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22/03/2013

Au coeur de la bataille

 

 

Ce siècle avait douze ans, et pour conquérir la plus haute magistrature de la République, beaucoup de Bonapartes, de l’extrême gauche à l’extrême droite, nous ont cité Victor Hugo. Les citations étaient souvent exactes, mais quelquefois tronquées, et toujours décalées dans l’espace et le temps. Il était donc logique que la Maison Victor Hugo se propose de retracer « le parcours politique » du poète.exposition hugo politique,maison victor hugo,littérature

Martine Contensou et Vincent Gille, commissaires de l’exposition, ont construit pour 2013, une exposition autour des grandes idées qui ont fait de la vie de Victor Hugo un combat contre la peine de mort, la misère, la violence en politique, le travail des enfants et pour la justice, l’enseignement et la laïcité. exposition hugo politique,maison victor hugo,littératureDes œuvres du poète, côtoient celles qu’il a inspirées : tableaux, gravures, sculptures, dessins, journaux, brouillons de discours, affiches, lettres, précieuses éditions, illustrent la chronologie d’un destin.

Le jeune Hugo, élevé par une mère royaliste doit ses premiers succès (et ses premières rétributions) à des poèmes glorifiant la Restauration. À la mort de sa mère, il découvre, l’épopée napoléonienne avec son père, Léopold Hugo, général d’empire en demi-solde.

Déjà, il fait tache chez les conservateurs. Il est hostile à la peine de mort, il parle d’éduquer le peuple, et, dans ses pièces, ses romans, dénonce l’injustice, l’arbitraire, l’hypocrisie des prêtres et des grands de ce monde. Son roman, Claude Gueux fait scandale, sa pièce Marion de Lorme est censurée, Le roi s’amuse est interdite.

Il est, sous Louis-Philippe, le chantre des révolutionnaires de 1830 - « Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie » - célébrés au Panthéon et le poète du retour des cendres de Napoléon Ier.

Il est élu à l’Académie française (1841), il devient pair de France (1845), mais le conservateur trahit définitivement sa caste. Depuis longtemps déjà il parlait de liberté et de fraternité, il va en faire une priorité pour résoudre les questions sociales. Il est alors au coeur de la politique, au coeur de la bataille.  Il s’oppose au soulèvement populaire de juin 1848, mais il vote contre celui qu’il tient pour responsable de sa répression sanglante, le général Cavaignac candidat républicain. Cependant, quand Louis-Napoléon Bonaparte viole la constitution, Hugo appelle à l’insurrection. Il prend en exilla stature de l’opposant irréductible à l’empire. Avec Napoléon le Petit et Les Châtiments (édités en Belgique) commence la lutte de l’écrivain contre tout pouvoir autoritaire.

Il est alors "le" républicain, défenseur de toutes les libertés, que toutes les minorités sollicitent, et qui il tente d’obtenir la grâce des condamnés à mort aux États-Unis, comme en Irlande.

Revenu en France en 1870, il partage les souffrances des Parisiens pendant le siège et contribue à l'effort de guerre. Élu en 1871, il démissionne parce que l’élection de Garibaldi, né à Nice, est invalidée. Son fils Charles meurt brutalement, et le 18 mars 1871, premier jour du soulèvement de la Commune, les insurgés laissent passer le cortège funèbre. Hugo est en Belgique pendant la pendant la Commune. « Je suis pour la Commune en principe, et contre la Commune en application », écrit Hugo le 28 avril.

Il n’approuve la violence ni du côté des insurgés, ni du côté des Versaillais. Opposant farouche aux condamnations à mort, il réclame l’amnistie dès 1871. Il mettra dix ans pour l’obtenir. Il est alors sénateur.

Bel itinéraire que celui d’un homme issu de la bourgeoisie, qui aurait pu rester conservateur avec les siens, et qui, par amour de la justice, de la liberté devient « révolutionnaire », par « évolution », se déterminant toujours par rapport « à ce qu’il voit, à ce qu’il ressent. »

Quand elle vint à Paris, Aung Suu Kyi déclara : « J’ai dit qu’une véritable révolution était une révolution de l’esprit et c’est pourquoi je tiens autant à Victor Hugo, car il a compris que toute véritable révolution part de l’intérieur ». Aujourd’hui, l’exposition lui est dédiée. 

  

 Photos : © Danièle Gasiglia-Laster

 

Hugo politique

Exposition dédiée à Aung Suu Kyi
maison Victor Hugo

6, Place des Vosges

du 14 mars au 25 août 2013

www.musee-hugo.Paris.fr


 

Conférences à la Maison de Victor Hugo de la place des Vosges, en marge de l’exposition Hugo politique :

17 avril : Hugo, 1848 et Histoire d’un crime, par Eric Hazan, historien, directeur des

éditions La Fabrique
15 mai :
Victor Hugo, la peine de mort et la pénalité par Robert Badinter, ancien ministre

29 mai La question sociale et la question politique autour de 1848-1852 par Thomas Bouchet, historien, université de Dijon

5 juin Hugo orateur politique par Marieke Stein, université de Metz.
Entrée libre dans la limite des places disponibles. Inscriptions obligatoires au 01 42 72 
71 52 ou à florence.claval@paris.fr 

 

15/03/2013

Le Capital selon Dario Fo

 

 

 

théâtre,dario fo,théâtre 14La pièce s‘ouvre avec le bruit lugubre du klaxon d’une ambulance, et la première partie se déroule à l’intérieur du « complexe de réanimation » au milieu duquel se dresse le buste du généreux donateur, Agnelli, patron des usines Fiat.

Au service des urgences, on accueille, avec beaucoup de ménagements, Rosa (Céline Dupuis) une petite bonne femme qui doit identifier un homme dont l’état est critique. Brûlé, cassé, défiguré, le malheureux, déposé anonymement à l’hôpital, était roulé dans la veste d’un certain Antonio (Gilles Ostrowsky) son mari, ouvrier chez Fiat. Il est méconnaissable, enveloppé de bandelettes comme une momie vivante ! Et il faudra que Rosa apporte des photos au médecin (Anne Dupuis) pour que la chirurgie réparatrice lui reconstruise le visage.

théâtre,dario fo,théâtre 14Vous croyez assister à une tragédie ? Pas du tout ! Vous êtes dans la farce. Antonio n’est pas celui qui gît, pantin disloqué, dans le lit d’hôpital. Il est celui qui a arraché l’inconnu aux flammes, l’a amené aux urgences, avec sa propre veste où il a laissé… ses papiers, avant d'aller rejoindre la camarade Lucia (Milena Esturgie) sa maîtresse. Celle-ci, bien informée, lui apprend que le blessé est en réalité l’héritier Agnelli, qu’un commando venait d’enlever. La tentative de séquestration a mal tourné, et le véritable Antonio ayant sauvé son patron, devient un clandestin.

Un commissaire (Gérald Cesbron) borné et une juge (Milena Esturgie) obstinée aggravent la situation rocambolesque, quand, après des mois d’hospitalisation, de rééducation, Agnelli se retrouve avec « une tête de guignol », et Rosa avec deux Antonio.

Dario Fo fait courir allègrement Antonio et son sosie, et tourner en bourrique flics et médecins. Il réécrit, sur le mode grotesque l’enlèvement d’Aldo Moro, stigmatisant les négligences coupables de l’État, et la responsabilité du gouvernement.

théâtre,dario fo,théâtre 14Agnelli demande : "Vous n'avez jamais lu Karl Marx ?" et tonne "Je suis le Pouvoir !"  et Le Capital selon Dario Fo, se révèle beaucoup moins ennuyeux que celui de Karl Marx.

Nous avions, à la création, (novembre 2010) rendu compte de la mise en scène de Marc Prin et dit tout le bien que nous pensions de l’œuvre*. Elle semble un peu à l’étroit au Théâtre 14. Mais si tu n’as pas pu aller à Dario Fo, à Nanterre, Dario Fo est venu à toi et tu en sortiras ragaillardi.

 

 

 

Photos :© Franck Treboit.jpg

 


Klaxon, Trompettes… et pétarades  de Dario Fo

Théâtre 14

Jusqu’au 27 avril

01 45 45 49 77

ma, ve, samedi à 20 h

me et je à 19 h

samedi à 16 h

  

* Archives du blog 22/11/2010 -  Trompettes d'alarme


La troisième tête

 

 

théâtre,comédie-française,marcel aymé,lilo baurLa justice humaine est faillible. Après la Libération, les mêmes flics qui avaient arrêté les résistants, les mêmes juges qui les avaient condamnés, arrêtèrent et jugèrent ceux que la vindicte qualifiait de « collabos ». Il y avait des gens odieux qui, habilement avaient servi les uns et les autres et qui furent blanchi. La Justice ne fut pas toujours intègre et les compromissions, les vengeances, l’esprit de corps et la force de « la chose jugée » entraînèrent bien des erreurs judiciaires.

Marcel Aymé, dans La Tête des autres, s’en souvient.  Comment ne pas penser à Joanovici, dit M. Joseph, sous les traits d’Alessandrovici (Serge Bagdassarian), qui a « vendu de tout aux Allemands », et achète maintenant les consciences ? Comment ne pas imaginer, sous l’imperméable de Gorin (Félicien Juttner) et de Lambourde (Clément Hervieu-Léger), les tristement célèbres Bonny et Lafont, prêts à tout pour s’enrichir et même à trouver « un » coupable et non « le » coupable. Et la condamnation de l’innocent, Valorin (Laurent Lafitte), n’évoque-t-elle pas un peu celle de Mis et Thiennot ?

Mais au-delà des circonstances  exceptionnelles de l’époque, l’auteur met en cause les hommes qui régissent le système judiciaire, leur vénalité, leur soif d’honneurs et leur servilité.

Le procureur Maillard (Nicolas Lormeau) vient d’obtenir sa « troisième tête », celle de Valorin, un jeune musicien de jazz accusé d’un crime crapuleux. Il clame son innocence mais ne connaît pas le nom de la femme avec laquelle il a passé la nuit. Maillard est éloquent. Sans preuve, rien qu’avec des présomptions, Valorin est condamné à mort. Maillard triomphe. Ses amis, le procureur Bertolier (Alain Lenglet) et sa femme Roberte Bertolier (Florence Viala) le félicitent, son épouse, Juliette Maillard (Véronique Vella), est heureuse et, « toute la soirée », ses enfants « ont joué à se condamner à mort ». Maillard est un grand homme.


Maillard est un Tartuffe. Il trompe sa femme avec Roberte, la femme de Bertholier. Et Valorin, qui s’est échappé, affirme « que cette femme est une garce », puisque c’est avec elle qu’il a passé la nuit du crime. Elle le reconnaît, elle avoue. Mais quel est plus important ? Rendre justice et « compromettre la femme d’un magistrat »  ou se débarrasser de l’innocent devenu encombrant ? Si Bertholier est un « cocu », Maillard est un « vendu », et si Roberte est une « criminelle », il ne manque à Juliette qu’un peu de « sex-appeal », pour passer du statut de mère à celle de « putain ».

Dans la scénographie de Oria Puppo, la mise en scène de Lilo Baur, commence dans un salon bourgeois cossu, se resserre dans l’office fonctionnel et dépouillé, puis plonge dans l’antre du gangster, qui « vit grassement sur le fumier des scandales », avec ses sbires, l’assassin Dujardin (Mich Ochowiak), la secrétaire pin-up Renée (Laure-Lucile Simon). Enfin, le fond s’ouvre dans des fumées infernales, et Alessandrovici disparaît mais pas pour longtemps, puisque Maillard et Bertholier vont courir  se mettre à ses ordres.théâtre,comédie-française,marcel aymé,lilo baur

La metteuse en scène a choisi la première version du dénouement, celle de 1952, où l’intervention d’Alessandrovici permettait à la pièce de finir en comédie. Lilo Baur montre comment craque le vernis des bonnes manières. Un mot de trop, les insultes pleuvent, et ils en viennent aux mains. Les gifles claquent, et c’est le condamné à mort qui sépare les combattants ! Les comédiens ont adopté les attitudes de personnages ambigus, des gestes de fauves prêts à bondir. Les lumières de Gwendal Malard soulignent ces effets cinématographiques. La représentation ne peut laisser insensible. Le spectateur assiste là à un fameux réquisitoire contre la peine de mort, l'inéquité des institutions et la méchanceté des hommes.

« L’injustice est en nous », et le désir aussi puisque Valorin qu’on aurait cru plus probe, se roule sur le canapé avec Roberte, abandonnant Juliette à l’amertume. « Est-ce que je parle d’amour ? » demande-t-il.

L’univers de Marcel Aymé parle de désillusion et de personnages en quête de vérité et d’amour.

 

Photos © Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française


La Tête des autres  de Marcel Aymé

Théâtre du Vieux-Colombier

Jusqu’au 17 avril

01 44 39 87 00/01