10/03/2014
Pour Catherine SELLERS
Elle vient de nous quitter...
« Elle joue toujours plus loin que la scène, toujours. Et à la place toujours dangereuse. Et toujours, elle donne ce sentiment bouleversant que cette place – de laquelle elle vous renvoie le rôle – est la place véritable de ce rôle, même si vous, vous ne l’aviez pas encore aperçue. S’agit-il d’une compréhension générale ? Peut-être, oui, si par ce mot on entend aussi un savoir qui s’ignore. Car elle n’en dit rien, ne l’impose en aucune manière, ne sait peut-être même pas, en effet, qu’elle en est porteuse : quand elle joue, parfois, elle paraît étonnée comme par la découverte de la pièce. Oui c’est ça, je crois qu’il s’agit ici de la dimension souveraine de l’acteur, de l’ouverture naturelle qu’il opère sur le rôle, de la projection de ce rôle hors des limites privatives de la pièce qui le contenait, de son transfert dans le dehors du théâtre, de son jeu originel. »
Marguerite DURAS
13:51 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Littérature, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, catherine sellers, cie pierre tabard | Facebook | | Imprimer
16/02/2014
Le retour de la féerie
Le beau Lysandre (Sébastien Poudéroux) aime la jeune Hermia (Suliane Brahim) mais le papa d’icelle, Egée (Elliot Jennicot) veut qu’elle épouse Démétrius (Laurent Lafitte) dont Héléna (Adéline D’Hermy) est amoureuse. Le duc Thésée (Michel Vuillermoz) qui va lui-même épouser Hippolyta (Julie Sicard), la somme d’obéir à son père. Elle a une nuit pour réfléchir.
Hermia veut la mettre à profit en s’enfuyant avec Lysandre, mais ils s‘égarent dans la forêt où les rivaux les suivent, où se sont donnés rendez-vous des comédiens (Stéphane Varupenne, Jérémy Lopez, Pierre Hancisse, Benjamin Laverne, Matëj Hofmman, Gabriel Tur) , et où tout une peuple de fées et de lutins rivalise de sortilèges sous la baguette d’Obéron (Christian Hecq). Les maladresses de Puck (Louis Arène), les caprices de Titania (Martine Chevalier), les incarnations étranges, Toile d’Araignée (Lola Felouzis), Groin (Paul Mc Aleer), Fleur des pois (Heidi-Eva Clavier), Graine de Moutarde (Pauline Tricot) vont créer la confusion parmi les hommes et les déités.
Au lever du jour, et à l’heure prescrite par le Duc, tout s’arrange. La nuit n’aura été qu’un rêve - mâtiné de cauchemar par instants pour les protagonistes - : Le Songe d’une nuit d’été. C’est une comédie de Shakespeare, une des plus belles du répertoire.
Pour sa mise en scène, Muriel Mayette-Holtz rend justice à la traduction de François-Victor Hugo, délicate et malicieuse. Elle place les humains dans la salle. Le Duc s’assied au premier rang des spectateurs entouré de ses sujets. Les êtres surnaturels s’ébattent sur scène avec les fugitifs. Les costumes de Sylvie Lombart soulignent cette dichotomie, atemporels pour les humains, soyeux pour la cour, de lin brut pour les comédiens, ils se hérissent de poils et de plumes pour les créatures imaginaires. La musique originale et les chants signés Cyril Giroux délient les uns et les autres. Pas de décor construit, la scénographie de Didier Monfajon court dans la fluidité des lumières (Pascal Noël), imposant le retour d’un genre un peu oublié : la féerie.
Un spectacle total pour ceux qui rêvent de se libérer des contraintes quotidiennes.
Photo : © Raynaud de Lage
Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare
Traduction de François-Victor Hugo
Comédie-Française
Salle Richelieu
En alternance jusqu’au 15 juin 2014
0825 10 1680
17:05 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, langue, Littérature, Livre, Musique, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, comédie-française, shakespeare | Facebook | | Imprimer
14/02/2014
« Ah ! Vous avez souri ! »
Le film Les Enfants du Paradis, chef d’œuvre de Marcel Carné et de son complice Jacques Prévert, totalisait plus de trois heures de projection. L’adapter pour la scène, en une heure dix, relève de la gageure. Mais, puisque l’action se passait au théâtre des Funambules, que l’histoire était une mise en abyme de ce qui se passait sur la scène, (ou l’inverse), puisque les dialogues, signés Prévert étaient devenus célèbres, Philippe Honoré a fait confiance à l’auteur du scénario et a gagné son pari.
Comment ? En recentrant l’action autour d’une troupe de quatre comédiens aguerris et capables d’interpréter plusieurs rôles. Il faut du talent et du métier. Ils en ont. Philippe Person, qui est aussi metteur en scène, joue Frédérick Lemaître et Jéricho, le marchand d’habits, (en alternance avec Pascal Thoreau). Sylvie Van Cleven est Nathalie, et… son père le directeur du théâtre, Yannis Bougeard est Baptiste et Pierre-François Lacenaire, et Florence Le Corre-Person : Garance. En quelques secondes, le temps d’endosser une redingote, de remonter une bretelle ou d’allumer un projecteur, ils changent d’identité sans une hésitation pour le spectateur. Et chacun de repérer les répliques immortelles et de sourire avec elles. « Ah ! Vous avez souri ! » et c’est gagné.
Avec Philippe Person et Philippe Honoré, ce n’est plus le XIXe siècle qui est « réinventé »[1], c’est le théâtre avec ses coulisses, ses intrigues, ses admirateurs, les faiblesses des uns, les passions des autres. Nathalie aime Baptiste qui aime Garance qui adore « la liberté ». Jean-François Lacenaire, Frédérick Lemaître et le Comte Edouard de Montray aiment aussi Garance. Mais le premier a « la tête trop chaude et le cœur trop froid », il a « déclaré la guerre à la société », et Garance « n’aime pas les courants d’air ». Le second écoute surtout ses désirs et à la recherche d’un grand rôle, va « enfin pouvoir jouer Othello », car, il a appris la jalousie. Et Edouard, qui est riche, voudrait « être aimé comme un pauvre ». Pour Garance « c’est tellement simple l’amour » qu’elle se donne à qui lui plaît, puis s’enfuit pour épargner Nathalie et son enfant. Il ne reste que le théâtre.
Il y a trois malles comme décor (Vincent Blot) , un rideau brechtien à cour, un dégagement au fond à gauche et les lumières d’Alexandre Dujardin font resplendir un petit théâtre défraîchi où les êtres ne vivent que pour donner aux spectateurs un rêve plus fort que la réalité.
Pour l’amour de Prévert, on oublie les milliers de figurants et les rôles secondaires. Plus rien ne compte que Baptiste, Garance, Frédérick, Nathalie, et… le théâtre.
Photos : © Christophe Gsell.
Les Enfants du paradis d’après le scénario de Jacques Prévert
Adaptation de Philippe Honoré
Théâtre du Lucernaire
Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15 h
01 45 44 57 34
[1]Gasiglia-Laster Danièle,L'Invention du XIXe siècle, II, Le XIXe siècle au miroir du XXe , éditions Klincksieck, Bibliothèque du xixe siècle et Presses de la Sorbonne Nouvelle, 3e trimestre 2002.
20:53 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Film, humour, langue, Littérature, Livre, Poésie, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, théâtre du lucernaire, prévert, philippe honoré, philippe person | Facebook | | Imprimer