sophonisbe (1663), revient ainsi à ses premières amours puisque elle avait déjà mis en scène La Mort de Pompée en 1985, puis en 1992, et Sophonisbe en 1988.
Le jeune Corneille montrait une tendresse amusée pour les personnages féminins de La Place Royale, de l’admiration pour l’Infante du Cid, la Camille d’Horace, la Livie de Cinna. Dans Pompée et Sophonisbe, Cléopâtre (Marion Lambert), et Sophonisbe (Aurore Paris), prêtes à sacrifier leurs amants pour un trône semblent être de sacrées garces. Les Romains ne songent qu’à dominer et répriment toute velléité d’indépendance. « Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant » disait Tacite de ces conquérants. Chez Corneille, ils ravagent les cœurs et les consciences au nom de la raison d’état et de l’ordre romain. Plus de personnage exemplaire, rien que de l’orgueil, pas de vrai dilemme cornélien. Les profs de français vont être déçus.
Avec Pompée nous sommes en Égypte où vacille le pouvoir du jeune Ptolémée (Thibault Perrenoud) et de sa sœur Cléopâtre face à la puissance de Rome, l’ambition de César (Pascal Bekkar) et de Marc-Antoine (Anthony Audoux). Les égyptiens, Achilas (Yacine Aït Benhassi) et Photin (Marc Arnaud) se laissent manipuler par « l’infâme Septime » (Pierre-Stefan Montagnier). Cléopâtre, « reine adorable », se jette dans les bras de César, lequel sacrifie Ptolémée pour venger l’assassinat de Pompée, et libère Cornélie (Sophie Daull) sa veuve.
Dans Sophonisbe, les Romains sont aux portes de Carthage. Sophonisbe (Aurore Paris) la fille d’Asdrubal, avait d’abord été fiancée à Massinisse (Bertrand Suarez-Pazos), mais son père lui a fait épouser le vieux Syphax (Pierre-Stefan Montagnier) qui est fou d’elle. Or, elle apprend que Syphax s’apprête à signer la paix avec Rome et que son ex devrait épouser éryxe (Malvina Morisseau), reine de Gétulie. Sophonisbe, jalouse, pousse Carthage à la guerre. Syphax est vaincu et prisonnier. Elle épouse Massinisse, mais les Romains en ont décidé autrement. Lélius (Marc Arnaud), lieutenant de Scipion, libère Syphax. Sophonisbe se suicide et le Romain de dire « une telle fierté devait naître romaine ».
Les mêmes comédiens jouent un soir Pompée, le lendemain Sophonisbe, et dans cette alternance, ils passent, avec un égal talent, du personnage de la Reine à celui de suivante, de général à celui de centurion, et du rôle de dominant à celui de dominé. Les maquillages et coiffures de Véronique Deransart favorisent les transformations des comédiens, et les costumes atemporels de Laurianne Scimemi sont sobres et élégants.
Une longue table sert de diagonale à l’espace scénique. Pour Pompée, table et chaises d’argent, satinée de vert. Pour Sophonisbe, même décor, mais table, et chaises adoptent l’or et la pourpre (scénographie et lumière de Yves Collet). Au cours des actes, on dresse la table, avec des nappes de dentelle et fils d’or (ou d’argent), ou des satins brochés. On y pose des collations de fruits de pâtisseries, des plateaux pour boire du thé ou des alcools.
Corneille est servi, à table !
photos : © Cosimo Mirco Maglioccia
Pompée et Sophonisbe de Pierre Corneille
Du 13 novembre au 1er décembre
Théâtre des Abbesses
www.theatredelaville-paris.com
01 42 74 22 77
10:50 Écrit par Dadumas dans Blog, Histoire, Littérature, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de la ville, corneille, brigitte jacques | Facebook | | Imprimer
09/11/2013
Cet effronté de Maupassant
Il n’était pas un écrivain « convenable ». Quand parut, en feuilleton, Une vie (1883), La Jeune France, l’appela « cet effronté de Maupassant ». Mais, lors de la sortie du livre d’Armand Lanoux Maupassant le Bel-Ami, en 1979, le président Giscard d’Estaing, déclara, dans l’émission Apostrophes, qu’il était « un des plus grands écrivains français ». Depuis longtemps déjà le cinéma adaptait ses nouvelles[1] et ses romans[2].
Aujourd’hui, Philippe Honoré choisit d’éclairer « Maupassant et les femmes » sous le joli titre de Maupassant(es). Il montre, à travers les nouvelles, la correspondance, les chroniques (car l’auteur fut aussi journaliste) comment Maupassant, jugea son époque. Car, naturellement en peignant les femmes, Maupassant n’épargne ni les hommes, ni la société bourgeoise et hypocrite. Il est lucide, sans complaisance, sans remords, mais pas sans crainte. En effet, atteint de syphilis, le jeune écrivain va rapidement connaître la souffrance et l’angoisse. Les derniers textes choisis, la manière dont Philippe Honoré les articulent, plongent le spectateur dans « l’interminable agonie asilaire[3]» de l’auteur qui mourut à quarante-trois ans dans la clinique du Docteur Blanche.
Dans la mise en scène subtile de Philippe Person, une seule comédienne incarne toutes les femmes. Anne Priol tour à tour petite bourgeoise, ou femme du monde, coquette, perverse ou naïve, en jupon fleuri, robe rouge échancrée et brodée (Costumes Emmanuel Barrouyer et Anne Priol), affole, en souriant, l’air coquin, deux représentants de la gent masculine : Emmanuel Barrouyer qui porte beau en militaire, et Pascal Thoreau en bourgeois égrillard. Elle est fine, ils sont dominateurs, elle se vend, ils sont sans scrupules. Et on rit de la mascarade qu’ils se donnent. Puis un extrait de l’émission où Armand Lanoux affirme la grandeur de l’écrivain, et l’analyse se fait plus profonde. Les volets des paravents érotiques qui servent de décors (Vincent Blot) et de limites à l’espace scénique se tournent, et le séducteur devient inquiet.
Entre les séquences jouées, les figures monstrueuses de Freaks, « peut-être fabriqués au corset »**[4], surgissent et les cauchemars remplacent les poèmes érotiques. Tout devient sombre (Lumières : Alexandre Dujardin) et les « hallucinations effrayantes » cernent l’homme dont le visage seulement est éclairé. On entend des verrous qui se ferment et le jeune auteur si doué, si insolent, glisse dans les ténèbres de la démence.
Ni sa mère, ni son père ne se dérangeront pour l’enterrement.
Maupassant(es)
Texte de Philippe Honoré d’après l’œuvre de Maupassant
Théâtre du Lucernaire
Du mardi au samedi à 20 h
Dimanche à 15 h
01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr
17:11 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Film, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre du lucernaire, maupassant, philippe honoré | Facebook | | Imprimer