11/05/2014
Faire et défaire
Jusqu’au 7 mai, à la Cartoucherie, fidèle à ses principes, Ariane Mnouchkine avertissait les spectateurs qu’ils assistaient à une « répétition », et demandait à ceux « qui n’avaient jamais supporté d’assister à un accouchement » de rentrer chez eux et de « revenir une fois l’enfant lavé. »
Eh bien ! Cette fois, c’est fait ! Macbeth est né ! L’enfant et la mère se portent bien… Et les spectateurs sont transportés d’enthousiasme.
Macbeth ? Rappelez-vous… « Une histoire pleine de bruit et de fureur », une tragédie nocturne où les tambours roulent, le tonnerre gronde, les fanfares éclatent, les chevaux brisent leurs stalles, les cloches sonnent, les hiboux crient, et les assassins agissent en silence.
Le sire de Cawdor a trahi Duncan, son suzerain, en s’alliant au roi de Norvège. Macbeth, comte de Glamis, gagne la bataille contre les Norvégiens, et pour le récompenser, Duncan lui offre ce titre. Trois sorcières, sur la lande ont déjà prévenu Macbeth de sa promotion. Il était avec un autre capitaine, Banquo. À Macbeth, elles ont aussi prédit qu’il serait roi, et à Banquo qu’il engendrerait des rois. Ces oracles mystérieux et imparfaits vont pousser Macbeth au régicide, et une fois le premier crime accompli à les enchaîner jusqu’à ce que les féodaux se liguent contre lui et l’anéantissent. Macbeth a « fait » le crime et ne peut le « défaire ».
À la Cartoucherie, près de cinquante comédiens, sont engagés dans l’héroïque parcours. L’époque est incertaine. Les guerriers sont modernes, dissimulés dans des tumulus, aidés de partisans vêtus de peaux et d’oripeaux. On entend les hélicoptères de combats et les fusillades. Les sorcières n’ont pas d’âge, grotesques et effrayantes elles jouent avec les ordinateurs comme avec des objets rituels. Hécate est tapie dans un Mac. Les puissants aiment le luxe, les canapés profonds, les écrans plats et les micros qu’on leur tend pour composer leur gloire.
La lande fait place au camp, qui se modifie en salle, en cour, en antichambre, en roseraie. Les lieux et les châteaux se suivent, et les champs de batailles succèdent aux plaines. Tout se meut, change à vue, entraînant le spectateur dans la poursuite infernale de l'ambitieux Macbeth (Serge Nicolaï) et de sa « précieuse associée », Lady Macbeth (Nirupama Nityanandan). Il était encore « plein du lait de la tendresse humaine », elle va s'attacher à transformer ce « lait en fiel ». Ils en perdent le sommeil et errent dans les cauchemars sinistres de leur culpabilité. « Les agents des ténèbres » les poursuivent dans leur « besogne sanglante ». Des êtres de chair sont « massacrés sauvagement », d’autres, ballottés par des haines qui les abusent, tentent d’aimer, de vivre malgré le chaos dont ils ne sont pas responsables. C’est splendide et terrifiant.
Jean-Jacques Lemêtre orchestre les cris, les sons, les gémissements et les soupirs.
Dans la nouvelle traduction d’Ariane Mnouchkine, dans sa mise en scène somptueuse, Macbeth montre l’ambition cynique, la course diabolique du pouvoir, et dévoile également la soif de justice de l’homme et son éternel combat pour la rétablir.
Théâtre du Soleil
À 19 h 30 du mercredi au samedi,
Les samedis et dimanche à 13 h 30
01 43 74 24 08
La troupe : Samir Abdul Jabbar Saed, Taher Baig,
Shaghayegh Beheshti, Duccio Bellugi-Vannuccini,
François Bombaglia, Victor Bombaglia,
Sergio Canto, Juliana Carneiro da Cunha,
Camilia De Freitas Viana De Moraes,
Eve Doe-Bruce, Ana Amelia Dosse,
Maurice Durozier, Blas Durozier,
Man Waï Fok, Camille Grandville,
Martial Jacques, Sylvain Jailloux,
Dominique Jambert, Judit Jancso,
Iwan Lambert, Quentin Lashermes,
Agustin Letelier, Vincent Mangado,
Dionisio Mangado, Andrea Marchant,
Jean-Sébastien Merle, Alice Milléquant,
Miguel Nogueira Da Gama, Seietsu Onochi,
Vijayan Panikkaveettil, Ghulam Raza Rajabi,
Omid Rawendah, Armand Saribekyan,
Harold Savary, Luciana Velocci Silva,
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30/04/2014
Ce qu’il faut de chagrin
Il roule comme un fou, et sa fille, à côté de lui, essaie de le raisonner. Où vont-ils tous les deux ? Lui (Jacques Descorde), le visage fermé, l’air sombre, la parole rare, elle (Solenn Denis), comme toutes les adolescentes du monde, fragile, déboussolée, passant de la peur aux larmes, et de l’abattement à l’agitation, tous les deux vont accomplir un geste sacré : disperser les cendres de la femme aimée, de la mère qui vient de disparaître.
Il fait répéter à sa fille les mots d’un poème « Blanche est la mer, et blancs les ferries », elle hésite encore, et ensemble, ils reprennent : « Tout sera blanc[1] ».
Avec l’urne funéraire, il trimballe un révolver dans son sac, et la nuit, quand la petite dort, il semble fasciné par l’arme. Il réprime ses larmes, refoule ses sanglots, il hésite. Elle, avec impatience crie sa rage de vivre, et au bout du chemin, elle gagne.
En quinze séquences courtes et poignantes, avec Maman dans le vent, Jacques Descorde rend un vibrant hommage à celle qui lui manque. Le décor est sobre, un lit barre un écran blanc sur lequel se projettent la route, la falaise, le ciel, et, enfin, la plage où danse, en robe rouge, la jeune fille souriante.
On mesure « ce qu’il faut de chagrin » pour écrire cette pièce bouleversante. Et comment après le désert du malheur, le rire d’un enfant, rompt la fatalité et éclaire l’avenir.
Photos © D. R.
Maman dans le vent de Jacques Descorde
Texte publié à L’École des loisirs
Théâtre du Lucernaire jusqu’au 14 juin
Du mardi au samedi à 21 h
01 45 44 57 34
en tournée la saison prochaine, aux Ulis, à Guyancourt, Aubervilliers, St Jean de Luz, Strasbourg, Saran
16:44 Écrit par Dadumas dans Blog, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, lucernaire, jacques descorde | Facebook | | Imprimer
28/04/2014
Radio Trenet
23:09 Écrit par Dadumas dans Blog, cabaret, culture, humour, Littérature, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, music-hall, trenet | Facebook | | Imprimer