22/05/2017
La chambre miraculeuse
Dans son rêve de théâtre universel, Ariane Mnouchkine a toujours aimé mêler l’actualité aux œuvres du patrimoine occidental et aux traditions de l’Asie. En créant les très grecques Atrides (1990), elle nous avait initiés au kathakali. Plus tard, les danses tibétaines s’entrelaçaient aux scènes de commedia dell’arte dans Et soudain des nuits d’éveil (1997). Depuis le début de la saison le Théâtre du Soleil joue à guichets fermés (ou presque) une Chambre en Inde qui, comme une nouvelle Indiade théâtrale brasse tous les thèmes qui nous sont sensibles et dont elle sait si bien parler.
« Nous sommes en Inde », donc.
Et dans une chambre où une jeune femme, Cornélia (Hélène Cinque) dort. Pas pour longtemps, car la sonnerie insistante d’un téléphone va la sortir de son sommeil. C’est le maître, le directeur de la troupe de théâtre un certain M. Lear. Il renonce à sa mission sous prétexte qu’il a rêvé qu’il était « une petite vache blanche », qu’il a « perdu (ses) pouvoirs magiques », et de ce fait, il lui demande de prendre « les clés du bateau ».
Tâche démesurée pour celle qui n’était qu’assistante. Elle voudrait bien avoir une liste d’auteurs, mais les machines électroniques, sournoises, ne crachent que des bribes. Elle aimerait qu’on la soutienne, mais les comédiens (Martial Jacques, Samir Abdull Jabbar Saed, Maurice Durozier, Sébastien Brottet-Michel, Judit Jancsé, Sylvain Jailloux, Eve Doc Bruce) et particulièrement Cassandre (Shaghayegh Beheshti), qu’elle croyait son amie, jugent sa promotion imméritée, car « elle n’a jamais été capable de produire un seul geste artistique. » Et pourtant, la troupe doit produire un spectacle !
Et voici que survient la police (Omid Rawendah, Shafiq Kohi), Monsieur Lear a été retrouvé "totalement nu" sur le dos de la statue sacrée du Mahatma Gandhi ! Il a déchiré son passeport, et prétend être japonais… Tel le vieil Hidetora du Ran de Kurosawa, il vient confirmer ces accusations. Nicolas Carré, le représentant de l’Alliance française (Sylvain Jailloux) est menacé de mutation par l’inspecteur Dallègre (Duccio Bellugi-Vanuccini), et toute la maisonnée (Nirupama Nityanandan, Augustin Letelier, Taher Baig, Wazhama Tota Khil,Vijayan Panikkaveettil, Farid Gul Ahmad, Andrea Marchant, Aref Bahunar), réveillée par ces arrivées intempestives, ajoute du chaos au désordre. Cornélia ne retrouvera plus un sommeil paisible.
Les singes du Mahabharata font irruption, les personnages du Terrukuttu s’installent, se sauvent, reviennent. Cornélia tente de s’en inspirer tandis que le peuple de la petite ville intervient, que les comédiens cherchent leur personnage et que les fanatiques religieux de tous bords essaient de prendre le pouvoir. Hommes de main, talibans, maharajah, mafieux, « tous les démons de la création » semblent s’être donné rendez-vous dans cette nuit infernale semblable à celle de Walpurgis.
Cependant, les maîtres veillent. Shakespeare (Maurice Durozier) avec son page (Dominique Jambert), renonce aux errances et à la tragédie du Roi Lear, et à celle de Macbeth. Il conseille la comédie : « se moquer des méchants » ! D’ailleurs, dit-il « Molière savait faire ça ». Ce sera aussi l’opinion de Tchekhov, venu avec Irina, Macha, Olga, les trois sœurs, mettre un peu d’ordre dans la chambre, entre deux scènes du Mahabharata.
Ariane Mnouchkine joue avec les codes du conte fantastique, du cinéma et du théâtre. Elle dit l’hostilité des tutelles, l’angoisse des créateurs, la dépréciation des valeurs qui donnaient aux hommes un sens à leur vie. Elle dénonce les faux prophètes, les vrais méchants, et ne renonce jamais à l’espoir.
Car « il ne faut pas que ça finisse » par la soumission et la mort.
Les masques colorés, les coffres sculptés, les étoffes flamboyantes, les grelots, les danses et les chœurs servent des mythes universels, et parmi ces Indiens, princes et peuple, ces occidentaux qui doutent, s’avance celui qui apporte les paroles de fraternité, un petit homme brun, timide et étonné de revenir parmi les siens : Charlot, sorti du Dictateur pour unir tous les hommes…
Ils sont plus de trente sur scène à harmoniser les cultures dans cette grande fresque. Un miracle dont le Théâtre du Soleil est le démiurge.
Une chambre en Inde
Une création collective du Théâtre du Soleil
Dirigé par Ariane Mnouchkine
Avec la musique de Jean-Jacques Lemêtre
En harmonie avec Hélène Cixous
À la Cartoucherie de Vincennes
01 43 74 24 08
Printemps des comédiens à Montpellier
http://www.printempsdescomediens.com
30, 31 mai, et du 3 au 10 juin
17:35 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, danse, éducation, Histoire, langue, Littérature, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre du soleil, ariane mnouchkine, mahabharata, terukkuttu, lear | Facebook | | Imprimer
16/05/2017
Un soldat d'infortune
Les ruses du diable sont innombrables et Joseph le soldat permissionnaire n’aurait pas dû accepter la proposition de ce chasseur de papillons rencontré sur sa route. Échanger son violon contre un livre magique, le suivre pendant trois jours, sous prétexte de lui apprendre à jouer, moyennant le vivre et le couvert, était-ce bien raisonnable ? Ne savait-il pas que l’on ne doit jamais dîner avec le diable, même avec une longue cuillère ? Et que pour le beau Pécopin, parti chasser une nuit avec le diable, la nuit avait duré cent ans ?
Ces mythes fantastiques inspirèrent Histoire du soldat à Charles Ferdinand Ramuz et Igor Stravinsky, un « ballet opéra de chambre », qui emprunte au mime, à la danse et à des rythmes populaires, comme le tango et le jazz.
La mise en scène de Stéphan Druet fait de Histoire du soldat une pièce brechtienne qui mêle le théâtre, la musique, et le cirque, avec pour toile de fond, une peinture de Laurence Bost et des lumières de Christelle Toussine. Les sept musiciens de l’orchestre-atelier Ostinato portent l’uniforme, culotte garance et capotes bleu horizon, calots ou képis (Costumes : Michel Dussarrat). Ils entrent sur scène derrière leur chef, comme à la parade et s’y installent, à la fois instrumentistes, témoins et acteurs du récit. Le conteur (Claude Aufaure) installé à une petite table, à cour, écrit et dit l’histoire du naïf Joseph (Fabien Wolfrom), l'heureux soldat qui « rentre chez lui » et que les agissements du diable vont transformer en soldat d'infortune.
Quand le diable apparaît (Licinio Da Silva), fine moustache et œil de velours, on le reconnaît : il est vêtu de rouge ! On voudrait bien comme à Guignol, lui crier : « Sauve-toi ! Attention ! », Mais nous ne sommes plus des enfants…
Et pourtant, texte et musique s’accordent si bien, que la magie opère et que, pris par le récit, nous accédons sans peine à cet univers faustien où le fantastique abolit le temps et l’espace.
Tristesse, le soldat ne retrouve plus les siens ! Joie, il triomphe du diable et récupère son violon ! Miracle, il guérit la Princesse (Aurélie Loussouarn) qui danse (Chorégraphie Sébastan Galeota) et l’épouse !
Mais, - il y a toujours des « mais » dans les contes -, le diable veille… et, la tentation est trop forte de vouloir accéder au désir de la Princesse, sa bien aimée, qui veut connaître le pays d’où il vient. On ne peut pas garder « ce qu’on est et ce qu’on était ». Et ce regard en arrière qui avait perdu Orphée, dépossède à jamais le soldat que le diable entraîne…
Le spectacle vous enchantera. C’est un moment de grâce… divine ou diabolique ? Mon âme panthéiste ne tranchera pas. À vous de décider…
Histoire du soldat de Ramuz et Stravinsky
Direction musicale Jean-Luc Tingaud
Chefs d’orchestre Olivier Desjours et Loïc Olivier
Théâtre de Poche-Montparnasse
0145 44 50 21
du mardi au samedi à 21 h
dimanche à 15 h
www.theatredepoche-montparnasse.com
12:40 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, culture, danse, Littérature, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, dans, littérature, théâtre de poche, ramuz, stravinsky | Facebook | | Imprimer
26/04/2017
Un nouveau théâtre sur la rive gauche
Après bien des péripéties, une mobilisation importante de la part des riverains et grâce à la volonté du groupe Hammerson, propriétaire des murs, le cinéma Le Grand Écran Italie 2 restera dans le monde de la culture.
Et c’est grâce à la société de production Juste pour Rire et son président Gilbert Rozon que cet ancien cinéma sera transformé en un lieu culturel pluridisciplinaire.
Olivier Peyronnaud, directeur France de Juste pour Rire depuis 2015 après avoir dirigé de nombreuses scènes labellisées (Théâtres de Dole, Compiègne, Maison de la Culture de Nevers) et expérimenté des formes innovantes de gestion, en assurera la direction.
Le 13e Art ouvrira ses portes en septembre 2017
Un nouveau lieu de vie et de culture dans le XIIIe … arrondissement
Le 13e Art sera l’un des plus grands théâtres de la rive gauche. Au cœur de la Place d’Italie, il se pense comme un théâtre de territoire. Intégré au Centre Commercial Italie 2, l a transformation de cette salle de cinéma en salle de spectacles a été confiée au maître d’oeuvre Daniel Vaniche et associés
et aux architectes de DVVD, que l’on connaît pour leurs réalisations à la Salle Pleyel, l’Accorhotels Arena, l’Institut du Monde Arabe ou encore le Complexe MK2 du 12ème arrondissement.
Un espace de 3700 m2 à l’emplacement même de l’ancien cinéma dans l’atrium principal, sous les terrasses qui donnent sur la place d’Italie mais dont l’accès est entièrement repensé comme un lieu de transition : les aménagements déclinent des paliers qui accompagnent le spectateur dans le passage d’un monde quotidien à l’univers imaginaire du spectacle.
Une conception architecturale qui s’amuse des jeux de regard pour nous rappeler sans cesse que l’on est au théâtre : la salle de spectacles est visible dès l’atrium, le foyer est réinventé en un espace plus majestueux, en double hauteur, le nouvel escalier, laisse voir le foyer depuis l’atrium. Sur le balcon, les spectateurs peuvent voir et être vus. Le rôle social des « espaces publics » des salles de spectacles est ici assumé.
Une programmation pluridisciplinaire
Le 13e Art sera un lieu ouvert à toutes les disciplines.
La grande salle accueillera du cirque, de l’humour, du théâtre, de la musique, de la danse, du théâtre visuel... La petite salle, quant à elle, accueillera des artistes émergents et des spectacles jeune public.
Sont notamment attendus pour la saison 2017/2018
Le Cirque Eloize, Arturo Brachetti, L’Orchestre Philharmonique de Prague, James Thierrée, Le National Theatre de Londres, le Slava’s Snowshow, Romane Bohringer...
Un fonctionnement singulier
Pour la première fois, un théâtre privé proposera un abonnement à la saison et accompagnera des artistes dans leur processus de création. Un réel défi et une nouvelle configuration dans le paysage culturel français.
Une attention toute particulière au public
Pour l’équipe du 13e Art, il est essentiel de penser au public et à son confort. Seront ainsi proposés des services inédits pour faciliter la venue du public au théâtre : babysitting, parking gratuit, réservation de taxis, soirées sur mesure...
Le 13e Art se veut être un lieu décalé, surprenant, avant- gardiste, proche du public et des artistes et tourné vers l’international.
Deux salles de spectacles
Une salle de 900 places avec un très beau et grand plateau (30 m de mur à mur avec un cadre de scène de 18 m d’ouverture et 12 m de hauteur) permettant d’accueillir entre autres des artistes de cirque
et une salle de 130 places pour recevoir de plus petites formes.
Un studio télé
Un studio dédié à l’enregistrement télé. Ouvert toute l’année, ce studio permettra de filmer des capsules, capter des images pour créer des vidéos, réaliser des séances photos...
Un bar-restaurant
Un lieu de vie ouvert toute la journée, qui proposera une offre diversifiée, du petit déjeuner au dîner léger le soir avec une carte adaptée aux saisons.
Le lieu accueillera également des cafés littéraires, des lectures, du stand up...