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24/11/2013

Une vraie princesse !

 

  

Hans Christian Andersen écrivit, avec La Princesse au petit pois, est de ses contes les plus courts. Un peu plus de 2000 signes, soit pas plus de trois minutes de lecture. Une bénédiction pour les parents qui lisent encore des histoires à leurs enfants afin qu’ils s’endorment en toute sérénité !

Comment, avec aussi peu de texte créer un spectacle d’une heure ? Antoine Guémy, Édouard Signolet et Elsa Tauveron réussissent la gageure avec brio. L’adaptation est un art. Ils en ont compris toutes les finesses.

Théâtre, Comédie-Française, Littérature, Jeunesse, Andersen, humour, Le conte d’Andersen commence ainsi : « Il y avait une fois un prince qui voulait épouser une princesse, mais une vraie princesse. » À quoi reconnaît-on une « vraie princesse » ? Est-ce à son langage châtié ? À son maintien impeccable ? À sa grande culture ? NON.  Seule, la « vieille reine » le sait qui mettra un petit pois sous vingt matelas et vingt édredons afin d’éprouver la finesse de la peau de celle qui, un soir d’orage, se présente au palais, et qui ressemble plus à une pauvresse qu’à la princesse qu’elle dit être.

Mais en attendant ce fameux soir, les trois adaptateurs s’engouffrent dans la phrase suivante : « Il fit donc le tour du monde pour en trouver une, et, à la vérité, les princesses ne manquaient pas ; mais il ne pouvait jamais s’assurer si c’étaient de véritables princesses ; toujours quelque chose en elles lui paraissait suspect. » Et leur imagination nous entraîne dans un voyage initiatique inspiré du Zadig de Voltaire, et des Mille et une nuits.

Le Prince (Jérémy Lopez) a des allures de petit garçon timoré sous le regard admiratif de ses parents : la Reine (Elsa Lepoivre) vêtu de rouge vif est une jeune reine battante et le Roi (Eliott Jenicot), en culotte vaguement bavaroise (costumes : Laurianne Scimemi), un souverain gaillard. Ils sont « heureux », satisfaits de leur vie et d’eux-mêmes et se demandent si leur enfant ne serait pas « stupide » ou « attardé » quand il déclare être « à l’envers d’heureux ». Une seule solution : l’envoyer courir le monde à la recherche de « la plus belle des princesses », à condition que ce soit, bien sûr une « vraie princesse » (Georgia Scalliet).

Édouard Signolet assure la mise en scène avec une inventivité  amusante. Roi, Reine et Princesse interprètent les nombreux personnages  que le Prince rencontre et, chacun à leur tour, empoigne le rôle du conteur. La scénographie de Dominique Schmitt, est astucieusement transformable à vue, avec une trappe dans le tréteau et des cubes empilables. Le Prince parcourt le monde, échappe à tous les dangers, et revient, dépité,
 à son point de départ. Les lumières d’Éric Dumas façonnent la diversité des univers et l’arrivée de la « vraie Princesse ». Les comédiens sont excellents et cultivent un humour décalé et subtil.

C’est joyeux et cruel, terriblement absurde et donc, humain.

« Et ceci est une vraie »… pièce de théâtre… Un vrai cadeau pour les fêtes !

 

Photo © Cosimo Marco Magliocca

 

 

La Princesse au petit pois d’après Hans Christian Andersen

Adaptation de Antoine Guémy, Édouard Signolet et Elsa Tauveron.

Studio de la Comédie-Française

Jusqu’au 5 janvier à 18 h 30

01 44 58 98 58

0 825 10 1680

www.comedie-francaise.fr

 

 

23/11/2013

Femme Courage

Livre, littérature, Théâtre, sport, éducation, sciences et techniques, édition, géographie, Art

 

On en avait longtemps rêvé, on en parlait depuis presque dix ans. On avait émis des idées dans des colloques, des conférences et des dîners en ville. On avait dressé des listes de noms. Et, enfin, grâce à la ténacité d’Antoinette Fouque[1], d’Irina Bokova,[2] Béatrice Didier[3], et Mireille Calle-Gruber[4], le Dictionnaire universel des créatrices va paraître.

Arts, géographie, exploration, histoire, politique, économie, littérature, édition, sciences et techniques, sciences humaines et sport, tous les domaines sont abordés. On y trouvera des les noms de femmes célèbres et d’autres oubliées ou méconnues. Certaines sont devenues des modèles.

Ce dictionnaire est la preuve irréfutable  que d’innombrables femmes ont malgré les préjugés, les lois injustes, réussi à briser les barrières, surmonter les obstacles, pour enrichir l’humanité. Car chaque femme, dans ce dictionnaire est une Femmes Courage qui n’a jamais craint l’opinion publique.

Le coffret contient trois volumes, Il est « élégant, engagé, universel », dit Nicole Garcia. Les lettrines ont été dessinées par Sonia Rykiel.

Malgré toute la rigueur dont les rédactrices ont fait preuve, il y aura certainement des oublis. D’ailleurs, beaucoup se sont senties frustrées de ne pouvoir consacrer que 1500 signes à une comédienne, ou à une auteur(e). Il a fallu batailler pour obtenir plus de 3000 signes pour les articles de synthèse. Et certains noms ont été jugés trop « jeunes » y pour entrer.

Mais le terrain est labouré, les premiers sillons sont ensemencés, et d’autres vont s’ouvrir. « Continuons le combat » disait-on naguère. La formule est sobre et toujours actuelle.

 

 

Dictionnaire universel des femmes

éditions des femmes

à partir du 27 novembre

coffret de 3 volumes : 165 euros

www.librairie-des-femmes.fr

www.facebook.com/pages/Le-Dictionnaire-Universel-des-crea...

 



[1] - Directrice des éditions des Femmes, directrice de recherches en science politiques.

[2]- Directrice générale de l’Unesco.

[3] - Professeur(e) à Paris VIII, à l’École Normale Supérieure, auteur(e), dirige l’édition des œuvres complètes de George Sand.

[4] -  écrivain et professeur de littérature à Paris III, auteur(e) d’une Histoire de la littérature française du XXe siècle.

22/10/2013

Sacré William !

 

 

- Je ne comprends pas votre mauvaise humeur. Ce n’est pas la première fois que nous voyons un classique « dépoussiéré » !

- Dépoussiéré ? Transposer la chronique du XIIIe siècle d’un Danemark convoité par le royaume de Suède dans un « club-house » du XXe, c’est travestir les enjeux politiques qui se profilent derrière les querelles intestines. Dépoussiéré ! Vous voulez dire « dénaturé » ! Dans ce lieu unique et complètement fermé où se joue la « tragédie », où se trouve l’espace scénique ouvert que propose Shakespeare ? Ce voyage qui va des remparts d’Elseneur aux différentes salles du château, de la chambre de la Reine à la plaine, au cimetière et retour au château ? On  enterre Ophélie dans la cave du club ? Et vous n’êtes pas étonné d’y trouver le crâne de Yorick ? Ce n’est plus une tragédie, c’est une farce, une parodie de potache ! Dépoussiéré ! Vous voulez dire « dégradé » !

- Ah ! Je reconnais bien là votre démesure ! Tout de même,  il me semble qu’Hamlet n’était pas si mal interprété.

- Heureusement ! C’est vrai, et là, vous avez raison, les comédiens ne sont pas en cause. Denis Podalydès est un Hamlet poignant, Eric  Ruff, qu’il soit le fantôme du feu Roi, le premier comédien, ou Fortinbras, joue la grandeur, la noblesse et atteint le sublime. Hervé Pierre est parfait en Claudius, usurpateur hypocrite, manipulateur repu, conspirant la mort de ses adversaires, Alain Lenglet fait un Horatio fidèle en qui on a confiance, Jérôme Pouly donne le ton exact du frère protecteur, du fils respectueux puis de l’homme exaspéré de désespoir. Gilles David est un Polonius convaincant, et Elliot Jennicot pourrait donner un Rozencrantz irréfutable, si son compère Guildenstern n’avait été transformé en marionnette pour numéro de ventriloque !

- Mais vous savez bien que Rozencrantz et Guildenstern ne sont que des marionnettes entre les mains du Roi.

- Vous oubliez qu’ils sont aussi manipulés par Hamlet. Et que ce dernier leur fait avouer qu’ils sont aux ordres de Claudius. Et qui le premier mange la grenouille ? « the gentle Guildenstern » comme l’appelle la Reine ! « Monseigneur, on nous a fait venir » avoue-t-il. Décision solitaire ? Pas du tout, mais après un aparté où Rozencrantz lui demande « Qu’en dites-vous ? ». Car ce couple de « clowns » aristocratiques, forme avec le couple de « clowns » populaires, les fossoyeurs, les personnages qui donnent la respiration comique entre les scènes tragiques.

- Comique ?

- Les discussions, socio-physico-politico-mystiques, empreintes de bon sens ou teintées d’absurde, commentent et éclairent les événements, et souvent, redonnent le sourire au spectateur. Rappelez-vous Rosencrantz et Guilderstern sont morts de Tom Stoppard. Voilà un Britannique, - d'adoption, d'accord, mais ce sont les plus fidèles - qui, en 1966, avait bien compris l’importance de ces personnages secondaires.

- J’y vois surtout des personnages ballottés par les puissants et contraints d’obéir à leurs caprices.

- Bien sûr ! Et c’est en eux que le plus humble des spectateurs peut se reconnaître. C’est l’essence même de leur rôle. À moins qu’on n’ait pas les moyens de payer deux comédiens, - ce qui ne me semble pas être la raison au Français - je ne vois aucune logique à supprimer Guildenstern ! Aucune de faire de la Reine une pocharde !

- Le remords peut-être… Ou la conscience de sa culpabilité.

- Et d’autre part, je me demande pourquoi, après avoir vu Ophélie absorber des barbituriques dans les toilettes des dames, on garde le récit de sa mort, « drown’d », « in the weeping brook ». On pouvait se contenter de « muddy death », au point où on en était ! 

- Vous avouerais-je que je vous rejoins sur cette représentation d’Ophélie. La voir se dénuder sans pudeur m’a choqué.

- Eh bien ! Pas moi, voyez-vous ! Car je vois en elle une fille devenue folle parce que séduite et abandonnée. Ses chansons sont claires : « Let in the maid, that out a maid/never departed more », puis, plus loin : « before you tumbled me/You promised me to wed », et le galant répond : « I ha’done », « thou hadst not come to my bed ». Elle s’est donnée à Hamlet, c’est évident. Elle a transgressé l'interdit de son père et de son frère. Et Hamlet l'a repoussée après être venu l'adorer. Les lettres, les serments, les caresses, puis, plus rien : "le couvent!" dit-il... Son désarroi tourne à l'obsession. N'oubliez pas que parmi les fleurs qu’elle offre, dans cette scène, il y a la rue. La rue à fleurs jaunes, plante réputée abortive…

- Là, c’est vous qui « déformez »…

- À peine ! Mais soyez tranquille, ce sacré William survivra au massacre. Depuis des siècles, il en a vu d’autres. Et nous avons, pour nous, les souvenirs vivaces des Hamlet mis en scène par Vitez, Huster et Chéreau. Autrement plus poétiques, plus fidèles à l'auteur et à son traducteur.

- Oui, tout n’est pas pourri dans ce royaume !