20/09/2015
Un placard extravagant
Il y en a qui cachent des cadavres dans les placards, c’est au Grand Guignol ou en psychanalyse. Mais dans le théâtre bourgeois, la femme adultère qui s’écrie : « Ciel ! Mon mari ! », y enferme son (ou ses) amant(s).
Nicole Genovese, dans Ciel ! Mon placard parodie ces vaudevilles avec un enjouement loufoque. Elle installe ledit placard au centre de la scène et y loge tour à tour, la femme Dada Courte-en-Bière (Nicole Genovese elle-même), avec l’amant Louis (Sébastien Chassagne), puis la bonne, Mireille (Adrienne Winling), le mari, Maxime Courte-en-Bière (Renaud Boutin), et, drôlissime invention, une Cantatrice finlandaise (Marion Gomar), qui va ponctuer les séquences à la manière d‘une Castafiore de génie sur une musique allègre de Matthieu Benigno.
Vous raconter l’histoire ? Si on vous dit qu’elle est inénarrable, que tout y est invraisemblable et désopilant, sera-ce suffisant ? On peut y ajouter que Franck (Matthieu Benigno), de sa liaison avec Louis, a eu une enfant, Louison (Angélique Zaini), que Dada, jette son dévolu sur Jacquot, (Paul Bouffartigue), qu’elle assassine la mère de Maxime mais que le Capitaine (Nelson Ghrénassia) n’enquête que sur les fugues de Louison. Finalement, comme l’âne de la fable, la coupable sera la bonne, la pauvre Mireille. Sachez aussi qu’on y glisse un mot pour un autre, que les métaphores y sont surprenantes, les personnages doubles et le rythme endiablé. Le placard est des plus réjouissants. Le placard est extravagant !
La mise en scène de Claude Vanessa, les comédiens extraordinaires et imperturbables, les costumes de la "famille Genovese", ressuscitent les beaux jours des Branquignols.
Vous dire si on s’amuse ! Et comme on vous recommande ce spectacle.
Photos : © Charlotte Fabre
Ciel ! Mon placard de Nicole Genovese
Jusqu’au 18 octobre au théâtre du Rond-Point
Salle Tardieu à 18 h 30
12:35 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, langue, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre du rond-point, nicole genovese, comédie | Facebook | | Imprimer
19/06/2015
La reine de Montparnasse
Elle naquit en 1901 dans un « joli coin de Bourgogne ». On l’appela Alice. Sa mère était pauvre, son père était riche. Et comme ce n’était pas un conte de fées, ils ne vécurent pas ensemble. La mère partit pour Paris trouver du travail. Et Alice resta au pays chez sa grand-mère, laquelle élevait comme elle pouvait, les enfants dont la famille ne pouvait pas s’occuper. La soupe était souvent claire, mais elle les nourrissait d’amour.
Quand elle eut douze ans, sa mère se souvint d’elle et la fit venir à Paris pour entrer en apprentissage. Brocheuse, fleuriste, ouvrière (c’est la guerre, on la recrute pour visser des ailes d’avion), là voici bonne à tout faire dans une boulangerie. Cependant, elle est nourrie et logée, c’est mieux que chez sa mère qui « n’était pas faite pour être mère ». Mais comme elle ne supporte pas d’être battue, elle se retrouve à la porte. Qu’à cela ne tienne, elle va poser nue chez un sculpteur, et gagne 5 francs pour 3 heures de pose alors qu’à la boulangerie, elle en gagnait 2 par mois.
Hélas ! Sa mère a des principes et poser nue, c’est être une putain ! Pas de ça chez elle ! En plein hiver, Alice est à la rue, pauvre « grenouille aux souliers percés »[1]. C’est un peintre qui la recueille, il s’appelle Soutine. Elle devient son modèle et celui d’autres peintres. Ils ne parlent pas bien le français : ils la baptisent Kiki, c’est plus facile.
Il y eut quelquefois « retour à la case pieds mouillés dans la neige ». Mais avec une volonté tenace, elle rejoignit la « bande de la Rotonde » où le « papa Libion »[2] lui avait conseillé d’acheter un chapeau[3].
Elle pose pour Gworzdecki, Utrillo, Van Dongen. Elle est l’« inspiratrice » de Foujita, Kisling, Maurice Mendjinsky[4], Man Ray, la compagne d’Henri Broca, et d’autres Montparnos comme on les appelle, ces artistes, peintres, écrivains, sculpteurs, cinéastes. Dans leur vie de bohème à Montparnasse, on ne mange pas tous les jours, mais on boit, on danse, et on se dépêche de rire de tout. Elle est élue « reine de Montparnasse ». Étroit royaume, réduit au périmètre de la Rotonde, la Coupole, le Dôme, le Jockey, avec quelques incursions à Montmartre, quelques voyages vite achevés car, hors Montparnasse, la chance ne lui souriait guère. Royaume éphémère car la guerre dispersa ses amis.
Quand Kiki mourut, en 1953, seul Foujita l’accompagna au cimetière de… Thiais.
Pour cette Fantaise musicale intitulée Kiki, Hervé Devolder s’inspire avec talent des Mémoires de Kiki, recueillies par son dernier compagnon, André Laroque, agent des contributions directes le jour et musicien (accordéon et piano) la nuit.
Milena Marinelli est une Kiki, étonnante de ressemblance avec l’originale. Elle en a aussi la gouaille et l’assurance. Son joli timbre de voix fait merveille dans les chansons tour à tour réalistes ou nostalgiques. Elle est seule en scène et Ariane Cadier au piano, quelquefois, lui lance quelques remarques piquantes. C’est un spectacle enjoué, pétillant d’humour, fluide comme les boissons que Kiki aimait tant.
« Ne s’éteint que ce qui brille » écrivait Aragon. Hervé Devolder a rallumé les projecteurs sur elle.
Photos : © Pauline Marbot
Kiki, le Montparnasse des années folles, de Hervé Devolder
Théâtre de la Huchette
01 43 26 38 99
du mardi au vendredi à 21h
samedi à 16 h
depuis le 17 juin.
01/06/2015
Toujours fiancés ?
12:38 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Littérature, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, feydeau, théâtre du palis royal, hervé devolder, jacques mougenot | Facebook | | Imprimer